Par Fama DIAO, notre manager expert en ressources humaines, Performances Group.
La crise sanitaire a rendu caduques de nombreuses réticences jusqu’alors brandies par les organisations afin de maintenir le statu quo dans leur fonctionnement. Faisant fi des appels à la transformation et à la modernisation dans les pratiques en matière de Ressources Humaines, la pandémie impose une marche forcée, avec des coûts financiers, logistiques et humains importants. Les salariés ont ainsi pu entrevoir les possibilités qui s’offraient à eux.
Pour les leaders de la fonction RH, des mutations majeures s’annoncent. Nous pouvons les classer en 2 blocs : celles liées à la fonction de gestion du capital humain de nos organisations et celles liées à la prise en charge des travailleurs.
L’actualisation et l’adéquation des compétences
La formation à distance, sous forme de MOOC, de webinaires, ou autres, est un levier majeur pour les responsables du développement des compétences. De nouveaux modèles de recrutement et de développement des compétences sont mis en place pour correspondre au nouvel environnement dans lequel évoluent les salariés. Parmi ces compétences, les plus recherchées sont liées aux soft competencies (leadership, prise de décision, créativité, agilité…) et aux nouvelles technologies. Les organisations peuvent s’engager dans cette voie en menant une évaluation de l’adéquation entre les profils de leurs collaborateurs et les postes auxquels ils sont affectés. Cette évaluation permet à l’organisation d’anticiper et de corriger les décalages en matière de rôle, de formation, voire de trajectoire de carrière. Des pépites sont bien souvent révélées, et les RH en profitent pour actualiser aussi bien leurs plans de succession, de carrière, de formation que de rémunération.
Le rôle des Managers plus que jamais orienté vers l’intelligence émotionnelle
La modernisation des outils de travail entraîne le plus souvent une forte automatisation des processus. C’est le rôle des RH de s’assurer que les Managers compensent cette automatisation croissante par une gestion bienveillante de leurs équipes. De plus, la crise sanitaire a requis une plus forte autonomisation des équipes. Cette autonomisation croissante pose la question de la pertinence du rôle des Managers. Leur influence sur le degré d’engagement des équipes, la prise en compte des attentes de chaque collaborateur, le maintien du lien social sont certaines de leurs prérogatives qui prennent de l’ampleur, accentués par les inquiétudes et angoisses des derniers mois.
Les leaders RH se retrouvent ainsi à devoir former leurs lignes managériales afin de les sensibiliser à ce nouvel état des faits. Durant le dernier Festival of Work organisé par le Chartered Institute of Personnel and Development, une association de professionnels de la gestion des ressources humaines basée à Londres, le Professeur Cary Cooper est revenu sur l’importance de l’intelligence émotionnelle dans les organisations, en particulier pour la période de reprise. Il affirme, en effet, que la proportion de collaborateurs disposant et usant de cette compétence déterminera la capacité de l’organisation à écouter et rassembler les équipes. « Le défi pour les ressources humaines est de savoir comment former ses collaborateurs dans ce domaine, au lieu de se contenter de promouvoir les gens sur des compétences techniques. », dit-il.
Cela enrichit considérablement la posture des Managers. L’environnement de travail post-COVID nécessitera en effet des Managers plus conscients de l’intelligence émotionnelle, afin de pouvoir maintenir et accroître le niveau d’engagement et de bien-être des collaborateurs. La quasi-fusion entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle imposée par la crise sanitaire révèle en effet des fragilités dont il faut à tout point de vue tenir compte dans la gestion des équipes et de leurs performances.
Le bien-être des collaborateurs devient une priorité
La distanciation sociale générée par le confinement et le télétravail a mis sur le devant de la scène des questions tabous liées au bien-être physique et mental des collaborateurs. La santé physique et psychologique des travailleurs de manière générale n’a jamais été aussi profondément scrutée que ces derniers mois. Aujourd’hui, au-delà des gestionnaires RH, cette responsabilité est dévolue aux Managers de proximité, en première ligne avec leurs équipes. Il s’agit le plus souvent d’une compétence à laquelle ils ne sont pas formés.
La plus grande partie de notre force de travail est composée des Millennials et de la Gen Z. Elles sont les témoins de sacrifices nombreux consentis par leurs parents pour leur carrière professionnelle au détriment de leur vie privée. Les collaborateurs issus de ces générations sont aujourd’hui plus qu’hier sensibles aux entreprises qui promeuvent le bien-être de leur capital humain. S’ils sont prêts à travailler dur, ils sont moins disposés à faire des concessions sur leur vie privée.
Les organisations en sont de plus en plus conscientes. Seulement, beaucoup ignorent quelles mesures mettre en place, afin d’avoir un impact positif sur la productivité. Certaines initiatives, telles : la flexibilité des horaires de travail, la mise en place de programmes de prévention sanitaire, la mise à disposition de coachs sportifs ou de carrière, la facilitation de l’accès à un psychologue, ou encore, la mise en place de menus plus sains dans les restaurants d’entreprise, contribuent au bien-être des collaborateurs.
La digitalisation de l’entreprise, et de la fonction RH en particulier, n’est plus optionnelle
Les entreprises qui se sont le mieux sorties de la crise sanitaire sont celles qui ont su réagir très rapidement au besoin d’éloignement du lieu de travail et de limitation des contacts, soit en s’y étant préparées en amont, soit en faisant preuve d’une très grande agilité. Garantir la productivité et l’efficience des équipes en mettant à leur disposition des outils favorisant la collaboration continue et améliorant l’agilité dans la conduite des activités est l’objectif de toute démarche de digitalisation.
Certaines entreprises ont pris le train à marche forcée : collaborateurs non préparés, infrastructures inadaptées, indisponibilité de trésorerie pour la mise en place d’outils de travail à distance, politiques de sécurité et d’accès à distance inexistants. Rien que pour la fonction RH, la digitalisation bien exécutée peut réduire de 24 % le coût de réalisation des différents processus RH, selon l’analyse effectuée par Jacob Morgan pour l’enquête « The Employee Experience Advantage » menée en 2017. Il s’agit donc non seulement d’un gain de temps et d’efficacité, mais également d’un gain financier notable.
Par ailleurs, la digitalisation renforce l’analytique RH, pour mieux identifier les sources de croissance en matière d’engagement et compétences des collaborateurs
Le télétravail est bien possible sous nos cieux
Loin d’être une tendance passagère, le télétravail devient aujourd’hui une norme pour les organisations. En l’espace de quelques jours, de nombreuses entreprises ont dû s’adapter, de manière plus ou moins difficile, à cette réalité. Une chose à retenir, le modèle de télétravail imposé par la COVID-19 ne reflète pas entièrement la réalité de cette organisation. Aujourd’hui, les leaders RH doivent intégrer ce mode de fonctionnement, et impliquer l’ensemble des acteurs devant la faciliter, allant de l’informatique qui doit sécuriser et faciliter l’accès à l’environnement Tech de l’entreprise, aux Moyens Généraux qui doivent s’assurer que les salariés en télétravail disposent de tout le nécessaire.
De manière générale, les entreprises devront actualiser leurs politiques RH, ou du moins les règlements intérieurs, afin de tenir compte des évolutions actuelles et à venir. En l’absence de dispositions légales, la mise en place d’une charte du télétravail facilite l’organisation de ce mode de fonctionnement et permet une transparence des obligations mutuelles. L’intégration de la question du genre dans la charte du télétravail permettra par ailleurs de tenir compte de la différence d’impact sur les hommes et les femmes salariés, les obligations dans la sphère personnelle de ces dernières étant souvent plus prenantes.
L’Expérience Collaborateur est fondamentale pour le monde d’après COVID
L’Expérience Collaborateur est une démarche de long terme, d’autant plus d’actualité que l’après COVID-19 affichera les capacités réelles et niveaux de résilience des organisations. Il serait naïf de croire que l’Expérience Collaborateur est une de ces tendances qui disparaîtront dans quelques mois. Toujours selon l’enquête « The Employee Experience Advantage » menée en 2017, les organisations qui investissent le plus dans l’expérience de leurs travailleurs ont des gains deux fois supérieurs à ceux des organisations qui ne s’y intéressent que peu.
La période de confinement et d’éloignement de la routine des lieux de travail a permis à beaucoup de salariés de prendre du recul sur leur carrière et leurs souhaits de développement et d’accomplissement professionnels.
S’il n’est possible de refaire revenir sur ses pas un salarié décidé à partir de l’organisation, il revient tout de même aux Managers et aux gestionnaires RH d’accompagner cette nouvelle étape du parcours de l’employé. Pour les salariés dans le doute, ou désengagés, l’activation de leviers de l’Expérience Collaborateur, si cette politique est définie, favorise le développement du sens dans le cadre de leurs activités, et l’évolution positive de leur engagement.
L’éducation financière est de la plus haute importance
L’obligation de réduire le temps de travail, la diminution temporaire des salaires, le chômage technique, les licenciements subis ou encore les faillites ont renseigné sur la fragilité financière de bon nombre de travailleurs, y compris ceux percevant de hauts niveaux de rémunération. Cette insécurité financière est le terreau du désengagement.
Cela impose aux gestionnaires RH d’éduquer leurs collaborateurs financièrement. Quelle part du salaire épargner, comment épargner, quels investissements faire dans le moyen/long terme, comment bien exploiter les prêts bancaires et les avances sur salaire pratiquées par les entreprises ? Il ne s’agit pas seulement de lister les bonnes pratiques ; il est question d’intégrer l’éducation financière aux plans de formation des entreprises, en tenant compte aussi bien de la catégorie socioprofessionnelle du collaborateur, de son genre, de son groupe générationnel ainsi que des projets formulés.
L’objectif est de sécuriser financièrement le collaborateur, afin de lui permettre d’être serein dans son activité quotidienne, et, en conséquence, dans son niveau de contribution aux résultats de l’organisation. Un accompagnement à une meilleure gestion de ses dépenses, de son épargne ou des différents placements financiers pose les premiers jalons vers plus de maîtrise financière.