Elu en 2017 dans un contexte de crise économique et sociale, le Président Lourenço ne semble pas avoir réussi à éviter la récession générale de l’économie Angolaise, qui menace de s’effondrer. Une situation mal camouflée par une croisade anti-corruption qui semble viser en priorité les membres de la famille Dos Santos. S’il ne s’agit pas d’imputer l’ensemble de la crise, dont les ramifications sont profondes, au Président Lourenço, on doit légitimement s’interroger sur les actions entreprises afin de juguler l’aggravation des indices macro-économiques du pays.
L’Angola est touché de plein fouet par la baisse du cours du pétrole qui représente toujours 90% des exportations du pays et 70% de ses recettes fiscales. Ce «syndrome hollandais» est aggravé par une mauvaise redistribution des richesses et par la corruption. De fait, malgré un PIB à la troisième place d’Afrique Subsaharienne (110 milliards de dollars), les richesses sont très mal réparties (Indice GINI : 0,55 – un des plus mauvais d’Afrique) et près de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Or c’est précisément sur un programme anti-corruption, de diversification de l’économie et d’ouverture aux capitaux étrangers, que le Président Lourenço fût élu. Trois ans plus tard, le chômage s’est aggravé, touchant 31 % de la population (50% des jeunes), et la pression sur les salaires est toujours aussi forte. En outre, la dette souveraine a explosé, passant de 63% du PIB en 2017 à 111 % en 2019. Une situation qui se transforme en cercle vicieux via le poids toujours croissant du service de la dette extérieur sur le budget de l’Etat et la méfiance des investisseurs internationaux (177eme au classement Doing Business : juste devant Haïti et derrière la Syrie, le Burkina-Faso et l’Afghanistan…).
La corruption, une mesure phare aux allures de chasse aux sorcières
L’un des principaux chantiers annoncés par la nouvelle administration fût la lutte contre la corruption afin de pénaliser la pratique tout en s’assurant de faire revenir dans le giron de l’Etat les capitaux évadés. C’est de cette manière que furent remerciés Isabel Dos Santos, Présidente de Sonangol et José Filomeno (son demi-frère) à la tête du fonds souverain angolais ou encore rompus des contrats d’Etat avec Tchizé et Coréon Dú (deux autres enfants). Des signaux très forts et symboliques qui masquent mal les résultats fragiles de cette politique et surtout une véritable guerre menée contre la famille de José Dos Santos.
Selon plusieurs experts Angolais, aucun plan d’évaluation d’ensemble et aucune véritable mesure d’assainissement n’ont été entreprises. Ainsi, l’économiste Manuel Alves Da Rocha déclare : «Je constate qu’aucune évaluation n’a été réalisée au préalable par la présidence sur l’ampleur du phénomène dans le pays. Or, sans un diagnostic clair, il semble difficile d’intervenir efficacement et de définir une stratégie politique». Une déclaration qui se vérifie dans les diverses affaires qui ont émaillées jusqu’ici le mandat du président Lourenço telles que les accusations de détournement des comptes ( $42 millions) du groupe minier Alrosa par un de ses cadres locaux : Rodrigo Khouri Duarte.
De façon plus équivoque encore, c’est l’entourage proche de l’actuel président qui est aujourd’hui pointé par la société civile. Mais sans être vraiment inquiété par la justice, à l’image d’Alvaro Sobrinho, accusé d’avoir détourné 745 millions de dollars ; ou bien le trafic d’influence en faveur de l’attribution de contrats publiques à la société EMFC, dirigée par le chef de cabinet de João Lourenço. Enfin, des 100 milliards de dollars de capitaux notoirement évadés du pays, seuls deux seraient aujourd’hui de retour. Dans cette optique, la lutte contre la corruption menée par le gouvernement commence à ressembler furieusement à une lutte d’influence intestine au MPLA et non à un assainissement des finances de l’Etat Angolais. Une impression qui se renforce malgré la rhétorique anti-corruption très belliqueuse du Président visant l’ancien clan présidentiel… dont il fût très proche et par lequel il fût adoubée lors de l’élection de 2017.
En définitive, face à une situation explosive, le retour de la mendicité dans Luanda et l’amplification de la contestation populaire, le président angolais a effectivement ouvert le pays, via des facilitations réglementaires, aux investisseurs étrangers. On observe également des réalisations, ou plutôt des continuations de l’ «ancien régime» Dos Santos, dans certains secteurs telles que la sidérurgie, l’agriculture (investissements dans le Kwaza-Sud) ou l’énergie via la montée en puissance du barrage de Lauca.
Toutefois ces initiatives ne semblent pas suffire et la poursuite même des investissements pourrait être menacée par la fiscalité confiscatoire du gouvernement, comme le dénonçait Francisco Viana, le président de la Confédération entrepreneuriale d’Angola. Or, loin de l’assainissement, la stratégie de la présidence semble se tourner plus vers la recherche de boucs-émissaires sur fond de dissensions internes au MPLA.