Membre de l’institut des actuaires français et membre d’honneur de l’association des actuaires africains, l’Ivoirien Ibrahima MEITE a occupé de hautes fonctions au sein des deux plus grands groupes d’assurance en Afrique francophone.
Successivement Directeur Central Technique au sein de la holding du groupe Sunu, DGA de la filiale Sunu IARD Cote d’Ivoire, il intègre le groupe NSIA en qualité de Directeur Technique et Actuariat Groupe cumulativement à la fonction de DG de Nelson Ré, captive du groupe NSIA.
Rompu au métier de l’actuariat et des assurances, il crée le cabinet African Mutual Global Services (AMGS SA).
Cette structure s’est assignée comme objectif de soutenir les compagnies d’assurance et les entreprises dans le placement de leurs risques sur le marché financier. En outre, le cabinet vise une vulgarisation des produits d’assurance en se basant sur l’innovation.
En tant que membre de l’Institut des actuaires français, pouvez-vous nous donner plus de détails sur la définition de l’actuariat ?
C’est toute la science qui permet à un tiers de faciliter la prise de décision en s’appuyant sur des modèles mathématiques. Je le résume à la maîtrise de la technique de modélisation et de quantification des risques.
L’actuariat se retrouve dans tous les secteurs d’activité, car on utilise des modèles économétriques, partout, pour une prise de décision. Et l’un des domaines de prédilection dans lequel exercent les actuaires est le monde des assurances. Il faut néanmoins souligner que cette technicité s’est développée dans les banques, les institutions de prévoyance, les entreprises et même les gouvernements comme au Royaume Uni.
L’actuariat est une discipline transversale au sein de tous les secteurs d’activités.
Avec votre compétence d’actuaire, vous arrivez à créer en Côte d’Ivoire African Mutual Global Services (Amgs). D’où vient cette idée ?
AMGS est une équipe de professionnels. Nous nous sommes mis ensemble pour faire face à des enjeux, propres, à l’industrie des assurances en Afrique.
Nous avons identifié certains créneaux sur lesquels nous pouvions agir notamment la réassurance, le risk-management entre-autres.
Vous ne pouvez pas avoir un développement économique sans une industrie des assurances très forte. L’industrie des assurances est un collecteur de primes et un pourvoyeur d’emplois. Les assureurs sont les premiers acquéreurs des obligations d’état, des acteurs majeurs de la politique d’investissement publique.
Dans l’espace CIMA, sur une collecte de 1000 milliards, 300 milliards de nos francs sortent de l’espace économique par le jeu de la réassurance. Il nous faut maîtriser cette cession afin que nos compagnies d’assurance puissent être encore plus solides et jouer plus efficacement leur rôle dans nos économies.
Les autorités de contrôle ont fait un travail remarquable en prenant des mesures. Mais cela ne suffira pas, tant que nous n’aurons pas la maîtrise technique, pour que cette volonté des dirigeants se traduise concrètement dans les opérations d’assurance.
AMGS veut mettre à la disposition des compagnies d’assurance et des entreprises, des professionnels qui puissent leur permettre de réduire cet exode monétaire.
Peut-on chiffrer la collecte totale des assureurs ?
Comme nous le disions plus haut, il y a une collecte de primes dans l’espace Cima de près de 1000 milliards Fcfa.
Dans le marché Nord-américain ou français il y a moins de 10% de taux de cession en réassurance. Mais, en réalité la part qui sort de l’économie est bien moindre.
En Zone CIMA, Il y a des pays où 80% des primes collectées sortent de l’espace économique, il y a un problème.
Que proposez-vous aux acteurs afin de leur permettre de lutter contre cet exode ?
Pour maîtriser l’exode il y a d’abord les services que nous offrons aux sociétés d’assurances en leur permettant d’optimiser leurs cessions en réassurance.
Mais de manière beaucoup plus large, nous allons aider également les entreprises, quel qu’en soit le secteur d’activité, à mieux définir leurs plans d’assurances. Nous avons développé une offre : « la revue d’assurances » à cet effet.
C’est un partenariat gagnant-gagnant avec les assureurs. C’est un travail à la chaîne, nous commençons par les entreprises qui sont demandeuses d’assurances, ensuite nous allons chez l’assureur qui lui-même est demandeur de politique de réassurance optimisée. Par une chaîne bien ordonnée, nous pouvons contribuer, avec l’ensemble des mesures prises par les autorités, à agir sur cet exode des primes.
A vous entendre dérouler votre stratégie, est ce que votre offre ne sera pas confrontée à des difficultés imputables à la surface financière des géants ?
Il n’y a pas d’opposition avec l’offre des assureurs mais bien la mise en place d’un partenariat.
Je suis convaincu, que les assureurs verront d’un très bon œil l’arrivée d’un acteur comme AMGS qui leur permettra d’avoir des risques qui ont déjà été étudiés en amont de la chaîne de souscription.
Deuxièmement, AMGS permettra aux assureurs de réduire la hausse des frais généraux en externalisant certains services liés aux opérations d’assurances. L’actuariat, la réassurance, la technique, la gestion des sinistres de pointe, la comptabilité des opérations d’assurance ou de réassurance par exemple.
Avec un taux de pénétration faible, ajouté à la barrière de méfiance entre les maisons d’assurance et les populations, quelle sera votre recette pour capter un nombre important de clients dans ce monde de l’assurance ?
Au-delà d’apporter une solution, AMGS est aussi un concepteur de produits. Nous sommes très au fait de tout ce qui est innovation.
Quelque soit la maturité du marché, nous aurons toujours de l’innovation pour permettre une croissance du marché. Sous nos tropiques, il faut également innover, trouver des niches d’opportunités, créer des produits qui sont plus en adéquation avec les besoins des populations. C’est aussi la vocation d’AMGS.
Concrètement, que vise African Mutual Global Services avec ses différents produits? Quels sont vos objectifs à moyen terme et long terme ?
Très clairement c’est apporter de la sécurité à nos populations avec des produits innovants qui répondent à leur besoin, avec une vision panafricaine. Des professionnels africains qui se mettent à la disposition des populations africaines, des compagnies d’assurance africaines afin de développer cette industrie d’assurance qui nous est chère.
Dans ce contexte, nous allons ouvrir à Dakar (Sénégal) le mois prochain et progressivement nous allons nous étendre au Burkina Faso, en Guinée, en RDC et couvrir à moyen terme tout le Golf de Guinée.
Dans une de leurs exigences la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (Cima), a invité les structures du secteur à porter désormais leur capital à trois milliards Fcfa contre 1 milliard précédemment. Que pensez-vous de cette nouvelle réforme ?
Avant toute chose, il faut saluer tous les acteurs de l’industrie de l’assurance pour le travail réalisé depuis les indépendances. La Cima est vraiment une organisation unique avec une réglementation commune qui couvre quasiment toute l’Afrique francophone. Nous espérons bientôt un marché unique.
Fort des réalités qu’elle connait mieux que nous, elle souhaite que les entreprises aient des fonds propres conséquents. C’est l’avis du régulateur.
Quant à dire qu’il fallait passer d’un capital de 1 à 3 milliards Fcfa uniformément, est-ce la méthode qu’il fallait choisir ou une autre ? Personnellement j’aurai opté pour une redéfinition du modèle d’allocation en capital qui soit plus en ligne avec la souscription et les risques propres à chaque compagnie d’assurance.
Doit-on exiger le même capital à un assureur qui souscrit que la RC avec celui qui souscrit que de la prévoyance ? Ne doit-on pas tenir compte de la politique de souscription ? De la rigueur dans l’évaluation des provisions techniques ? De la gouvernance ?
Je m’interroge.
En outre, la fixation d’un capital minimal à 3 000 000 000 rend l’industrie des assurances peu attractive pour les investisseurs. Figurez vous que pour une rentabilité de 10%, si nous tenons compte d’un ratio combiné de 95% et d’une imposition de 35% il faudrait un chiffre d’affaires de 9,23 milliards FCFA. Combien de marchés ont une telle taille en vie et non vie pour permettre une compétitivité des acteurs ?