Le pays des Goethe s’impose comme un investisseur phare sur le continent africain. Mais un long chemin reste à parcourir pour changer profondément la perception des Allemands sur le continent africain. Avec l’exposition Akwaaba qui se tient à Hambourg, la galerie Melbye-Konan s’appuie sur l’art pour promouvoir l’Afrique et sa partie dite francophone aux yeux des allemands avec un certain succès. Stella Melbye-Konan nous donne sa vision des relations entre l’Allemagne et le continent africain.
Comment la galerie est-elle un pont culturel et économique entre l’Allemagne et le continent africain ?
Nous ambitionnons de participer à l’émergence d’artistes du continent africain. Nous souhaitons leur donner une visibilité à l’échelle internationale notamment en Allemagne. Dans ce pays, il n’y avait que deux galeries d’arts jusqu’à présent qui promouvaient le continent africain. Notre galerie s’étend sur deux étages et 230 mètres carrés. En plus, cette galerie est coutumière des événements comme les dîners d’arts ou les événements exclusifs qu’elle organise. Les différentes cultures et influences se retrouvent à travers nos expositions que nous allons mener. Nous mettons en valeur les travaux artistiques de Serge Aboua, N’Goye, Atowla ou encore Saint Etienne Yeanzi. C’est un moyen de mettre en perspective certains sujets d’actualités ou faits historiques qui incitent à la réflexion sur les liens culturelles, économiques du continent africain avec l’occident et le monde de façon général. C’est une vision qui trouve écho positif auprès des critiques. Au vu du nombre de visiteurs depuis l’ouverture de la galerie et de l’exposition, nous pensons que nous sommes dans la bonne direction.
Après la première partie de l’exposition Akwaba, quels sont les retours obtenus et quelle suite allez-vous donner ?
Nous sommes très satisfaits de l’intérêt des Allemands et de l’attention des Hambourgeois pour l’exposition Akwaaba. 300 visiteurs sont venus en moins de trois semaines. Les commentaires sont encourageants. En outre, les œuvres exposées sont rentrées aussi bien dans de grandes collections et comme premier achat d’œuvre d’art pour les jeunes collectionneurs. Je souhaiterais profiter de cette opportunité pour remercier les acteurs de la scène culturelle Hambourgeoise, le musée MARKK, le Bucerius Kunst forum, les représentants pour l’Allemagne des maisons de ventes aux enchères Sotheby’s et Christie’s, la Direction générale de « Tourism Hamburg » qui nous ont honorés de leurs présences et de leurs soutiens. En effet, nous préparons l’exposition Akwaaba 2 qui présentera les œuvres des premiers artistes venant de la scène artistique ivoirienne. Cela permettra aux amoureux de l’art et aux collectionneurs de s’imprégner de l’histoire culturelle de la Côte d’Ivoire depuis la période pré-indépendance à nos jours.
Le choix d’Hambourg pour accueillir l’exposition ne doit rien au hasard. La ville est connue pour son port. Comment comptez-vous renforcer les liens culturels, artistiques et économiques entre Hamburg et le continent africain ?
La ville d’Hamburg à travers son activité portuaire est très ouverte et connectée au monde. On dit en Allemand « Hamburg das Tor zur Welt » (Hamburg la porte ouverte sur le monde). Je suis née à Hambourg, c’est donc naturellement que nous avons souhaité ouvrir la galerie Melbye-Konan dans cette belle ville.
Historiquement, le port de Hamburg et les commerçants Hambourgeois ont eu un lien étroit avec l’Afrique. Les marchandises mais aussi des objets d’arts ont circulé entre leurs mains. Il est bien de noter que l’Allemagne est le deuxième acheteur de cacao en Côte d’Ivoire après les États-Unis et la deuxième nation à avoir reconnue l’indépendance de la Côte d’Ivoire après la France. Il y a une dynamique qui est en train de se mettre en place à la fois au niveau culturel et économique. Notamment, à travers le Compact With Africa mis en place par la Chancelière Angela Merkel. Nous apporterons notre modeste contribution à accroître l’intensité de cette dynamique par les expositions et les échanges culturelles qui seront proposées aux Allemands. De plus, nous sommes en programmation de projets et expositions avec des musées en Allemagne. Nous pensons que cela participera activement à donner une meilleure attractivité pour le continent africain.
Vous défendez aussi une vision euro-africaine. Dans le cadre de la saison culturelle Africa 2020 organisée par la France, quel message souhaiteriez-vous adresser à la commissaire Ngoné Fall ?
Nous pensons que c’est une excellente initiative prise par la Président de la République Française, M. Emmanuel Macron. Cela nous permettrait de mettre en lumière les talents du milieu culturel venant du continent ou s’inspirant de la culture africaine dans toute sa diversité, car l’Afrique c’est 54 nations indépendantes avec chacune ses spécificités culturelles. Notre souhait serait que cette initiative prenne une dimension européenne. Nous sommes confiants sur la volonté de Ngoné Fall à créer les conditions d’une réussite globale autour de cette saison culturelle en dépit des contraintes liées à la pandémie actuelle et nous nous tenons à ses côtés.
Comment les regards des Allemands évoluent sur l’Afrique selon vous ?
Le regard des Allemands par rapport au continent africain évolue. Ce continent commence à susciter leur intérêt donc nous avons bon espoir que cela s’intensifie. Mais beaucoup d’Allemands, faute d’informations, ont toujours une image négative de l’Afrique remplie des clichés (pauvreté, guerre, maladies, etc.). Avec la galerie, nous souhaitons également sensibiliser les gens et contribuer à donner une image positive de l’Afrique à travers également les travaux menés par Yannick Ackah, Belén, Jean-Laurent Koné Zié. C’est la mission que chaque Africain de la diaspora doit se donner pour redonner une belle attractivité à notre continent.