Entre indignation sur la prétendue origine esclavagiste de l’expression « Black Friday » et franche envie de profiter, comme tout agent économique, des bonnes affaires, le coeur des classes moyennes africaines valse. Mais de Dakar à Nairobi, pour accéder aux offres de la grande braderie virtuelle de l’année, qui a lieu chaque année, le dernier vendredi de novembre (sauf en France où l’événement a été déclaré cette année au 4 décembre pour cause de Covid-19), il faut disposer d’une carte bancaire internet compatible (facturée jusqu’à 60 000 franc CFA par an chez certaines banques) ou d’un compte Paypal (ce dernier service américain considère l’Afrique subsaharienne comme une zone grise, avec des accès restreints). Bref, les populations africaines, quand elles ne sont pas contraintes par leurs politiques de change qui, au nom de la défense des monnaies nationales et des réserves en devises, rationnent les dépenses sur internet, sont obligées de faire des acrobaties pour surfer aisément sur la toile.
En attendant, le Black Friday rebaptisé en Blue Friday pour ménager les susceptibilités des uns et des autres, sous le conseil des professionnels de la communication, promet. La surconsommation sera au rendez-vous, mais aussi le positionnement marketing des marques qui ne rateront pas l’occasion pour promouvoir leurs valeurs, mettre en avant leurs politiques RSE. Cas de la marque Rapha (spécialiste dans les tenues aux cyclistes) qui dit non au Black Friday et encourage toute sa communauté à rouler plutôt qu’à faire les soldes et à mobiliser avec elle 20 000£ (près de 135 000€), soit l’équivalent de 1000 vélos à l’ONG World Bicycle Relief.
Derrière le brouhaha de l’industrie du marketing, il y a le combat de David contre Goliath, entre la grande distribution, Amazon en tête, mais aussi Cdiscount en France, Jumia en Afrique, et les petits e-commerçants qui n’auront pas beaucoup de marge de manoeuvre pour appliquer des rabais allant jusqu’à 88% pour appâter le chaland. Les petits marchands devront prendre leur mal en patience puisque le Black Friday dure presque une semaine, en comptant le Cyber Lundi (30 novembre) et, en France, le fameux 4 décembre, Covid Black Friday.
Née aux Etats-Unis pour qualifier les promotions offertes aux consommateurs américains au lendemain de Thanksgiving, le Black Friday est surnommé « Vendredi fou » par Jumia sur les bords de la lagune Ebrié. Alors à vos cartes.