Mohamed H’Midouche est Vice-Président de l’Académie Diplomatique Africaine et Membre du Conseil d’Administration de l’Institut Africain de la Gouvernance. Ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement, son représentant résident au Sénégal, le financier marocain évoque dans le dernier numéro août-septembre de Maroc Diplomatique, ce qui est convenu, à quelques exceptions près, d’appeler l’exception du Cap-Vert. En consul honoraire de l’archipel aux 10 merveilles au royaume du Maroc, Mohamed H’Midouche décortique la recette miracle de ce pays à revenus intermédiaires, qui ne dispose ni du pétrole ni du diamant ni des minerais de fer.
L’actualité politique de notre continent, marquée ces derniers jours par son lot de bruits de bottes et de nouvelles inquiétantes en raison de la situation socio-politique qui prévaut en Libye, au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en RDC et en Ouganda, occulte les effets dévastateurs de la pandémie du Covid-19 qui ont terrassé les économies de la majorité des pays africains. Décidément, comme ledit l’adage populaire, un malheur ne vient jamais seul et toutes les couches de la population se retrouvent fragilisées avec un risque majeur de catastrophes sanitaire et économique qui vont aggraver la vulnérabilité des couches les plus démunies, notamment les jeunes et les femmes.
Si le dérèglement que nous constatons au niveau de tous les secteurs économiques est attribuée au Covid-19, l’instabilité politique et les crises qui s’en suivent, observés sur notre continent, sont le fait de facteurs endogènes propres à nos Etats en raison de la mauvaise gouvernance, du népotisme, de la gabegie, de la corruption et du désordre résultant d’une mauvaise administration des ressources nationales ou celles provenant de l’aide extérieure et de l’exclusion de la gestion des affaires de l’Etat des partis politiques d’opposition et des représentants de la société civile, ce qui constitue un facteur permanent d’instabilité.
Performance mitigée par 60 ans d’indépendance
En ce mois d’août 2020, de nombreux pays subsahariens ont célébré leurs fêtes de l’indépendance dans un climat marqué par les restrictions sanitaires, sans fastes et souvent sans défilés militaires. Ces indépendances ont été arrachées du joug colonial il y a six décennies. Le bilan que l’on peut dresser de ces années d’indépendance est mi-figue mi-raisin. Certes, de nombreux progrès ont été enregistrés sur le plan social, notamment au niveau de l’éducation des jeunes et des femmes avec la réalisation de nombreux projets d’infrastructures au prix d’un endettement excessif. Toutefois, de nombreux défis restent à relever notamment au niveau du secteur de l’énergie (60% des africains n’ont pas encore accès à l’électricité), de la santé (les hôpitaux sont sous équipés, la classe dirigeante et les nantis continuent de se faire soigner à l’étranger au prix d’une ardoise très salée. L’émergence d’une classe moyenne a été saluée mais elle se retrouve gravement fragilisée par l’impact négatif du Covid-19.
Le bilan que l’on peut dresser de ces années d’indépendance est mi-figue mi-raisin
Mohamed H’Midouche
La détérioration de la situation économique de nombreux pays s’est brusquement aggravée par les crises politiques qui ont surgi récemment ici et là, fragilisant les fondements de base de l’économie et les quelques acquis sociaux enregistrés. Tout le monde s’accorde à dire que cette instabilité est due à la mauvaise gouvernance et aux ingérences étrangères dans les affaires intérieures des pays africains, qu’elles soient le fait des anciennes puissances coloniales ou des nouveaux acteurs sur la scène régionale ou internationale qui ont leur propre agenda sans oublier les entreprises multinationales qui continuent à exploiter les ressources pétrolières ou minières de notre continent dans des conditions pas toujours transparentes et qui pratiquent l’évasion fiscale à grande échelle, laissant aux pays africains de maigres ressources pour financer leur propre développement les obligeant sans cesse à s’endetter.
Cette situation peu reluisante nous interpelle tous et à tous les niveaux et nous nous devons, en tant qu’africains, d’effectuer un sursaut qualitatif pour changer cette image négative qui continue à nous coller à la peau dans tous les médias internationaux qui traitent de l’Afrique et qui n’hésitent pas à perpétuer cette image dégradante et affligeante de notre continent, objet de toutes les convoitises en raison du grand potentiel de son marché avec une population estimée à plus de 1,2 milliard et de son sous-sol riche en matières premières. Heureusement que ce tableau peu reluisant ne concerne pas tous les pays africains et qu’il existe de petits pays comme le Cap Vert dont on ne parle pas souvent et qui est cité comme une vraie «SUCCESS STORY» en matière de bonne gouvernance en Afrique. Comment explique-t-on l’exception capverdienne ?
Rappelons tout d’abord que le Cap Vert est un Etat insulaire, un archipel de dix îles volcaniques situées en plein Océan Atlantique, au large des côtes du Sénégal et dont la capitale, Praia, se trouve à 644 kms de Dakar. Le Cap-Vert est le seul pays d’Afrique de l’Ouest totalement insulaire. Ses populations ont réussi un exploit extraordinaire, celui d’atteindre le niveau d’émergence faisant de leur pays un véritable cas d’école qui s’est distingué par la pertinence de sa vision et par la capacité d’anticipation de sa population qui entend compter sur elle-même
Impact du COVID19 sur l’économie cap verdienne
La solide performance économique enregistrée par le Cap-Vert ces dernières années a été brusquement interrompue par la pandémie du COVID-19 en raison des mesures d’urgence strictes adoptées pour contenir l’effet négatif du Coronavirus sur l’économie du pays et dont les projections de croissance ont été radicalement révisées à la baisse, passant de 5% à -4% en 2020. Pa railleurs, la dépendance du pays à l’égard des secteurs économiques bleus, notamment la pêche et le tourisme (qui représentent 20% du PIB), le rend particulièrement vulnérable aux chocs extérieurs et exacerbe l’impact de la pandémie.
Les autres facteurs du ralentissement économique ont trait à la réduction des IDE, à la forte baisse des envois de fonds de la diaspora et aux perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et leur impact sur les importations. Quelles leçons peut-on retenir de l’expérience du Cap Vert ? Les grandes leçons que l’on peut tirer de l’expérience du Cap-Vert sont très simples : pour réussir, il est indispensable d’adopter des politiques saines et de disposer d’institutions robustes et d’un bon système de gouvernance. Parmi les leçons à retenir de l’expérience cap-verdienne en matière de bonne gouvernance, on peut citer entre autres les principaux facteurs suivants:
· Stabilité politique et bonne gouvernance : Dès son indépendance en 1975, le Cap-Vert a réussi à consolider sa stabilité et sa bonne gouvernance, éléments clés de sa crédibilité internationale, pour gagner la confiance des citoyens, des membres de sa diaspora, des investisseurs internationaux et de la communauté des bailleurs de fonds.
· Stabilité macroéconomique et crédibilité : Le pays a opté pour des institutions pragmatiques et transparentes et pour des processus efficaces de gestion des finances publiques en donnant les moyens aux institutions clés d’exercer leurs activités sans subir de pressions politiques.
·Investissement dans les citoyens et dans le développement du capital humain: le pays veille constamment à n’exclure personne et à ce que tous les segments de la population partagent les fruits de la croissance; en élargissant la portée du système de protection sociale à des pensions du régime public et à une assurance contre les accidents et les blessures corporelles pour tous.
· Sentiment d’appropriation nationale et partage d’une vision commune : la population est mobilisée autour de la mission de reconstruction nationale en s’interrogeant sur la façon dont elle pourrait contribuer à l’édification de l’économie nationale au lieu de se demander ce que l’État pourrait faire pour elle.
Depuis le premier gouvernement formé en 1975, l’État s’emploie à mettre en œuvre une vision partagée et une approche inclusive, en concertation étroite avec la société civile.
Excellent score dans les indices internationaux de la Bonne Gouvernance
Selon l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG), en 2018, le Cap Vert a obtenu le score de 71,1 sur 100, le classant 3ème sur 54 pays africains. Il a également été très efficace dans la lutte contre la corruption. Dans l’Indice de perception de la corruption de ‘’Transparency International’’ en 2019, le Cap Vert se classe 41e sur 180 pays, soit le troisième pays africain le moins corrompu. Grâce à ces performances remarquables en matière de gouvernance, l’archipel est aujourd’hui considéré comme le pays qui dispose de l’un des systèmes démocratiques les plus stables d’Afrique, respectueux des droits de l’homme et de la liberté de la presse.
L’expérience du Cap-Vert montre que le développement généralisé est possible même lorsque le pays n’est pas doté de ressources naturelles et qu’il subit les surcoûts de l’insularité et d’un climat hostile l’exposant à une vulnérabilité extrême. Puisse notre continent retrouver le chemin de la stabilité politique et de la croissance économique inclusive au moyen de bons systèmes de gouvernance et d’institutions publiques fortes et stables, seuls gage d’une Afrique paisible et prospère.
2 commentaires
Cher Monsieur le premier problème depuis 60 ans de l’Afrique c’est les dirigeants Africains qui sont de vrais gansters des voyous qui pillent leurs pays avec leurs familles et la complicité des pays tiers.
Alors les grandes phrases et les longs discourts c’est peine perdue.
Regarder chez vous le Maroc un pays corrompu à tous les niveaux.
Le problème c’est les dirigeants Africains qui sont corrompus comme c’est pas possible mais ne disons rien sinon c’est la censure par les journaleux champion de la corruption aussi