Séance de feu, lundi, au parlement mauritanien. Alors que le ministre des Affaires Économiques et de la promotion des secteurs productifs, Ousmane Kane, s’exprimait en français, un député arabisant, Ould Cheikh Mohammed Fadel, l’a violemment interrompu l’invitant à s’exprimer en poular, à défaut de l’arabe, à ses yeux la seule langue digne d’être parlée au sein d’un parlement sensé pourtant représenter la Mauritanie dans ses diversités.
Le député trouble-fête, qui s’était pourtant exprimé en français il y a un an quand il réclamait l’application de la peine de mort sur un jeune mauritanien (aujourd’hui en exil) accusé de blasphème, a été expulsé de la séance non sans avoir ravivé les blessures encore saignantes des violentes purges des officiers et cadres négros-africains de l’armée et de l’administration au début des années 90 dans le sillage des événements sanglants entre le Sénégal et la Mauritanie.
L’usage de la langue arabe ou, plus précisément, du dialecte maure, le Hassaniya, discrimine une bonne partie de la population mauritanienne qui, comme le ministre Ousmane Kane, premier polytechnicien du pays et ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement(BAD), a suivi l’essentiel de son cursus dans la langue de Molière. En août 2019, lors de l’investiture du président actuel, Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, le président du conseil constitutionnel, Diallo Mamadou Bathia, diplômé de l’ENA, avait été obligé de livrer son discours dans un arabe plutôt approximatif, privant aux mauritaniens, locuteurs arabophones et francophones, du substrat de son message.
Pays de 4 millions d’habitants avec une population mosaïque représentant l’Afrique en miniature, la Mauritanie est déchirée depuis son indépendance en 1960, entre ses identités arabo-berbères (le terme berbère a d’ailleurs disparu du vocabulaire officiel) et négro-africaines , sous fond d’un accaparement progressif de l’espace politique par les fondamentalistes profitant de l’affaiblissement du discours progressiste.