A 48 heures d’intervalle, le président français, Emmanuel Macron, a livré deux interviews sur l’Afrique. A chaque fois, avec Grand Continent comme avec Jeune Afrique, le locataire de l’Elysée à fait une déclaration d’amour. Un amour presque platonique, dénué d’intérêt et doublé de nobles intentions envers ce continent que l’auteur de la loi contre le séparatisme musulman appelle à ne pas considérer sur le seul prisme de la migration.
Dans une envolée lyrique digne d’un pasteur, celui qui déclarait mordicus dans un amphi surchauffé de l’université de Ouagadougou qu’il n y avait pas de l’or africain conservé à la Banque de France appelle ses pairs européens à aider l’Afrique dans son économie et sa sécurité. Comment donc l’ancien cadre de Rothschild vient-il à livrer tout un discours en ignorant que le problème fondamental de l’Afrique réside avant tout dans sa balkanisation héritée de la colonisation et entretenue par les relations d’intérêts appelées Françafrique ?
Se faisant, le président Macron déplace la question essentielle de l’Afrique de la donne structurelle de la détérioration des termes de l’échange aux considérations humanitaires. La morale chrétienne de l’amour du prochain en lieu et place de l’analyse des rapports déséquilibrés entre les anciennes puissances et leurs ex colonies.
L’inertie des rapports saupoudrés par l’aide publique au développement et la philanthropie arrange bien les multinationales et les dirigeants africains. Mais pas les jeunes africains qui veulent des emplois et donc, le développement d’un secteur privé local fort.
Ceux qui pensaient qu’un président jeune allait dérider les rapports franco-africains se rendent compte aujourd’hui de leurs erreurs et regrettent Mitterrand.
Au passage, le président Macron se pose en donneur de leçon, en apostrophant le guinéen Alpha Condé: « Le président Condé a une carrière d’opposant qui aurait justifié qu’il organise de lui-même une bonne alternance. Et d’évidence, il a organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir. C’est pour ça que je ne lui ai pas encore adressé de lettre de félicitations », assène Emmanuel Macron dans l’entretien accordé à Jeune Afrique.
Sur la Côte d’Ivoire, par contre, «la France n’a pas à donner de leçons», rétorque Macron. Il est vrai que la situation des deux pays, la Guinée et la Côte d’Ivoire, diffère, quoique s’agissant dans les deux cas, de troisième mandat, de constitution modifiée et d’anciens opposants au long cours.
Le président français déclare « penser vraiment » qu’Alassane Ouattara, 78 ans, « s’est présenté par devoir » à la présidentielle du 31 octobre alors qu’il ne le « voulait pas ».
Celui qui ne veut pas donner de leçon ne se prive pas toutefois de se livrer à des suggestions : « Dans un pays où plus de 60 % de la population a moins de 35 ans, il serait bon que le prochain président ait moins de 70 ans ». Et d’apostropher directement Guillaume Soro, réfugié en France: «Nous ne souhaitons pas qu’il mène des actions de déstabilisation depuis le sol français ».
La realpolitik combinée à un discours d’humanitaire sur l’Afrique montre que les lignes n’ont pas tellement bougé du côté de l’Elysée. L’Afrique de Papa a encore de beaux restes.