La Conférence Episcopale Nationale du Congo (Cenco) s’est engagée dans une « mission prophétique » pour résoudre la crise politique que traverse la RD Congo, crise marquée par la mésentente entre les acteurs de la coalition au pouvoir révélée au grand jour ces dernières semaines. Elle a rencontré successivement, dans ce cadre, le président Félix Tshisekedi, son prédécesseur Joseph Kabila et Martin Fayulu, candidat à la présidentielle du 30 décembre 2018.
Une mésentente ? Le mot n’est pas assez fort pour définir les relations devenues froides entre la plateforme CACH (Cap pour le changement) du président Félix Tshisekédi et le FCC (Front commun pour le Congo) de son prédécesseur de Joseph Kabila. L’un organisant aux forceps la prestation de juges constitutionnelles sans le consentement de l’autre, et ce dernier initiant par la suite un conclave au terme duquel les siens – députés, ministres et présidents d’institutions – lui ont réitéré « soutien, fidélité et attachement indéfectible ».
Jusque-là silencieuse mais traditionnellement présente sur la scène politique en situation de crise, la Cenco, l’organisation qui rassemble les prélats de la hiérarchie catholique dans le pays, a repris le bâton de pèlerin pour (peut-être) concilier les parties et sortir la RD Congo de la léthargie. Ceci, en parallèle avec les consultations entamées le 2 novembre par le président Tshisekédi pour « créer une union sacrée de la Nation ».
Ainsi, une délégation de la Conférence conduite par son président, Mgr Marcel Utembi, a été reçue le 9 novembre 2020 par le chef de l’Etat. A cette occasion, les Evêques lui ont remis un mémorandum dans lequel ils ont indiqué avoir insisté sur « le primat du bien-être de la population sur toute autre considération politique », le respect de la Constitution, la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la stabilité de l’État et de ses institutions, la paix sociale, l’État de droit et la démocratie.
Deux jours plus tard, la Cenco a rencontré l’ex-président Joseph Kabila dans sa résidence de Kingakati, dans la banlieue orientale de la capitale Kinshasa pour l’ « écouter » sur ce qu’il pense de la crise politique. « Compte tenu de la situation politique actuelle caractérisée par le blocage, les évêques, qui ont échangé avec le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, à travers un mémo, ont jugé utile, dans le cadre de leur mission prophétique, d’échanger aussi à ce sujet avec le sénateur à vie Joseph Kabila », avait expliqué le secrétaire général de la Cenco, l’abbé Donatien Nshole.
Dans cette même journée du 11 novembre 2020, les Evêques ont également échangé avec l’opposant Martin Fayulu qui leur a remis son « plan de sortie de crise ». Après notamment un entretien sur la situation socio-politique délicate du pays et la crise au sein de la coalition FCC-CACH au pouvoir.
« Les évêques ont voulu écouter toutes les parties afin de continuer à réfléchir, compte tenu des enjeux de la situation socio-politique actuelle, caractérisée par le blocage au niveau de la coalition au pouvoir », a expliqué Donatien Nshole.
Avec 40.000 observateurs déployés lors des dernières élections, les évêques catholiques ne sont pas à leur coup d’essai sur la scène politique congolaise. Le 3 janvier 2019, pendant que la Commission électorale tardait à rendre publics les résultats des élections du 30 décembre 2018, ils avaient déjà déclaré – en leur qualité d’observateurs – avoir des données qui « consacrent le choix d’un candidat comme président de la République », tout en formulant un appel à la vérité des urnes. En décembre 2011, ils n’avaient pas hésité à contester, publiquement, la réélection du président Kabila indiquant notamment que les résultats proclamés par la commission électorale n’étaient « conformes ni à la vérité ni à la justice ».