La culture est un rouage de l’émergence panafricaine. Le Nigeria fait une percée remarquable dans ce secteur depuis une dizaine d’années avec d’importantes retombées financières pour l’économie. Décomplexés à l’instar de Yusuff Aina Abogunde, artiste nigérian, ces créateurs mesurent davantage l’intérêt grandissant des investisseurs sur leur art.
L’art africain a pris de la valeur ces dernières années. Selon plusieurs spécialistes, dont les experts de Sotherby’s : il a le vent en poupe. Investir dans ce domaine est devenu très rentable. «L’acquisition d’une statue de fertilité Dogon du Mali ou d’un masque Dan du Liberia offre un meilleur rendement qu’un investissement dans certaines entreprises ou technologies de pointe», explique Heinrich Schweizer. Sur ces dernières années, Sotherby’s a ainsi vendu pour près de 200 millions de dollars en œuvres d’arts africaines. Conscient de ces potentialités, Yusuff Aina Abogunde espère aussi se démarquer dans un tout autre registre dans un style plus contemporain. Peindre sur des corps, y laisser entrevoir les contours d’une souffrance ou tout autre sentiment sur des surfaces non plates. «J’ai développé une forme d’art nommé anaïsme. Cela prend souvent la forme de lignes dessinées sur des toiles, murs ou des corps humains», explique Yusuff Aina Abogunde.
Découvert il y a trois ans à l’occasion d’un Fashion Week à Lagos, l’artiste ne cesse de gravir les échelons dans l’univers de l’art afro. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le jeune modéliste tire son inspiration de plusieurs sources. «L’artiste martiniquais Jean-Michel Basquiat m’a énormément inspiré. Il a contribué à donner beaucoup de consistance. Je me suis beaucoup reconnu dans l’art qu’il exerçait», indique-t-il.
Yusuff Aina Abogunde – des lignes à l’infini
La valeur du talent n’attend point les âges. Celui de Yusuff Aina Abogunde paraît sans limite et ses œuvres séduisent au Nigeria. «Dans mon pays, vous avez une très forte concurrence. Les Nigérians peignent dans les rues, développent un art unique. Il faut dire que l’art reste un domaine à partir duquel nous pouvons tirer notre épingle du jeu socialement», analyse-t-il. Il s’agit d’une véritable performance dans un pays où les artistes se livrent grande concurrence sur le plan de la créativité des œuvres. Et la valeur des artistes nigérians grimpe en flèche. L’an dernier Tutu, celle que certains surnomment «La Mona Lisa africaine» en référence à l’oeuvre de Léonard de Vinci, a été vendu 1,4 million d’euros. La tendance a été également identique pour Christine, autre peinture du célèbre artiste Ben Enwonwu.
S’il est encore prématuré pour deviner un destin similaire aux œuvres de Yusuff Aina Abogunde, son ambition est en revanche sans limite. «La progression a été à un rythme assez rapide. J’ai perfectionné mon art en 2016 mais c’est l’année dernière que j’ai connu un vrai décollage dans les arts visuels à la suite d’une rencontre fortuite», se remémore-t-il.
L’anaïsme, un mode d’expression plébiscité
Yusuff Aina Abogunde a travaillé sur ses dernières collections en utilisant un médium qu’il a créé appelé « Anaïsme ». Le mot Anaïsme est dérivé de « Aina », un nom Yoruba donné aux enfants nés avec le cordon ombilical enroulé autour du cou. C’est une technique de lignes, de motifs et de symboles créatifs inspirés de sa culture Yoruba qui dépeignent un voyage, des obstacles, l’espoir, les luttes et la liberté qu’il exprime à travers la peinture, l’encre, le fusain et les couleurs sur n’importe quelle surface. Dans ces collections, il associe souvent l’Anaïsme à un masque « Eniyan », un médium qu’il utilise comme représentation de l’identité. En Yoruba, Eniyan est un terme utilisé pour décrire un humain, une personne ou tout être. Yusuff utilise également ce médium dans ses sculptures comme un moyen de donner une forme aux Hommes, en particulier aux corps noirs où chaque fissure devient une voix qui résonne en chaque personne noire. Et nous avons jusqu’au 21 septembre en ligne pour s’en rendre compte dans le cadre de l’exposition virtuelle « Where We Dey Go Now? » qui pourrait encore attirer davantage les regards des connaisseurs et investisseurs sur la valeur intrinsèque de l’art nigérian.