Par Rodrigue Fénélon Masala, grand reporter.
Le 45 ème président des Etats-Unis d’Amérique, plus doué pour les affaires que la politique, n’est pas un crack de la géographie. Ce n’est plus un scoop. En voyage en Irlande, en 2019, il s’était dit heureux de se trouver au Royaume Uni. N’avait-il pas traité la Belgique de «jolie ville », parlé de «Nambie » pour désigner « la Namibie » et évoqué une rencontre avec le président des Iles Vierges, un territoire des Etats-Unis dont il est lui-même le président ? N’avait-il pas déclaré avoir lancé 59 missiles en Irak qu’il confondait allègrement avec la Syrie ?
Dès lors on comprend que l’adversaire de Joe Biden aux élections américaines de ce 3 novembre ne comprenne rien à l’Afrique, qu’il croyait un seul pays, avant d’être mis au parfum et de finalement qualifier le continent de pays de merde. Au contraire du Pacifique, de la Mer de Chine et du Moyen-Orient, l’Afrique n’a pas pesé dans l’agenda du président américain, adepte d’une politique étrangère enveloppée autour de cinq grands principes : nationalisme, unilatéralisme, militarisme, protectionnisme et développement des relations bilatérales sur la base de fondement idéologiques capitalistes.
Cependant la vision Trumpiste en politique étrangère n’a pas affecté tous les domaines et toutes les régions de la même manière. Alors que certains dossiers sont devenus des «domaines réservés» de la Maison Blanche comme le nucléaire nord-coréen, l’accord iranien, d’autres sont restés dans le réfrigérateur. C’est le cas du continent africain. Le continent a carrément été oublié dans le dispositif de la politique étrangère de Donald Trump. Le refus catégorique de Washington d ‘adouber à l’OMC la candidature de la nigériane Ngozi Iweala, soutenue pourtant par plus de 100 pays sur les 164 que compte l’organisation, illustre cette vision minimaliste de l’Afrique de la part de celui qui n’y a jamais mis pied en tant que chef d’Etat.
Donald Trump a mis près de deux ans pour nommer un secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines, qu’il ne consulte jamais du reste, laissant cette tâche ingrate au Secrétaire d’Etat au Trésor, devenu le vrai monsieur Afrique. Le « monsieur Afrique » nommé à ce poste, Donald Yamamoto, intérimaire, n’y est resté qu’un an. L’homme est un bon connaisseur de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’Est, pour y avoir occupé plusieurs postes de diplomate.
34 bases américaines sur le continent africain
Sous Trump, la lutte contre le terrorisme est devenue la principale préoccupation des États-Unis en Afrique. Les dépenses militaires en Afrique ont augmenté au détriment de l’Aide extérieure qui a baissé de 8 à 5 milliards de dollars. Il sied de souligner que les Etats-Unis disposent de 34 bases militaires établies sur le continent. Quand en janvier 2018, lors d’une conversation privée à la Maison Blanche, il qualifiait Haïti et certains pays du continent Africain de «pays de merde», le président américain n’en pensait pas moins. N’avait-il pas refusé de recevoir Sassou Nguesso, fait la moue devant Paul Kagamé du Rwanda qu’il menaçait de retirer de l’AGOA au nom d’une prétendue réciprocité liée aux décisions de Kigali d’interdire l’importation de vêtements usagers américains ?
Après avoir qualifié le continent africain de pays de merdes, le milliardaire est resté droit dans ses bottes, ignorant l’indignation des ambassadeurs africains auprès des Nations-Unies et celle de 78 anciens ambassadeurs américains ayant représenté leur nation dans 48 pays d’Afrique, qui avaient co-signé et adressé une lettre d’indignation tombée dans la boîte à courriers de la Maison Blanche. Dans cette lettre que Donald Trump n’a pas lue, les ambassadeurs insistent sur la nécessité de maintenir l’engagement des États-Unis dans les pays d’Afrique, sur le plan économique, social et militaire. « Il en va de la protection des intérêts américains », soulignaient-ils. « Nous espérons que vous réévaluerez votre point de vue sur l’Afrique et ses citoyens et reconnaissez les contributions importantes que les Africains et les Afro-Américains ont apportées à notre pays, à notre histoire et aux liens durables qui lieront toujours l’Afrique et les États-Unis », concluaient-ils. Loin d’être anodine, cette lettre traduit deux choses : le manque d’expertise sur le continent africain au sein de l’administration Trump et la réticence à faire appel à des experts, que ce soit dans les ambassades, les services de la défense ou des renseignements.
D’ailleurs, après 4 ans de présidence, de nombreux postes en lien avec la diplomatie africaine sont restés vacants. Le président Trump n’a reçu en audience en tête à tête à la maison blanche que trois chefs d’Etat africains : Muhammadu Buhari du Nigéria, Abdel Fattah al-Sissi de l’Egypte et Uhuru Kenyatta du Kenya, trois pays peuplés que Donald Trump voit comme des marchés potentiels pour les produits américains ou encore, s’agissant du Caire, de son poste avancé au Moyen-Orient.
En dehors de ce trio, toutes les demandes d’audience ont été rejetées. La politique africaine sous Trump, contrairement à celle de ses prédécesseurs, a été marquée par l’ inversion de la hiérarchie des priorités. L’administration Trump a placé la sécurité et lutte contre le terrorisme en priorité, tout en insistant sur les opportunités commerciales du continent et en laissant bonne dernière la promotion de la bonne gouvernance. L’intérêt de Donald Trump pour le continent se limite donc à la lutte contre le terrorisme et contre l’influence de la Chine en Afrique.
Sous Trump, les Etats-Unis ont eu une politique extérieure économique déclinante vis-à-vis de l’Afrique qui dans la conception de Trump rapporte peu aux USA et lui coûte beaucoup en aide publique et autres donations contraires à la vision trumpienne primaire de l’America First. En plus de la réduction de son image au statut de nécessiteux, L’Afrique a été perçue par Trump comme une chasse gardée des ex puissances coloniales Européennes qui continuent à travers leurs multinationales à exploiter ses ressources. Le seul intérêt pétrolier qui pouvait intéresser le président Trump est comblé aux Etats-Unis avec l’exploitation du pétrole de shiste et l’achat du pétrole saoudien. Washington importe peu pétrole africain contrairement aux européens et aux chinois.
Enfin, c’est le caractère climato-sceptique de Donald Trump qui a aussi constitué une chape de plomb dans le développement de ses relations avec les Africains. Le continent est durement touché par le dérèglement climatique. Les grandes sécheresses et les inondations y font déjà des ravages. La non-implication des États-Unis dans le règlement de cette problématique majeure pourrait s’est avérée catastrophique.Car Trump a retiré les Etats-Unis des engagements de la Cop 19 et 20 …
En dépit de la montée en flèche du budget militaire consacré à l’Afrique, la bannière étoilée a perdu de l’influence sur le dossier chaud de la Libye, laissant le terrain à la France, à la Turquie et à l’Egypte. Négociateur autoproclamé dans le litige opposant l’Ethiopie à l’Egypte, l’unilatéraliste président américain s’est découvert récemment sous les habits d’un soldat cairote appelant l’Egypte à bombarder le barrage de la renaissance. N’avait-il pas, sur le dossier palestinien, reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, faisant peu de cas des indignations de ses alliés arabes ? Tout récemment, c’est Khartoum qui a eu à goutter aux méthodes de Trump, obligé de reconnaître l’Etat d’Israël et de payer un solde de tout compte de 300 millions de dollars en échange de son retrait de la liste américaine des sponsors du terrorisme et d’en embargo en vigueur depuis trente ans.
Faisant de la diplomatie comme un bon promoteur immobilier vendrait ses appartements, Donald Trump s’était fait connaître des sahéliens en prenant un décret anti-immigration contre le Tchad, allié historique des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme, coupable cependant d’avoir infligé une amende record à Exxon Mobil (voir ci-dessous notre article sur l’affaire Cheikh Tidiane Gadio).
Les pays musulmans du continent africain se sont aussi sentis visés par ce décret jugé finalement anti-constitutionnel par un juge. Sur l’Afrique Centrale, c’est la même doctrine du donnant –donnant qui est mise en place. L’alternance intervenue en RDC avec l’arrivée de Félix Tshisékédi au pouvoir (alors que Washington misait sur Martin Fayulu), oblige la diplomatie américaine à des séances de rattrapage peu évidentes d’autant plus que sur le terrain la Chine est omniprésente. Quant aux relations commerciales, récemment, Donald Trump a encore déclaré que l’Afrique a un potentiel commercial énorme, sans donner plus de précisions. Les États-Unis restent le pays étranger qui investit le plus en Afrique, en nombre de projets, mais pas en volume. La Chine investit dix fois plus en capitaux que les États-Unis. L’Afrique qu’il traite comme un seul pays depuis le bureau oval a glissé sous Trump vers le bas de la liste des priorités de la politique étrangère américaine, assure Peter Vale, professeur à l’université de Johannesbourg. D’où le sentiment que du Nord au Sud, le continent africain semble avoir choisi son camp en votant contre celui qui déclarait récemment que Nelson Mandela n’est pas un vrai leader.
5 commentaires
« Khartoum obligé de reconnaître Israël »? On sent le biais idéologique du journaliste. Un peu d’objectivité et de réserve, c’est possible pour vous ou pas ? Si vous trouvez cela normal qu’Israel ne soit pas reconnu par un autre pays, alors vous êtes autant une ordure que Trump l’est dans votre esprit.
Oui C le mot obligé de reconnaitre israël elle l a pas fait sciemment pourquoi alors Trump était dans le coup
Et vous vous félicitez du fait que la Chine rachète votre continent, et une grande partie du monde, que vos états perdent de leur souveraineté ? Ça ne serait pas mieux que vos pays se développent d’eux-mêmes et ne deviennent pas dépendants de la Chine ?
Occupe toi de tes oignons enfoiré de Youpin
Vous vous trompez ds votre jugement, je pense que Trump a diminué son aide aux colons en Afrique. Obama a été le président le plus néfastes pour les africains, il a été dupé par les européens. Les aides n’ont jamais rien apporté en Afrique et je trouve votre récit basé sur une vision occidentale