Dominé par les marques Chinoises et Sud-coréennes en l’occurence “Samsung”, “Huawei”, “Tecno”, “Infinix”, “Itel” qui captent près de 60 % des parts de marché sur le continent Africain, le marché des téléphones de “middle” gamme (gamme intermédiaire) a le vent en poupe. C’est à travers cette galaxie tentaculaire de constructeurs asiatiques solidement implantés en Afrique que Fadima Diawara, CEO de la marque Guinéenne “Kunfabo” et les autres constructeurs Sud-Africains, Rwandais et Maghrébins comptent se frayer un chemin. Tout à ses débuts et consciente de l’immense défi à relever, la jeune entrepreneure guinéenne mise sur la stratégie du “low-cost” tout en imprimant une identité africaine à “Kunfabu” pour s’imposer sur ce marché. Fadima Diawara a partagé son expérience avec Financial Afrik.
Propos recueillis par Mamadou Aliou Diallo, Conakry.
FA: Comment se porte le projet Kunfabo depuis son lancement?
La startup se porte très bien, nous avons procédé à notre premier lancement au mois de janvier 2020 pour une première introduction avec 3000 unités. Nous ne nous attendions pas à ce qu’il y ait autant d’engouement pour nos produits. Nous avons énormément de demande en Guinée, un peu partout en Afrique et également au niveau de la diaspora.
FA: Quelle est la spécificité de la marque Kunfabo et qu’elle est votre argumentaire de vente qui vous démarque des géants de la téléphonie?
Nous nous positionnons comme une marque Africaine «low-cost». Kunfabo est certifiée à travers les normes UE et se démarque avec son prix accessible de 99 dollars pour favoriser l’inclusion numérique en Afrique. Kunfabo intègre des applications qui répondent aux besoins des Africains. Notamment l’application de géolocalisation des centres de santé, des hôpitaux, pharmacies de proximité, «Findme» avec pour objectif, de mettre la technique au service de la santé pour sauver des vies; une application culinaire «Afrocook» pour préparer des recettes Africaines afin de valoriser l’art culinaire Africain, une application de messagerie instantanée Africaine et de paiement mobile «Dikalo». Le concept de kunfabo c’est de proposer aux Africains un smartphone de qualité conforme aux réalités Africaines, qui valorise les Africains et surtout les accompagne dans leurs vies quotidiennes. Nous disposons d’un service après-vente efficace et nos smartphones sont tous fiables et assurés …
FA: après les investissements d’amorçage, sur quels types de partenariats financiers ou stratégiques misez-vous pour accélérer votre croissance?
Nous avons entamé des recherches de financement qui, nous espérons, vont nous permettre à la fois d’accélérer notre rythme de croissance, d’améliorer notre offre et de répondre à la demande croissante des utilisateurs. Nous envisageons également de nouer des partenariats avec des entreprises de téléphonie afin de profiter de leurs canaux de distribution. Cela dit, pour atteindre nos objectifs, nous avons besoin de mobiliser les fonds nécessaires afin de répondre à la demande.
FA: comment se passe votre entrée sur le marché et quelles sont vos cibles prioritaires? quel est le retour?
En Guinée, nous avons un bon feed-back de nos utilisateurs. Il y a beaucoup de demande et surtout, ils sont satisfaits de notre service après-vente. Il faut rappeler qu’en Guinée nos smartphones sont assurés; la banque Société Générale qui est notre partenaire dans ce projet participe quant à elle à la distribution de notre smartphone et met notamment à la disposition de ses clients nos téléphones à crédit sans intérêt, remboursable sur six (6) mois.
FA: sur le plan technique, quels sont vos partenariats, notamment pour la fourniture du matériel de conception (microprocesseurs, batteries, etc…) logiciels et système d’exploitation?
Nous travaillons évidemment avec plusieurs partenaires, notamment l’usine d’assemblage, en étroite collaboration avec nos ingénieurs, designers, développeurs, bref toute une équipe technique. Nous développons nos propres applications. Nous voulons faire de Kunfabo une plateforme où les jeunes innovateurs Africains pourront s’exprimer à travers leurs talents et collaborer sur un projet africain par des Africains avec une envergure continentale et éventuellement internationale. C’est dans cette perspective que nous collaborons également avec une startup camerounaise qui a développé l’application de messagerie Africaine et de paiement mobile “Dikalo” disponible sur notre smartphone. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles startups africaines capables d’apporter leur expertise au projet afin que nous puissions tous nous développer en chaine. Pour le système d’exploitation, c’est l’incontournable système Android qui équipe nos smartphones. Dans un avenir proche, nous envisageons de développer notre propre système d’exploitation.
FA: comment envisagez-vous de faire profiter à la Guinée et à l’Afrique de votre innovation, que ce soit en termes de création de chaînes de valeur ou d’emploi?
Déjà ce sont des jeunes Guinéens qui travaillent sur le projet Kunfabo et nous bénéficions de l’expertise de professionnels Africains sur bien des domaines… toutes ces collaborations apportent un plus à la formation, au partage entre les professionnels. Nous travaillons d’arrache-pied pour atteindre nos objectifs afin de créer plus d’emplois pour la jeunesse. Aujourd’hui, la tranche d’âge des professionnels qui travaillent sur Kunfabo varie entre 20 et 35 ans.
FA: en tant qu’acteur, avec un objectif de s’offrir une place au soleil sur le marché africain et international à long terme, que vous inspire aujourd’hui les difficultés que vivent le groupe Huawei face aux USA? quelles sont vos perspectives?
Les divergences qui opposent le groupe Chinois Huawei et les États-Unis sont un problème politique et de leadership. En ce qui nous concerne, notre ambition première est d’abord continentale mais nous envisageons de nous ouvrir au reste du monde une fois le marché Africain conquis. Nous sommes cependant conscients des difficultés du marché de la téléphonie et des nouvelles technologies avec des acteurs comme Samsung, Huawei et autres, mais nous sommes confiants quant à nos atouts et force que nous comptons faire valoir pour nous offrir une place sur le marché Africain avec comme ambition principale de nous emparer du leadership sur la gamme “low-cost” déjà occupée par les marques Chinoises.
Je pense que le moment est venu de sortir l’Afrique de la dépendance et de son statut d’éternelle consommatrice des produits étrangers. Nous devons donner de la force à nos propres innovations afin qu’elles s’imposent et nous sortent de la dépendance. Le monde évolue, l’Afrique ne doit pas être en marge. Notre objectif à terme, c’est d’arriver à produire nos smartphones en Afrique dans notre propre usine afin de créer une véritable chaine de valeur et des milliers d’emplois, former des professionnels Africains et générer plus de richesse pour le continent.