Depuis son entrée au Gouvernement en qualité de ministre de la défense sous François Hollande puis de ministre des affaires étrangères sous Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian, l’actuel patron du Quai d’Orsay, par ses faits d’armes sur le continent, rappelle le «Monsieur Afrique» de De Gaulle, le fameux Jacques Focart.
Mythique architecte des réseaux français en Afrique, Jacques Foccart a été, de 1959 à 1974, le conseiller du Général de Gaulles, l’homme-lige de Georges Pompidou, l’incontournable conseiller de Valéry Giscard d’Estaing pour les Affaires africaines et malgaches. Durant toutes ces décennies, Foccart a bâti les fondations et posé les jalons dans la durée du cadre d’expression des relations avec les nouveaux États indépendants, pensées comme un prolongement de la politique hexagonale : « Elles revêtent un caractère de coopération particulière entre la France et ses anciennes colonies d’une part et les autres pays africains d’autre part dans les secteurs les plus importants de leurs activités. De plus, elles se situent sur un plan de liens amicaux et personnels développés avec les dirigeants », explique cet ancien de la cellule Afrique de l’Elysée.
La « méthode Foccart » est portée par des générations politiques qui ont préparé puis orchestré la décolonisation de l’Empire français des années 1940 aux années 1980. Sortie de son cadre chronologique, elle est devenue une immuable recette des relations franco-africaines. La » philosophie de la méthode Foccart » est la conviction qu’il y aurait eu une politique africaine unifiée, celle de la » Françafrique » néocoloniale, avec son cortège d’interventions directes, de corruption des dirigeants et de rôle trouble d’intermédiaires, de coups tordus de mercenaires et d’interventions militaires à l’instar des coups de boutoir du mercenaire Bob Denard, ou des facteurs typiques de ce réseau comme Robert Bourgi, Jean Yves Olivier …
En effet, faire un flash back sur les méthodes et l’influence de Jacques Foccart est un exercice indispensable pour éclairer certains des ressorts longtemps cachés et bien sombres de la Ve République et des relations franco-africaines. Les réseaux montés par Foccart constituent le cœur de ce qu’on peut appeler la méthode Foccart, comme elle est au fondement même de ce qu’on désigne sous le nom de « Françafrique », qu’il a, avec le général de Gaulle, contribué à fonder et à orienter la politique française en Afrique qui a permis à Paris de maintenir son influence et sa diplomatie, notamment au sein des Nations Unies où le groupe Afrique s’aligne, la plupart du temps, sur ses positions, notamment les pays d’expression francophone.
Le secret de l’influence de Jacques Foccart, et ce qui démultiplie l’efficacité de son réseau, c’est ce qu’on peut appeler la multipositionnalité de Jacques Foccart, c’est-à-dire le fait qu’il occupe à l’Élysée, dans l’appareil de l’État et au sein du mouvement gaulliste, un certain nombre de positions stratégiques à cheval sur le formel et l’informel. Le réseau de Jacques Foccart s’appuie sur des positions institutionnelles multiples dont il peut mobiliser les ressources pour étendre son influence au sein d’autres institutions et d’autres réseaux : c’est ce que nous appellerons la «toile» de Foccart. Cette toile Foccart si elle a vieilli et a eu quelque peu du mal à se recycler car l’eau a assez coulé sous le pont avec la montée en puissance des nouvelles générations en Afrique qui en appellent à la rupture, elle n’en reste pas moins efficace avec un Jean-Yves Le Drian qui mène à peu près de façon philosophique les mêmes méthodes avec une orientation concentrée sur l’affairisme et le recyclage des anciens hommes des services et de l’armée en nouveaux lobbyistes ou conseillers occultes dans le giron de la diplomatie souterraine.
La méthode Le Drian, le nouveau Foccart
Sous Hollande, Jean-Yves Le Drian s’est retrouvé souvent à couteaux tirés avec Laurent Fabuis qui occupait le poste de ministre des Affaires Etrangères. C’est à partir de l’ opération Serval puis, plus tard, de Barkhane, lors de l’intervention de l’armée Française au Mali, que Jean- Yves Le Drian a commencé à tisser sa toile. Il a réussi en son temps à convaincre Hollande à prioriser la construction de programmes sécuritaires régionaux.
C’est à cet instant précis que le ministère français de la Défense a pris l’ascendant sur le Quai d’Orsay sur les questions africaines. Ce tournant géopolitique et géostratégique militaire a fondamentalement permis, qui plus est, à Jean-Yves Le Drian de bâtir son réseau tout au long du quinquennat en s’appuyant sur ses fonctions de ministre de la Défense où il jouait de façon informelle, le rôle de ministre de l’Afrique. D’ailleurs, les dirigeants nostalgiques de la Françafrique, opposants et rebelles centrafricains, Tchadiens et autres de passage à Paris, marquaient régulièrement une escale technique chez Cédric Lewandowski, le directeur du cabinet de Jean-Yves Le Drian.
Le Drian, à l’instar de Jacques Foccart, gère ses réseaux en toute discrétion. «L’équipe Le Drian n’était pas préparée à l’Afrique, mais elle a su très vite s’appuyer sur le savoir-faire militaire français pour gérer les affaires d’otages et l’intervention au Sahel», explique une bonne source introduite dans les arcanes Françaises en Afrique . Devenu ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian expérimente son multilatéralisme sécuritaire et la philosophie de la promotion scabreuse de préférer « un Diable que la France maîtrise qu’un ange inconnu », quoique porté par les aspirations et la volonté des peuples du continent. Ainsi les pouvoirs en Afrique et les nostalgiques de la Françafrique utilisent le canal Le Drian pour atteindre Macron.
La crise Malienne qui a semblé surprendre plus d’un n’a pas, selon nos sources, surpris Jean Yves Le Drian qui commençait à être exacerbé par l’attitude du président IBK. Il n’a pas hésité dans un tweet de dire sans gants: « Au Mali, le président IBK n’a pas été au rendez-vous des aspirations du peuple, il y avait une crise de confiance réelle dans ce pays, qui a abouti à ce coup d’État. » Resté quelque peu en retrait sur le dossier malien, préférant laisser la main à la CEDEAO afin de mener la pression sur la junte, Jean-Yves Le Drian a néanmoins gardé les yeux grandement ouverts sur le Mali où la Turquie la Russie et l’Algérie multiplient les ballets diplomatiques.