A l’approche de la fin de l’année, les arbitrages sont nombreux à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) où le traditionnel rebond de décembre est attendu avant l’arbre de Noël. Certains émetteurs font recours au rachat massif de leurs actions pour soutenir leurs cours le temps de passer la trêve des confiseurs. Des institutionnels (compagnies d’assurance et caisses de retraite) se positionnent et font des arbitrages périlleux pour soigner leurs bilans, optimiser leurs plus values et présenter à leurs conseils d’administration des performances esthétiques. En janvier, au terme des allers-retours, les valeurs seront remises à jour.
A l’aller, la vente des valeurs qui ont potentiellement progressé permet de constater des plus-values. Au retour, le recours à la vente d’actions à perte devrait permettre la constatation immédiate des moins-values dans le résultat de l’exercice, d’où une surface d’imposition moindre.
Les compagnies d’assurances prises en étau
Les filiales des compagnies d’assurance, elles, sont prises en étau entre d’une part la nécessité d’investir dans un cours du groupe à défendre et, d’autre part, l’obligation de surveiller leurs pertes sous peine de tomber dans les Fourches Caudines du code la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (CMIA). En effet, l’article 336-3 dudit code stipule qu’en cas de moins value de 5% sur un portefeuille actions, il faudra compenser les provisions mathématiques de dix fois l’insuffisance constatée. La mesure prise en période d’euphorie, quand la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM) carburait à deux chiffres, rend l’investissement boursier risqué pour une compagnie d’assurance. En comparaison, notons qu’en France, la provision n’est pas à constituer totalement si la compagnie satisfait sa marge de solvabilité. Au vu des niveaux de « provisions pour dépréciation de titres » importants chez certaines compagnies d’assurance, l’on s’attend à des provisions record.
Le rachat de ses actions, un cadeau empoisonné
En attendant, le rachat de ses propres actions, pratique acceptée dans tous les marchés, ne doit pas être le moteur de la tendance des cours boursiers. Déclarés d’avance selon un programme approuvés, ces rachats sont plafonnés par la loi et en général par la trésorerie de l’entreprise qui s’y adonne. L’efficacité de l’instrument est réelle mais relative dans les Bourses développées où l’on ne peut avoir raison de la tendance du marché, quelquefois le niveau de son trésor de guerre.
Mais, dans le contexte du tassement des volumes à la BRVM, des émetteurs, appuyés parfois par des institutionnels, arrivent à orienter le marché au gré de leurs calculs, au détriment des petits porteurs et de la corrélation attendue entre les cours boursiers et les fondamentaux des entreprises cotées. Il ne faut surtout pas que ces calculs soient faits au détriment des petits porteurs qui subissent une tendance baissière prononcée accentuée par le Covid-19.
Cependant, comme le dit l’adage, à quelque chose malheur est bon. Le PER du marché de l’UEMOA est revenu à 12,41x contre 16,8x pour Tunis et 19,41x pour la place de Casablanca. Cela veut dire que la BRVM garde toute son attractivité en étant relativement bon marché sans pour autant calmer la douleur de ceux qui avaient investi sur des titres comme Ecobank Transnational Incorporated, valeur qui cote aujourd’hui 13 francs CFA, soit 0,019 euros, moins cher qu’un chwing-gum.
Une nouvelle génération de réformes
Les boursicoteurs qui avaient investi sur des titres comme Ecobank Transnational Inc (13f) ou Nsia Banque ( ayant perdu 9000 à +/-3000) auront besoin du temps pour se refaire une santé. L’année 2020 a été rude. Alors que le compartiment actions de la Bourse est peu animé, avec un rendement à rapprocher des classes d’actifs et d’épargne de l’écosystème financier, des dépôts à termes par exemple (DAT), le compartiment obligataire, lui, a connu des frémissements, notamment avec une émission Sonatel de 100 milliards de FCFA, suivie de celle de 60 milliards FCFA du Port Autonome de Dakar, souscrites massivement toutes les deux par anticipation, ce qui témoigne de la profondeur du marché obligataire.
Bref, des voix se lèvent et demandent une nouvelle génération de réformes du marché financier pour des processus de cotation de titres à leur juste valeur, afin de respecter l’épargne des petits porteurs. Dans le même élan, le marché gagnerait en force et en maturité en se dotant d’un nouvel algorithme plus robuste, avec une meilleure prise en compte du volume des ordres pour libérer les investisseurs de la tyrannie de la dernière demie heure.