88,8% des entreprises tunisiennes ouvertes en avril 2020 ont subi une baisse de leur chiffre d’affaires à cause de la pandémie de la COVID 19, selon une récente enquête de l’Institut national de la statistique (INS) basée à Tunis.
Cette enquête, intitulée «Impact de la crise COVID-19 sur le secteur privé », s’est déroulée du 15 mai au 15 juin 2020. Elle a concerné un échantillon de 2500 entreprises. Selon l’INS, tous les secteurs clés de l’économie tunisienne ont été intégrés afin d’identifier les secteurs les plus à risque.L’enquête révèle par ailleurs que 6,3% des entreprises n’ont pas indiqué de changement. C’est seulement 2,2% d’entre elles qui ont enregistré une augmentation de leur chiffre d’affaires.
L’INS note qu’il n’y a pas de différences majeures entre les secteurs sauf pour les industries chimiques et pharmaceutiques avec 14,8% des entreprises qui ont enregistré une augmentation des ventes. «Les entreprises exportatrices sont plus nombreuses à enregistrer une baisse de leurs ventes : 93,3% contre 88,8% pour les entreprises non-exportatrices» révèle l’enquête. 75,1% des entreprises qui sont restées ouvertes sans interruption ont subi une baisse de leurs ventes contre 93,1% pour les entreprises qui ont ré-ouvert après interruption. La baisse moyenne des ventes au cours du mois d’avril a été plus importante pour les petites et microentreprises.
Sur un autre registre, les activités des entreprises ont fait l’objet de fortes baisses. L’INS relève à ce niveau que 78,2% des entreprises ont enregistré une baisse de leur cashflow. « Plus de 90% des entreprises des industries diverses, des industries mécaniques et électriques et du secteur de la santé ont enregistré une baisse de leur cashflow », notent les auteurs de l’enquête. Ils précisent que les entreprises exportatrices sont plus nombreuses à avoir subi une baisse de leurs cashflows.
70,1% des entreprises ont enregistré une baisse de la demande adressée. 94,9% des entreprises évoluant dans le secteur de la santé ont déclaré avoir subi une baisse de la demande adressée. Au niveau des entreprises exportatrices, c’est 75,6% qui ont estimé avoir subi cette baisse contre 68% pour les entreprises non-exportatrices.
69,8% des entreprises ont enregistré une baisse du nombre d’heures travaillées. L’INS signale que 75,6% des entreprises exportatrices ont déclaré avoir subi une baisse de la demande adressée contre 68% pour les entreprises non-exportatrices.
« Plus de 85% des entreprises des industries mécaniques et électroniques et celles services d’hébergement, de restauration et de café ont déclaré une baisse des nombres d’heures travaillées par semaine », relève-t-on dans le rapport de l’enquête.
Par ailleurs 61,1% des entreprises tunisiennes ont signalé une difficulté d’accès aux services financiers là où 50,6% d’entre elles déplorent une difficulté d’approvisionnement en matière première.
L’impact de la COVID-19 sur l’emploi a aussi été abordé par l’enquête. A ce niveau, l’INS révèle qu’au mois d’avril 2020, « la crise de la COVID-19 a eu une incidence limitée sur l’emploi formel : la plupart des ajustements étaient des congés temporaires et des réductions de salaire ».
50,1% des entreprises n’ont pas effectué d’ajustements, 18,7% ont procédé à des congés avec salaire, 9,6% des congés sans salaires. 11,5% des entreprises ont procédé à des réductions de salaire et 4,3% à des réductions d’heures. « Finalement, notent les enquêteurs, seules 4,5% des entreprises ont eu recours à des licenciements et 1,2% à des recrutements ».
Le secteur du bâtiment et celui des industries mécaniques et électroniques sont ceux qui ont effectué le plus d’ajustements liés à l’emploi. Les entreprises exportatrices ainsi que les PME et les grandes entreprises ont davantage procédé à des ajustements liés à l’emploi. Concernant l’état de fonctionnement des entreprises au 30 juin 2020, l’INS souligne que « le secteur privé a subi des perturbations sérieuses liées au COVID-19, mais la plupart des entreprises sont ré-ouvertes au 30 juin ».
88,7% des entreprises étaient ouvertes: 24,5% des établissements sont restés ouverts sans interruption et 64,2% des entreprises ont ré-ouvert après une interruption. 10,8% des entreprises étaient temporairement fermées: 8,1% sur décision de l’entreprise et 2,7 % sur celle du gouvernement.
Par contre, un très faible pourcentage de 0,4% des entreprises étaient définitivement fermées: 0,3% à cause du COVID-19 et 0,1% pour d’autres raisons. Les secteurs de la santé, des TICs suivis par les industries chimiques et pharmaceutiques ont été moins touchés par les fermetures temporaires des entreprises.
Par taille, les microentreprises et les PME ont été plus nombreuses à avoir fermé temporairement pendant le confinement avec respectivement 27,7% et 40,2% des établissements qui ont travaillé pendant le mois d’avril contre 58,9% pour les grandes entreprises. Quant aux fermetures temporaires des entreprises exportatrices, l’INS indique que 81% d’entre elles étaient concernées contre 75% les entreprises non-exportatrices. « Mais, au 30 juin, 91% des entreprises exportatrices étaient ouvertes contre 86% pour les non-exportatrices », souligne l’INS.
En revanche, l’enquête de cette structure révèle que 54,3% des entreprises déclarent risquer la fermeture ou sont incertains dans les conditions actuelles. Elles sont74,2% dans le secteur de l’hébergement, restauration et café qui déclarent risquer la fermeture ou sont incertains dans les conditions actuelles. Moins de la moitié des entreprises affirment pouvoir maintenir leur activité au-delà de l’horizon de 12 mois.
Les politiques de soutien les plus souhaitées par les firmes sont d’abord les exonérations/ réductions d’impôt
Quid de l’appréciation du soutien de l’Etat tunisien par les entreprises ? « Les politiques de soutien les plus souhaitées par les firmes sont: les exonérations/ réductions d’impôt (43,7%), les injections directes de liquidité (40,7%) et les reports d’impôts (36,6%) », souligne l’INS. Les enquêteurs signalent que ces mesures sont les plus appréciées par les firmes quelques soient leur âge et leur taille.
Toutefois, ils relèvent qu’au niveau sectoriel, l’industrie du bâtiment montre que les entreprises mettent les prêts à taux subventionnés en tête des mesures (61,4%) dont elles ont le plus besoin. Les entreprises exportatrices incluent également les prêts à taux subventionnés dans le top 3 des mesures dont elles ont le plus besoin devant les injections directes de liquidité classées en 4ème position.
Pour ce qui est des bénéfices reçus par les entreprises, elles sont au total, moins de 10% des entreprises à déclarer avoir bénéficié des mesures gouvernementales. Selon l’INS, ce pourcentage augmente fortement en fonction de la taille de l’entreprise (48,8% pour les grandes entreprises contre 9,2% pour les micros). La proportion des entreprises déclarant avoir bénéficié des mesures gouvernementales est 3 fois plus grande pour les entreprises exportatrices (28,0% contre 9,4% pour les non exportatrices).
Cette proportion varie entre les secteurs : 23,6% pour le secteur du bâtiment contre seulement 4,0% pour les entreprises TIC.
Par contre, plus de 37,9% des entreprises déclarent ne pas avoir pu bénéficier du soutien gouvernemental malgré leurs demandes et près d’un quart de ces entreprises n’ont pas exprimé à bénéficier de ces mesures.
Les mécanismes d’ajustement des entreprises ont porté principalement sur la digitalisation : 12,5% ont augmenté leur présence en ligne pour faire face à la crise du COVID. Les secteurs de l’industrie mécanique et électronique, des TIC et du bâtiment ont été les plus susceptibles à s’adapter au contexte en augmentant leur utilisation des plateformes numériques.
Toutefois, il apparaît que les microentreprises et les entreprises non-exportatrices ont été probablement les moins en mesure de s’adapter au contexte en augmentant l’usage des plateformes numériques. « Les entreprises ont augmenté leur utilisation des TIC principalement pour les tâches administratives (60,9%) et pour le travail à distance (44,5%), loin derrière les moyens de paiement (19,5%) ou encore les ventes (10,1%) », souligne l’enquête.
La digitalisation des tâches administratives a été utilisée par les entreprises du secteur de la santé (90,1%) et celles de l’industrie chimique et pharmaceutique (86,2%). Dans le secteur du commerce, l’utilisation d’internet est plus diversifiée avec plus de 20% des entreprises ayant fait des ajustements qui l’utilisent pour la vente, le marketing et les modes de paiements.
En matière de résilience et durabilité des activités, l’INS note que seules 13,3% des entreprises déclarent disposer d’un plan de continuité des activités (PCA). Cette proportion est plus importante selon la taille de l’entreprise et les secteurs d’activités. 25,4% des grandes entreprises disposent d’un PCA, là où les secteurs des TIC (23,0%), les industries mécaniques et électroniques (22,2%) suivi des services divers (20,1%) font parties des Top 3 des secteurs qui disposent d’un PCA.
Le télétravail est la mesure la plus intégrée dans les PCA (pour 26% des entreprises). En terme sectoriel, le télétravail a été inclue dans 59,7% des entreprises du secteur des nouvelles technologies qui ont un PCA, contre des proportions très faibles dans les secteurs de la santé et des industries chimiques et pharmaceutiques. Ces derniers adoptent davantage la mesure du stockage des intrants (61,2%) des entreprises chimiques et pharmaceutiques ayant mis en place un PCA.
Concernant les prévisions en matières d’attentes et d’incertitudes, l’enquête révèle que « globalement les entreprises tunisiennes (de plus de 5 employés) sont modérément optimistes pour les 3 prochains mois ». Dans le domaine des recettes 64,8% des entreprises anticipent une croissance positive dans le scénario optimiste. Cette proportion est de 45,8% dans le scénario neutre et de 15,4% pour le scénario pessimiste.
Pour les emplois, 64,2% des entreprises anticipent une croissance positive dans le scénario optimiste. Cette proportion est de 37,6% dans le scénario neutre et de 14,4% pour le scenario pessimiste Dans le domaine des investissements, l’INS indique dans le scénario optimiste que 58,8% des entreprises anticipent une croissance positive. Cette proportion est de 39,5% dans le scénario neutre et de 9,3% pour le scénario pessimiste