Ils seront finalement trois candidats qui vont s’affronter pour l’élection présidentielle de novembre 2020 au Burkina Faso. Le président sortant, Roch Marc Christian Kaboré, 63 ans, investi candidat de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Désiré Kadré Ouédraogo, 67 ans, candidat du mouvement «Agir ensemble» et Zéphirin Diabré, 61 ans, candidat de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) .
Une chose rapproche ces trois poids lourds: si deux d’entre eux seulement ont été Premier ministre, touts les trois ont travaillé dans des gouvernements de l’ère Blaise Compaoré et ontservi au portefeuille de l’Economie et des Finances. Mais, contrairement à Désiré Kadré Ouedraogo, resté dans un mutisme inqualifiable après le départ de Blaise Compaoré, Roch Marc Kaboré et Zéphirin Dabré ont basculé dans l’opposition sous le règne de ce dernier.
Roch Marc Christian Kaboré compte rectifier le tir
Actuel Président de la République du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré veut rempiler. Economiste de formation, Il est né dans le pouvoir car son père, Chila Kaboré, a occupé diverses fonctions sous le régime de Maurice Yaméogo, premier Président de l’ex Haute Volta, notamment celles de conseiller technique du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité en 1961, de trésorier général de la Haute-Volta, de ministre des Finances puis de ministre de la Santé publique.
Roch milite d’abord dans des mouvements estudiantins africains en France. Après une maîtrise en sciences économiques et gestion en 1979 et un DESS en gestion dans les années 80, il est aux avant-postes de la lutte pour l’intégration des peuples noirs et se fait remarquer sous l’ère Sankara avec l’Union de lutte communiste-reconstruite (Ulc-R). Cette détermination sera payante, car Thomas Sankara l’embarque comme directeur général de la Banque Internationale du Burkina (BIB), alors qu’il n’a que 27 ans. Sous Compaoré, le poste de ministre des Transports et de la Communication lui est confié. Insubmersible, il devient par la suite ministre chargé de l’Action gouvernementale.
Face aux effets de la dévaluation qui réduisaient le pouvoir d’achat de populations, Roch Marc Christian Kaboré est propulsé au poste de Premier ministre le 22 mars 1994 et y restera jusqu’au 06 février 1996 afin d’atténuer les effets de cette mesure monétaire qui avait, en son temps, fragilisé les perspectives économique des pays de l’Uemoa.
Les relations entre Blaise et son poulain, qui étaient au beau fixe, se dégradent en 2012 autour de la question de l’article 37 de la constitution. Considéré comme un renégat par les proches du pouvoir, Roch quitte le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), alors parti au pouvoir, en 2012 et crée deux ans plus tard, avec plusieurs autres démissionnaires, le Mouvement du peuple pour le progrès 5 (MPP). C’est ce parti qui remportera les élections de 2015 avec 53,49 % des voix, soit 1 668 169 des suffrages. Une élection démocratique, après plus de 30 ans de règne militaire. En dépit de la ferveur qui a animé cette prise de pouvoir par les urnes, par un civil, le Burkina Faso fait face depuis lors à l’insécurité. Les attaques djihadistes ce sont multipliées, occasionnant de nombreuses morts et des milliers de déplacés. Conscient de cette faille du régime, Roch Marc Christian Kaboré sollicite un second mandat avec une envie de refonte. Dans cette lancée, il est soutenu par l’Alliance panafricaine pour la refondation (Apr-Tiligré), dont le président d’honneur n’est autre que Me Bénéwendé Stanislas Sankara, homme politique burkinabè qui a défié Blaise Compaoré dans les urnes en 2010.
«Zeph»
L’autre pion de l’arène politique Burkinabé, Zephirin Diabré n’est pas un inconnu. L’homme a suivi les traces de Roch Marc Christian Kaboré dans sa carrière et fut ministre de l’Économie, des Finances et du Plan dans son gouvernement. Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion à la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université Montesquieu Bordeaux IV, Zéphirin fut Professeur assistant de gestion à l’université de Ouagadougou de 1987 à 1989. Nommé ministre de l’Industrie, du Commerce et des Mines dans le gouvernement du Premier ministre Youssouf Ouédraogo, il est reconduit, deux ans plus tard, dans le gouvernement du Premier ministre Roch Marc Christian Kaboré avant d’être porté à la tête du Conseil économique et social. Député à l’Assemblée nationale, le candidat de l’Union pour le progrès et le changement (Upc), a travaillé dans plusieurs institutions dont le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le groupe Areva, le Medef et l’université de Harvard aux Etats Unis comme enseignant-chercheur.
«Zeph», comme l’appelle ses proches, a été battu à l’élection présidentielle de 2015, où il a obtenu 29,65 %. Mais 19 députés de son parti siègent à l’Assemblée nationale. L’Upc compte 19 maires et plus de 1 600 sièges de conseillers municipaux. A nouveau candidat pour novembre 2020, le président de l’Upc veut apporter un changement. «Ce pays a besoin, plus que jamais, d’un nouveau départ, d’un nouveau souffle, d’une nouvelle vision», disait-il lors de son investiture, le 25 juillet dernier.
Désiré Kadré Ouedraogo, acteur majeur de la politique étrangère du Burkina Faso
Poids lourd de la diplomatie burkinabè, Désiré Kadré Ouedraogo est un acteur principal de la politique étrangère de son pays. Sorti de l’école des Hautes études commerciales (HEC), Kadré Ouedraogo obtient par la suite un diplôme d’études économiques générales et de la Licence es-sciences économiques de l’université de Paris I. Conseiller des affaires économiques au ministère du Commerce et du Développement industriel au Burkina Faso en 1977, il intègre la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (Ceao- devenue Cedeao). Il occupera diverses fonctions dans cette institution pour en être le président de la Commission de 2012 à 2016.
Désiré Kadré Ouedraogo a aussi occupé le poste de vice gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) en 1993. Devenu ministre de l’Economie et des Finances puis Premier ministre, de février 1996-2000, il su se bâtir un carrière de diplomate en devenant successivement ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso à Bruxelles avec compétence sur le Royaume de Belgique, le Royaume des Pays-Bas, le Grand Duché de Luxembourg, le Royaume de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, et la République d’Irlande ; représentant permanent auprès de l’Union européenne, de l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (Oiac), et président du comité des ambassadeurs Acp (Organisation des États d’Afrique, des caraïbes et du pacifique).
Investi le dimanche 6 septembre, au Palais de culture de Bobo Dioulasso, par son parti, Agir ensemble pour le Burkina Faso, pour être candidat à l’élection présidentielle du 22 novembre, l’ancien président de la Commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a fustigé la gouvernance sous Roch Marc Kaboré, qui, selon lui «peine à instaurer la stabilité dans le pays». Affirmant que depuis le départ de Blaise Compaoré, «le pays s’engouffre dans la crise. « L’insécurité est persistante, la haine vivace dans certains esprits, la corruption galopante et l’inégalité flagrante entre Burkinabés », poursuit-il.
Outre les défis économiques qui attendent le nouveau locataire du palais présidentiel burkinabè, le pays des «Hommes intègres» fait face à des attaques fréquentes de djihadistes et des regains de conflits communautaires. Qui de Marc Christian Kaboré de Zephirin Diabré et de Désiré Kadré Ouadraogo pourra freiner cette vague d’insécurité qui constitue une menace pour les investissements privés dans le pays ? Pour une campagne électorale animée par trois financiers, gageons que l’économie sera au centre du débat.