Il y a des utopies fondatrices. Et des rêves qui s’évaporent avec la fulgurance d’une étoile filante qui illuminera le ciel longtemps après son passage. Chadwick Boseman avait 43 ans et s’est éteint dans la nuit du vendredi au samedi, après avoir livré son dernier combat contre le cancer qui le hantait depuis quatre ans. Au monde afro-américain et aux africains à la recherche de modèles et d’utopies, il a offert son talent en incarnant le rôle de l’acteur principal dans « Black Panther » (Studios Marvel).
Le roi T’Challa dans Black Panther (2018) est l’anti-thèse du leader africain d’aujourd’hui. Il est à la tête d’un pays puissant, autosuffisant, maîtrisant la technologie quand les dirigeants des pays africains sont obligés de recourir à la coopération internationale pour boucler leurs budgets, acquérir de la technologie ou des vaccins contre le covid-19.
Le Wakanda fut, sur l’air d’un chant de l’artiste sénégalais Baaba Maal, le même qui fut joué quelques années plutôt devant un Nelson Mandela libéré, une utopie rédemptrice du peuple noir, un pansement sur une blessure mal refermée après 4 siècles d’esclavage, 150 ans de colonisation et 60 ans d’indépendance. Diagnostiqué d’un cancer du côlon en 2016, Chadwick Boseman n’avait jamais publiquement parlé de son état et avait continué à tourner sur les plateaux des grands films hollywoodiens tout en subissant «d’innombrables opérations et chimiothérapies», a précisé sa famille.
Son départ, trop tôt, relance le Wakanda au premier plan. En aura-t-on un parmi les 54 pays africains, figés dans des frontières héritées et une orientation commerciale et financière exclusive en direction des puissances coloniales respectives ?
Le film Black Panther, sorti en 2018 avait fait de Boseman le premier superhéros noir à qui un film de la franchise Marvel était entièrement consacré. Réalisé par Ryan Coogler, Black Panther avait rassemblé, outre Boseman, un casting d’acteurs noirs dont Lupita Nyong’o, Angela Bassett, Forest Whitaker et Daniel Kaluuya. Le film avait généré plus de 1 milliard de dollars de recettes au box-office.
A l’arrivée, l’on se demande, deux ans après sa diffusion, si Black Panther a réussi à vaincre les stéréotypes des pays africains abonnés à la quête de l’aide internationale. Boseman aura certainement fait bouger les lignes, en refusant d’abandonner pour ce film l’accent africain.« Ils me disaient que les spectateurs n’accepteraient pas un film dont le héros principal parlait avec cet accent », avait-il expliqué à l’époque. Il a résisté et lutté contre la maladie et contre un monde d’idées reçues. Aujourd’hui le Wakanda, 55 ème pays de l’Union Africaine, est triste. Son étoile s’est éteinte.