Le dimanche 6 décembre 2020, le banquier malien Amadou Diarra, ancien Secrétaire Général Adjoint de la Commission Bancaire de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) et ex-Contrôleur Général de la BCEAO nous quittait. L’économiste Cheickna Bounajim Cissé qui fut son stagiaire à la fin des années 80 revient sur le parcours exceptionnel de ce financier atypique, un modèle pour la jeune génération.
Cheikhna Bounajim Cissé
La vie est et sera ce qu’elle fut, éphémère et amère. Amadou Diarra a vécu au service de sa passion : le travail. Le repos ne faisait pas partie de son répertoire. Malgré sa réussite, il était resté accessible et disponible. Avec humilité et générosité. Il avait presque toutes les qualités du dirigeant modèle prônées par Hervé Sériyex : un « épanouisseur » de talents, un générateur de projets, un libérateur d’autonomie, un multiplicateur d’énergies, un leader de progrès… Amadou Diarra était un homme parmi les hommes. Un homme exceptionnel. Un grand monsieur. Et, bien au-delà, c’était un véritable humaniste.
Le combat de sa vie, il l’avait mené au service de la justice et de la vérité. Il savait, plus que quiconque, que la vérité avait un coût. Et il avait toujours accepté d’en payer le prix. Il aimait dire qu’ « un homme digne ne lutte pas. Il combat avec tous les moyens pour son honneur bafoué ». D’une grande rectitude nimbée d’une probité morale à toute épreuve, il était possédé par sa parole. L’engagement avait du sens à ses yeux. Sa bonhomie naturelle rappelait Georges Pompidou qui mourut aussi comme il vécut, sans fleurs, ni couronnes, avec juste comme épitaphe ses mots : « Les peuples heureux n’ont pas d’histoire, je souhaiterais que les historiens n’aient pas trop de choses à dire sur mon mandat ». Amadou était un parangon de vertu et d’humilité. Il m’aurait voulu pour ce témoignage qui aurait certainement éraflé sa pudeur immaculée. M’autorevendiquant « disciple », je ne puis m’en dérober. Par reconnaissance et par devoir. L’évoquer, ici, n’est donc pas sans gêne. Ne pas le faire, là, aurait été une peine. Jean Cocteau disait que « le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants ».
Lié à un fragment de passé commun, je me garderai d’être l’héritier présomptueux et présomptif de l’immense œuvre de Amadou Diarra. Mes frêles épaules n’auraient pas pu supporter la charge. Encore moins l’encre de ma téméraire plume. Mais, à sa pénombre, au nombre des éveillés, je m’évertuerai à ce qu’elle ne soit pas souillée par l’absence et le silence. Comme les sages bambaras le disent : « Le grands hommes ne meurent pas. On coupe le mil mais le champ reste. » En 1989, jeune étudiant en Gestion des Entreprises de l’ENA de Bamako, je fis un stage à la Direction nationale de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) au Mali. C’est là que j’aie connu Amadou Diarra. J’eus voulu faire mon mémoire de fin d’études sur la politique de crédit de la banque centrale.
Au dernier moment, je renonçai à traiter ce thème, le jugeant suffisamment convoité et largement galvaudé, pour choisir un autre, plus à ma mesure mais totalement décalé par rapport à ma spécialité : « L’endettement des pays du Tiers monde : le cas du Mali ». Premier obstacle. Et mon directeur de mémoire, un soviétique, dont aucun étudiant n’en voulût parce que débitant à peine quelques mots en français. Deuxième obstacle. Et, de pire en pis, il ne connut l’Afrique qu’à travers son époque socialiste. Troisième obstacle. Un professeur de l’ENA, du nom aussi de Amadou Diarra, autant réputé que redouté, décida de siéger au jury pour apprécier mon impertinence. Enième difficulté.
Le défi était presque perdu tant la gageure paraissait insurmontable. Enhardi ma hardiesse, Amadou Diarra accepta d’encadrer mes travaux de recherches. Résultat de la course de haies : le jour de la soutenance, en sa présence, le mémoire fut plébiscité par le jury et reconnu comme étant l’un des meilleurs des filières de l’économie. Depuis cette date, Amadou m’avait adopté et était devenu, au fil du temps, mon mentor, un ami et un confident. Il était pour moi une référence. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Malgré la différence d’âge, nos relations étaient décomplexées, empreintes d’estime, de courtoisie et de confiance mutuels. Nous avions une très grande complicité intellectuelle, au point de deviser souvent en litote. L’homme était simple. Complexe, il l’était aussi. Aussi accessible que distant. Ses choix étaient clairs. Quelque fois déroutants. Mais toujours cohérents. De mémoire, en trois décennies, je ne me rappelle pas qu’il m’eût tutoyé. Toujours : « monsieur Cissé ». Sauf, une rare fois, et c’était récent (en décembre 2019) ! Et là encore, c’était pour tiédir ma position lors des plénières du Dialogue National Inclusif (DNI) où nous étions les experts en charge de la thématique « Economie & Finances ». Il posait sa main sur la mienne en me disant : « Je t’en prie ! ». L’instant, je faillais être surpris d’être étonné. Pourtant, je l’eus toujours tutoyé et appelé par son prénom. Drôle de compagnonnage ! Le maître vouvoie son stagiaire pour que celui-ci puisse mieux le tutoyer. Tel était Amadou ! Il ne se voulait pas important. Généreux dans l’effort, il se voulait plutôt utile et s’affranchissait des bavardages futiles. L’action était son moteur. Visage lisse, son facies trahissait difficilement ses sentiments. Il était d’une radicalité pragmatique, au sens primaire des mots : “radicalité” dans le sens de prendre le problème à la racine, et “pragmatique”, comme le plus proche possible de la réalité. Pour lui, l’exemplarité n’était pas une option. C’était la seule façon de convaincre. Amadou Diarra n’appartient pas seulement au Mali. Il était aussi le produit de l’intégration africaine. Son parcours académique et professionnel l’atteste. Il fut mon lointain devancier au mythique Lycée Technique de Bamako (lieu de proclamation de l’indépendance du Mali), où il obtint le Bac dans la série « Mathématiques Technique Economie (MTE) » en 1978, avant de poursuivre ses études supérieures à l’Université du Bénin à Lomé où il décrocha la maîtrise en sciences économiques en 1982. En trois décennies d’activités professionnelles, il passa moins du tiers du temps au Mali. Il écuma la sous-région pendant près d’un quart de siècle.
Après un bref passage à la fonction publique malienne en tant qu’inspecteur des finances stagiaire à Koulikoro, il intégra la BCEAO à l’âge de 25 ans. A bas bruit, non sans peine, il gravit tous les échelons pour se hisser au sommet de la pyramide administrative de cette institution. 33 ans de dur labeur ! A la BCEAO-Mali (1984- 1990), il fut analyste financier et Fondé de pouvoir. Au Secrétariat Général de la Commission Bancaire de l’UMOA à Abidjan, il fut successivement : Inspecteur, Chef du Département de l’Administration, Chef de Mission d’Inspection et Secrétaire Général Adjoint, fonction qu’il exerça jusqu’à sa retraite en 2017. Lors de la parenthèse dakaroise (2009-2011), il occupa des hautes fonctions au siège de la BCEAO, d’abord comme Directeur de l’Inspection et des Audits et ensuite comme Contrôleur Général, prévention des risques et audits. Amadou n’était pas brillant. Le soutenir ne serait pas juste. Il ne scintillait pas dans l’obscurité de sa riveraineté. Rayonnant, plutôt, il l’était, éclairant son entourage par ses réflexions profondes et ses actions fécondes. Il avait bon cœur. « Faites le bien mais n’attendez pas une reconnaissance. C’est le sens de l’amour et la voie du bonheur. Les personnes bénies d’Allah sauront toujours comment se tenir. (…) Il nous arrive toujours ce que nous pensons pour les autres », aimait-il répéter.
Mais Amadou, c’est d’abord et avant tout, un dogme : la rigueur. Pour lui, la responsabilité rime avec la rigueur. « La rigueur, ça ne s’enseigne pas. C’est un problème humain. Il faut choisir des gens qui sont rigoureux. Point. Et c’est comme ça qu’on parvient à un résultat dans tous les domaines », avertissait l’universitaire français Raymond H. Lévy. Amadou était exigeant, d’abord vis-à-vis de lui-même et ensuite envers les autres. Il n’était pas un perfectionniste. Sa foi ne lui permettait pas de tutoyer cette cime. Par contre, il était un optimaliste. Un bourreau de travail, un quêteur du travail bien. Très ponctuel et méthodique, il était réglé comme une horloge suisse. Il était attaché à l’ordre et à la discipline, et avait poussé le concept jusqu’au code vestimentaire. Ses habits de la semaine étaient choisis d’avance. En réalité, Amadou n’avait jamais quitté l’école au sens de l’apprenant. Il notait tout. Presque tout. Il était convaincu de la véracité de l’adage « verba volant, scripta manent » (les paroles s’envolent, les écrits restent). Pourtant, compendieux, il avait le don de la synthèse et de la précision. En ces instants de recueillement, beaucoup de souvenirs se bousculent du fond de mon tréfonds. Une surgit, et une autre encore… Toutes ne sauraient contenir sur ces nappes blanches. Tenez, comment ne pas me rappeler cette scène presque surréaliste au début du millénaire. Amadou Diarra était en mission d’inspection dans un établissement bancaire. Comme il était de tradition, un dîner était prévu en fin de mission. Le maître de céans, habitué au maniement rêche et revêche des mots, était visiblement irrité par les maux exposés dans la restitution conclusive de l’équipe de mission. Le soir venu, il ne s’était pas prié à le faire savoir à son visiteur. Ce dernier feignait de n’avoir pas entendu les récriminations. Du moins pour un instant. L’atmosphère, silencieuse, était pesante. Les rares moustiques qui volaient et survolaient la table s’étaient éclipsés pour laisser passer l’orage. Seuls les cuillères, fourchettes et autres couteaux bruissaient au contact des assiettes en porcelaine. Des grandes gorgées d’eau tentaient de libérer les gorges nouées des convives. Placide et stoïque, le chef de mission finissait par débiter, mezzo voce, un passage du Glorieux Coran : « La course aux richesses vous distrait, jusqu’à ce que vous visitiez les tombes. » Le message ainsi subtilement distillé, son destinataire en accusa réception. La sérénité reprit son cours. Et le dîner se poursuivit. Avec verve et faconde. Amadou Diarra ne courbait jamais l’échine. Sa fierté lui interdisait une telle posture. Il a toujours su déjouer les trappes tendues par les satrapes. Il était connu de ses pairs pour son expertise et reconnu du monde de la finance pour son expérience. Doté d’une grande capacité d’écoute, il s’était forgé la réputation d’un gestionnaire rigoureux, avec un sens élevé de la responsabilité et de la redevabilité. Mais, il était méconnu du grand public qui l’a découvert tardivement. De sa paisible retraite, on lui avait fait appel pour diriger une grande entreprise publique de la place, en proie à des grosses difficultés financières. Un chantier dantesque.
A la surprise générale, quatre mois après sa prise de fonction, il jetait l’éponge. Motif évoqué : Non respect des règles par la hiérarchie, à ses dires. Son bienfaiteur du moment, coutumier à mélanger l’habilité et l’ambiguïté, ne fut guère surpris de sa décision. Comment pouvait-il l’être ? L’ayant pratiqué en d’autres circonstances, il ne pouvait ignorer que le démissionnaire n’était pas un soupeur, ni un commensal, encore moins un salonnard. Et qu’il ne s’associait jamais aux flemmards. A-t-il mordu la main généreuse ? Point du tout ! Amadou ne crachait pas dans la soupe mais il ne la servait pas non plus. Les affaires cheloues et les petits arrangements entre amis, ce n’était pas son truc. Pour lui, la démission est un acte de responsabilité. Démissionner quand on est en désaccord profond avec la ligne de conduite, après avoir tout fait pour faire prévaloir ses idées ; démissionner au nom de la culture de la performance, pour insuffisance de résultats ; démissionner lorsque les faits reprochés sont graves ; démissionner… avant d’être démis.
L’affaire qui avait fait la manchette des journaux était diversement commentée dans les salons feutrés de Bamako. L’atypique banquier n’en avait cure. Son honneur était sauf, ses principes aussi. En paix avec sa conscience, il quittait le brouhaha de la capitale pour retrouver plus de quiétude à 370 km de là, auprès de sa vieille mère. Libéré de cette nouvelle charge et s’affranchissant de plus en plus du devoir de réserve que lui imposaient ses fonctions précédentes, il avait investi les réseaux sociaux pour partager ses idées. Lassé des atermoiements des gouvernants et des larmoiements des gouvernés, il estimait que « le dialogue et la patience ne permettent pas d’arrêter une hémorragie interne », et que seule « la chirurgie est nécessaire ». Pour la prise de décision, sa main était ferme. « Mon Mali a besoin de dirigeants plus vigoureux capables de décider en dehors des concertations inutiles et des forums sans fin », disait-il avec amertume, avant d’ajouter : « L’excès de dialogue tue l’action. Il faut savoir taire et faire. »
Mais Amadou n’est pas réductible à son parcours. Loin s’en faut. Cet épistolier transpirait une culture générale très dense. Son érudition débordait largement le domaine bancaire. Il n’était pas un livre. C’était une encyclopédie. En plusieurs volumes ! Les dizaines de collaborateurs qu’il forma et les centaines de cadres des banques et établissements financiers qui croisèrent son chemin lors de ses 89 missions d’inspection se souviendront longtemps de cet orfèvre de la réglementation bancaire. Grand lecteur, il dévorait les livres.
En 2016, il avala d’un trait mon ouvrage sur l’émergence (736 pages) et m’envoya sa note de lecture. Proche des idées de la physiocratie, Amadou était un paysan dans l’âme. Il était très attaché au terroir et aux valeurs traditionnelles. Dans sa ville natale Sikasso, « l’éternelle » à ses dires, « la meilleure ville du monde » à ses yeux, il avait réussi une reconversion sans encombre, troquant le stylo à la charrue. Des luxueux bureaux d’Abidjan et de Bamako, il s’était transporté, fort aise, dans les modestes champs de Finkolo.
Entouré des siens, au milieu des pieds de maïs, des papayers et autres sapotiers, il partageait son quotidien avec les moutons, chèvres, chevreaux, dindes et oies. Cerise sur le gâteau, il s’était même émerveillé d’une découverte « extraordinaire », à ses dires : « les animaux sont très aimables ». Il faisait confiance à la jeunesse, en laquelle il fondait beaucoup d’espoir. Au point de demander aux jeunes de s’affranchir de la tutelle de la vieille garde. Le 4 mai 2020, sur les réseaux sociaux, il écrivait : « Jeunes maliens supprimez les grins. Soyez actifs et évitez l’immobilisme. C’est par la parole que Dieu créa le monde. Ayez la bonne parole car il vous arrivera toujours ce que vous dites. N’insultez pas. Soyez toujours vertueux et honorables. Allah connaît vos cœurs mieux que vous. » A un de ses contradicteurs sur la Toile qui pensait qu’il fut né avec la vaisselle en poche, il répliqua : « Soyez rassuré. J’ai connu le grin. Mais à un moment donné j’ai compris qu’il faut quitter le grin et me mettre à la formation et au travail. Tout sauf rester assis au même endroit sans gagner un franc. » Que pensait le de cujus de son pays ? Dans un post publié le 18 juin 2020 sur sa page Facebook, il livrait sa thérapie : « Le Mali est en crise depuis les années 1970 soit 50 ans. Une seule solution permet de régler tous les problèmes : la mise en application de la stratégie de développement du secteur bancaire. Il faut arrêter la mendicité et confier la primature à un spécialiste de la finance et de l’économie. Aucun régime n’a mis en place une telle stratégie du secteur bancaire parce qu’ils sont préoccupés par des objectifs personnels et n’ont toujours pas compris l’essentiel : la manière de financer l’activité économique pour que tout le monde travaille et soit formé. » Interpellé par un internaute, il indiquait que cette vision il la partageait avec l’émergentier. Qu’il est difficile de résumer Amadou Diarra, tant son parcours est épais et riche.
Cependant, pour les esprits insistants et persistants qui n’ont pas connu l’homme et qui trouveront le texte long, je leur suggère de lire ces quelques lignes de la fameuse lettre, à valeur testamentaire, attribuée au regretté Kéba Mbaye, ancien président de la Cour constitutionnelle du Sénégal, et que celui-ci aurait adressée à son fils Abdoul Mbaye, un autre monument de la finance africaine : « […] Sois le premier à la banque et sors toujours le dernier. Écoute beaucoup et parle peu, jamais une décisision à la hâte, jamais une opinion après avoir écouté une seule partie. Reste simple. Mais ne sois pas vulgaire. Sois égal pour tous : tes administrés et tes clients. Sois juste avec eux. Garde-toi des sentiments. Ils ne servent à rien dans ton métier. Respecte riches et pauvres, puissants et misérables. Ne te mets pas en mal avec ceux qui t’ont fait confiance… Fais savoir à ceux qui t’ont combattu que tu connais leur position et comprends leur inquiétude.
Rassure-les et essais de les convaincre qu’ils ont eu tort. […] Que personne ne réussisse à te faire dévier de la route que tu t’es tracée et qui doit être pavée des règlements et des lois qui régissent la [banque]… N’accepte pas qu’on te fasse perdre ton temps. Il faut néanmoins rester correct, simple et courtois. Refuser quelque chose à quelqu’un n’est ni bon ni mauvais, tout est dans la manière. On peut donner et faire de son donateur son pire ennemi. On peut refuser un service et garder un ami. Garde-toi des nouveaux amis. Ils seront les premiers à rigoler si un jour tu te casses la figure… Aie confiance en toi-même. La modestie n’est pas l’humulité. Celle-ci ne doit se manifester qu’envers Dieu. Dis-toi que nul ne doit t’en imposer. Mais que cela ne t’empêche pas de reconnaître le mérite des autres. Ne te laisse jamais démonter. Prends tes sanctions avec fermeté et donne tes récompenses avec objectivité. » Amadou a été un patriote sincère, un panafricain convaincu. Il a porté le Mali et le continent dans son cœur et dans ses actions. Il a dignement et fièrement représenté le drapeau tricolore (vert- jaune-rouge) et porté haut les couleurs du continent. Il aurait mérité, de son vivant, mille et une décorations de la patrie et des institutions sous-régionales et régionales. En reconnaissance de l’immense service rendu. Hélas ! Le temps n’est pas infini, chacun s’y accorde. La fin des grands hommes est toujours triste. Mais leur souvenir reste éternel. Pierre-Gilles de Gennes citant H. Casimir, grand maître de la physique en Hollande, disait : « Presque tout ce que nous faisons est écrit sur le sable, et s’efface dans le vent. Toutefois, il nous est peut-être donné d’avoir une tablette de métal sur laquelle nous inscrirons un ou deux signes plus durables. » Ce témoignage est écrit sur le sable. Mais l’œuvre de Amadou Diarra est gravée sur l’airain. Amadou, mon « renfort » pour emprunter l’expression d’un membre du Comité d’organisation du DNI, tu es parti si brutalement. Fatalement, nous te suivons. C’est une certitude. « Impuissants tous et bref chacun : c’est ce que nous sommes », disait le sémillant journaliste Adam Thiam. A la gare du dernier souffle de vie, chacun de nous compostera son ticket qui le mènera au terminus final. Amadou, tu rendais grâce à Dieu à chaque instant, même pour répondre à la salutation la plus anodine.
En récompense de ton dernier soupir, Celui que tu adorais saurait t’accueillir en Sa sainte miséricorde. Le monde de la finance te pleure. Ta famille biologique et professionnelle est inconsolable. Depuis ta ferme lugubre à Finkolo, ta vaillante Kissa se forgera un avenir radieux de ton souvenir si vivace. Le 7 juin 2020, tu publiais sur la Toile ceci : « Il y a des morts qui mènent leur combat outre- tombe ». Tu as déjà mené le tien. Et de quelle belle manière ! Dors en paix Amadou ! Ton flambeau incandescent est tenu, soutenu et entretenu. Au Mali et au-delà. Sous cape et à visage découvert.