Réagissant aux nombreux tracts qui ont pris la ville de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, en otage, dans le sillage de l’enquête diligentée contre les fortunes réelles ou supposées de l’ancien président Mohamed Abdel Aziz, l’homme d’affaires Moro Cissé, tient à remettre les pendules à l’heure: « Non, l’Afarco n’a pas été bradée », écrit-il dans la tribune ci-dessous sur un sujet qu’il connaît bien.
Par Moro Guéta Cissé.
J’ai lu avec stupéfaction que la société AFARCO ancienne propriétaire de l’immeuble portant le même nom avait été bradée ce qui est totalement faux et dénué de tout fondement. Certains témoins et acteurs dans ce dossier sont par la grâce d’Allah swt encore parmi nous et cette contribution a pour but d’éclairer l’opinion et de rendre justice à ceux qui ont été injustement cités et, auxquels on a voulu faire jouer à tort un rôle qui n’était point le leur dans ce que ledit tract non signé a voulu présenter comme un bradage de l’immeuble.
Il est facile de tenter de détruire la réputation d’un homme par un simple clic dans l’anonymat à travers les réseaux sociaux sans avoir à justifier ni à répondre des faits avancés mais mon devoir de loyauté m’impose de rétablir la vérité comme m’y obligent les recommandations de notre sainte religion aussi, mon propos sera de contribuer à apporter quelques éclairages sur ce dossier afin que l’opinion nationale et internationale ne soit pas victime d’amalgames et de désinformation pour ne pas ternir la mémoire ou la réputation de certains dignes fils de ce pays qui ont eu en retour comme juste récompense le fruit de leur travail. Les avocats des parties sont encore sur place de même que les rapports de mission des inspecteurs de la Banque Centrale de Mauritanie (BCM) et le témoignage des discrets facilitateurs et férus diplomates peut être sollicité en cas de besoin pour éclairer l’opinion.
AFARCO était une société mauritanienne de droit privé qui avait pour principaux actionnaires KFTC de nationalité Koweitienne, actionnaire principal et créancier hypothécaire sur l’immeuble dont il a assuré le financement et, la BAAM, la CNSS et le PANPA en étaient les autres actionnaires à part égale ; il ne s’agissait donc pas d’un établissement public ou parapublic financé sur des fonds publics et faisant partie du patrimoine de l’Etat mais d’un société anonyme régie selon les règles applicables aux entreprises privées. La banque (BAAM) en tant qu’actionnaire louait le Rez-de-chaussée et un étage de l’immeuble pour ses opérations courantes mais, dès ses premières année d’exploitation, AFARCO a connu de sérieux problèmes de trésorerie car son Business Plan qui prévoyait des encaissements conséquents de loyers avait été trop optimiste et n’avait pas intégré les habitudes des mauritaniens peu habitués à vivre en appartement, leur architecte et bureau d’études avait tout calqué sur le modèle égyptien et koweitien.
C’est ainsi que, de guerre lasse, KFTC ne trouvant pas de nouvelles sources de financement pour assurer les charges d’exploitation de l’immeuble dont il avait la charge de gestion car les banques n’étaient pas aussi liquides que de nos jours et le crédit était encadré avec un régime des changes très strict, c’est ainsi que KFTC convoqua un Conseil d’Administration pour annoncer les difficultés auxquelles AFARCO faisait face et que la seule solution serait sa liquidation ce qui lui permettrait de recouvrer une partie de son financement. LA Banque Arabe Africaine en Mauritanie « BAAM », devenue Banque Mauritanienne pour le Commerce International « BMCI » fut une filiale de Arab African International BANK « AAIB Cairo » qui en détenait 49% du capital et la Banque Centrale de Mauritanie 51% En 1984, le Gouvernement sur requête du patronat mauritanien décida de leur céder 41% de ses actions portées par la Banque Centrale de Mauritanie pour n’en conserver que 10% afin de sécuriser la partie égyptienne qui prenait le contrôle direct du mangement de la banque suite au rappel des cadres de la BCM, et la cooptation de quelques actionnaires mauritaniens au niveau du Conseil d’Administration de la nouvelle banque.
Cette première expérience ne fut point un succès, la gestion de la banque par le partenaire Egyptien qui disposait de tous les pouvoirs n’avait pas donné satisfaction aux associés mauritaniens qui n’avaient enregistré aucune amélioration dans la situation de la banque après deux ans de gestion égyptienne. Les Administrateurs mauritaniens firent part de leur constat au cours d’un Conseil d’Administration tenu au Caire qui marqua la rupture et AAIB proposa comme une boutade la cession de ses actions et donc son retrait de la banque ce qui fut acté séance tenante en attendant l’approbation de la Banque Centrale de Mauritanie qui avait maintenu un administrateur au sein de l’organe délibérant de la banque. Un protocole d’accord fut signé fixant les modalités de payement de la valeur des nouvelles actions acquises pour le compte du groupe mauritanien qui s’est effrité suite au retrait de AAIB et, seul un petit noyau solidaire au Président du Patronat est resté et s’est partagé les nouvelles actions acquises suivant le choix et les possibilités financières de chacun.
C’est ainsi que naquit la BMCI avec un management national sous la conduite de son Président et conséquemment, le retrait de AAIB de la BMCI fut un coup dur pour KFTC qui précipita le processus de son désengagement en Mauritanie et engagea des négociations pour la cession de ses actions dans la société AFARCO avec tous les droits et privilèges qui y étaient adossés. La BMCI saisit la proposition et négocia le rachat des actions de KFTC ainsi que le rachat de sa créance sur AFARCO avec le privilège de l’hypothèque sur l’immeuble et annonça la transaction aux autres actionnaires en leur proposant le rachat de leurs actions non pas à leurs valeurs vénales mais à leurs valeurs nominales ce qu’ils acceptèrent car le PANPA n’avait pas vocation d’investir dans l’immobilier de rente hors de son périmètre d’action et la CNSS ne pouvait pas utiliser l’épargne des employés pour un investissement de prestige déclaré non rentable et non conforme à son objet social. La BCM dont le succès de la privatisation de la banque posait déjà un problème, vit d’un mauvais œil cette transaction qui dotait la BMCI d’un siège prestigieux alors qu’elle-même était à la recherche d’un nouveau siège répondant plus à son rang et standing et, c’est ainsi qu’elle rejeta la demande de transfert introduite par la BMCI pour honorer le règlement de la créance vis-à-vis de KFTC.
Face à cette nouvelle donne, la diplomatie de la banque se mit en branle et, c’est ainsi que KFTC ainsi que les autorités koweitiennes acceptèrent d’être payées en monnaie locale ouguiyas avançant même que ce serait préjudiciable pour eux que l’opinion puisse retenir que des fonds ont été transférés de la Mauritanie en faveur d’une entreprise Koweïtienne C’est ainsi que j’ai été amené à concrétiser la transaction en portant la contrevaleur en ouguiyas du montant de la transaction au crédit du compte de l’Ambassade du Koweït en nos livres dont le conseiller financier accompagné du comptable ainsi que de plusieurs agences immobilières avaient assiégé mon bureau en attente de l’avis de crédit pour l’émission de divers chèques en règlement des acquisitions de villas et des résidences pour le personnel de l’Ambassade.
L’inspecteur de la BCM qui m’avait auditionné à l’époque dans ce dossier semblait surpris que ma seule signature pouvait engager la banque pour le montant de la transaction et je lui rappelais que les réalisations de certains crédits documentaires à l’importation ou à l’exportation pouvaient concerner des montants plus importants et que ma seule signature permettait de les dénouer et, c’est ainsi qu’il comprit qu’il ne s’agissait point d’une transaction occulte ce qu’il mentionna dans son rapport.
Toutefois, la BMCI dut payer à la BCM une importante pénalité qui ne se justifiait pas mais qui avait pour seul avantage de clore définitivement le dossier au niveau de l’institut d’émission, une manière de montrer son autorité et de la sanctionner pour avoir réalisé cet exploit. Le patronat mauritanien a connu de grands hommes qui ont servi le pays ainsi que leur corporation au mieux qu’ils le pouvaient au cours de leurs mandats respectifs ; rendons hommage à ces compatriotes pour le travail accompli souvent avec beaucoup de difficultés en intégrant l’intérêt national et la survie des fragiles entreprises nationales pour le maintien de l’emploi facteur de stabilité sociale et de développement économique. Respectons la mémoire de ceux qui nous ont quittés et dont l’un a eu deux traits de génie par d’une part l’acquisition d’une banque en difficulté et sa gestion par le secteur privé national qui en a fait une parfaite réussite au point de susciter de nouvelles vocations ce qui explique l’existence de plusieurs banques nationales dont certaines ont suivi les traces de la BMCI en déployant leur réseau africain. L’autre trait de génie étant l’acquisition de l’immeuble AFARCO le plus imposant de la ville de Nouakchott non pas pour lui-même ni pour sa famille mais pour la banque dont il fait partie intégrante du patrimoine ; de cet homme parti de rien, on peut retenir qu’il n’avait aucun bien à l’étranger et que ses factures d’hospitalisation en France ainsi que l’avion affrété pour le retour de son corps en Mauritanie ont été pris en charge par l’un de ses amis homme d’affaires, philanthrope et mécène connu de tous pour ses différentes œuvres sociales.
En conséquence, pour avoir été témoin et acteur, je peux confirmer que l’immeuble AFARCO ancienne propriété d’une société nationale de droit privé qui bénéficie présentement de tous les soins est une fierté nationale malgré son âge et n’avait point fait l’objet d’un bradage comme certains le pensent, bien au contraire toutes les parties concernées par le projet initial ont trouvé leur compte dans sa cession en toute transparence à la BMCI alors qu’elle aurait pu être cédée à d’autres tiers avec leurs exigences et un risque réel de liquidation judiciaire peu profitable aux anciens actionnaires locaux.