L’Afrique est la région du monde qui affiche la deuxième plus forte croissance, estimée à 3,4 % en 2019. La pandémie de Covid-19 aura pour effet de ralentir la croissance, la ramenant entre 1,8 % et -4,1 % en 2020 selon le rapport économique sur l’Afrique 2020 présenté ce mardi 15 décembre 2020 par la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA).
Les pays africains sont appelés à intégrer davantage les marchés de capitaux et à exploiter l’énorme potentiel des marchés notamment dans le cadre de la prochaine mise en œuvre de la zone de libre- échange continental (Zlecaf).
La croissance en Afrique devrait rebondir à 5 % en 2021, à la faveur d’une mise en œuvre efficace des mesures de riposte à la Covid-19 et de la reprise économique mondiale. C’est du moins l’une des conclusions du rapport présenté lors d’un panel présidé par Dr Véra Songwe, directrice exécutive de la CEA en présence de sommités comme Pr Victor Murinde de l’Université de Londres.
Après de légères hausses en 2019, les prix de plus de 2/3 des matières premières africaines exportées ont chuté en 2020. Le prix du pétrole, qui représente 40 % des exportations africaines et 7,4 % du PIB du continent, s’est effondré de plus de 50 %, atteignant son plus bas niveau depuis 2003. Les prix des métaux ont chuté de 20 % et ceux du coton de 26 %. La CEA prévoit une perte des revenus des carburants se chiffrant à au moins 65 milliards de dollars en 2020.
Selon les projections de la CEA, la pandémie fera basculer 5 à 29 millions de personnes en dessous du seuil d’extrême pauvreté fixé à 1,90 dollar par jour, par rapport à un scénario de référence de la croissance africaine en 2020. La crise sanitaire actuelle a de nombreux effets sociaux négatifs et l’Afrique est particulièrement vulnérable, du fait de la faiblesse des systèmes de santé, des conditions de vie difficiles et d’un accès limité aux services d’assainissement. Les systèmes de santé africains sont plus fragiles que ceux du reste du monde, avec des nombres plus faibles de lits d’hôpitaux, d’unités de soins intensifs et de professionnels de la santé rapportés à la population. L’Afrique compte en moyenne 1,8 lit pour 1 000 habitants, contre 6 en France et 8,2 en Fédération de Russie. Les gouvernements africains ont besoin de fonds supplémentaires pour faire face à la Covid-19. Dans le meilleur des cas, avec la maîtrise de la propagation du coronavirus et des mesures rigoureuses de distanciation physique prises de manière précoce, il faudrait à l’Afrique 44 milliards de dollars pour les tests, les équipements de protection individuelle et le traitement des patients atteints de la COVID-19 nécessitant une hospitalisation et des soins intensifs.
D’après les estimations récentes, l’Afrique a besoin de 100 milliards de dollars par an pour combler son déficit d’infrastructure (McKinsey & Company, 2019). Ce chiffre correspond aux estimations de la Banque africaine de développement des besoins en infrastructures du continent, qui s’élèveraient entre 130 et 170 milliards de dollars par an, avec un déficit de financement de 68 à 108 milliards de dollars (BAD, 2018). Ce déficit représente environ 3 à 5 % du PIB du continent. Les secteurs clés sont l’énergie et les transports, qui représentent environ 55 % des besoins de financement, et l’approvisionnement en eau et l’assainissement, qui eux représentent environ 40 %.
Pour un secteur privé fort, essentiel à une croissance inclusive et soutenue
Les petites et moyennes entreprises sont considérées comme l’épine dorsale des économies africaines, puisqu’elles représentent environ 90 % de l’ensemble des entreprises privées et plus de 60 % des emplois dans la plupart des pays africains
Le manque d’accès facile, abordable et fiable aux infrastructures (en particulier à l’énergie) et le manque de financement sont les deux obstacles les plus cités qui nuisent au fonctionnement des entreprises en Afrique. Le manque d’accès à l’électricité est cité par 20,7 % des entreprises en Afrique comme le principal obstacle et le manque de financement par 19,6 %. Quelques 6,3 % des entreprises en Afrique ont mentionné la corruption comme un obstacle majeur à la conduite de leurs activités.
3,6 % des entreprises en Afrique ont mentionné le transport comme le principal obstacle à la conduite de leurs activités.
De même, environ 590 millions de personnes en Afrique n’ont pas accès à l’électricité, et pour ceux qui y ont accès, la qualité est généralement médiocre et la fiabilité inacceptable en comparaison à d’autres régions du monde.
S’agissant des TIC, selon les estimations, 75 % de la population africaine n’a pas accès à Internet et n’a donc pas accès au savoir, à l’information et aux services que l’internet peut apporter.
Par ailleurs, le manque d’eau potable et de services d’assainissement fait perdre chaque année à l’Afrique environ 5 % de son PIB, et des personnes consacrent annuellement 40 milliards d’heures d’un temps autrement productif simplement à la collecte de l’eau.
Des recommandations fortes ont été formulées par la CEA. Il s’agit notamment d’exploiter le potentiel des marchés africains. Dans d’autres régions du monde, les marchés des capitaux sont une autre source de financements qui complètent les financements bancaires pour le secteur privé, mais en Afrique, ils sont étriqués et sous-développés, largement dominés par des banques commerciales.
Lors d’une introduction en bourse, une société privée offre ses actions au public et s’inscrit officiellement à la bourse, ce qui la relie au système financier plus large. Un marché des introductions en bourse qui fonctionne nécessite que les banques d’investissement aident à générer des intérêts et à connecter les sociétés à des investisseurs potentiels. (…) Les introductions en bourse sud-africaines représentaient à elles seules plus de 65 % des capitaux levés sur les marchés boursiers africains. Le produit des introductions en bourse en Afrique entre 2014 et 2019 a atteint 27,1 milliards de dollars, soit moins de 1,4 % du produit des introductions en bourse mondiales au cours de cette période. Avec plus de 1 200 offres publiques réalisées en 2019, le marché africain des introductions en bourse représentait 1,4 % de la valeur mondiale des introductions en bourse, qui était de 1 200 milliards de dollars. En 2019, 106 milliards de dollars de capitaux privés ont été levés à travers le monde, mais seulement 1,1 milliard de dollars en Afrique. Le nombre d’opérations en Afrique est passé de 158 en 2014 à 186 en 2018, soit le record historique de 2013.
En 2019, les États africains ont émis des obligations souveraines représentant plus de 200 milliards de dollars (libellées en monnaie nationale ou en devise étrangère) contre plus de 700 milliards de dollars d’obligations souveraines émises par la Chine, plus grand marché obligataire parmi les pays émergents et troisième plus grand marché obligataire au monde.
Bien que les pays africains soient les principaux producteurs mondiaux de nombreux produits agricoles et de ressources naturelles, les produits sont échangés ou leurs prix cotés sur des bourses établies hors du continent. Ainsi, les possibilités de détermination des prix, d’accès au financement et de couverture et les informations sur le marché sont limitées pour les agriculteurs et les petites entreprises africains de ces secteurs.
L’Afrique doit repenser sa réglementation des services financiers de manière à ce que l’innovation fonctionne pleinement, que l’environnement favorise l’innovation, que la transparence soit renforcée et que le financement du développement du secteur privé soit assuré.
Même cas de figure pour la prévention des crises car les pays africains doivent réglementer leur secteur bancaire pour limiter les effets néfastes éventuels des crises bancaires ou d’une mauvaise affectation plus générale des ressources à l’échelle du système. Dans l’intérêt du développement du secteur privé, il y a lieu de renforcer la réglementation des banques et d’autres sources de capitaux destinés au financement de l’industrie privée telles que les marchés boursiers les marchés de dette ainsi que les plateformes numériques.
Les réglementations concernant le seul secteur bancaire peuvent être insuffisantes pour protéger le système financier de certains des risques que posent les services liés aux Fintech, dont la confidentialité des données, le blanchiment d’argent, l’inadéquation entre risques et rendements, et le risque systémique. Ces nouveaux risques appellent à revoir la réglementation financière afin de créer un environnement flexible pour le développement des Fintech suffisamment strict pour limiter les risques.
Certains pays africains ont une marge budgétaire et des réserves internationales limitées et manquent ainsi des ressources nécessaires pour mettre en œuvre les ripostes à la Covid-19 (…). Selon les données du FMI, les pays africains enregistreront des déficits budgétaires de 5,8 % en moyenne en 2020 et de 4,4 % en 2021, contre 3 % en 2019. Toutefois, l’expérience qu’ont les décideurs et régulateurs africains de la crise financière de 2008-2009 et le recours à diverses mesures pour amortir son impact leur donnent un avantage pour répondre rapidement à la crise de la COVID-19.
En conclusion, les innovations de financement peuvent provenir de plusieurs sources à la fois. Les entreprises devraient envisager de mobiliser différentes sources en fonction de leurs besoins financiers (banques, fintech, marchés de capitaux, marchés financiers, banques de développement). 2 – Une institution de réglementation transparente et efficace est absolument nécessaire pour réduire les risques et superviser les opérations financières des entreprises et des institutions paires. 3 – L’absence d’un écosystème sain peut être un frein pour les entreprises alors que des financements sont disponibles. Cela concerne les entreprises de toutes les tailles, en fonction du stade atteint dans leur cycle de croissance. 4 – Le financement innovant du secteur privé et de la croissance des entreprises crée de la valeur ajoutée dans les entreprises, des emplois rémunérés, des recettes fiscales pour l’État, des retours sur investissement stables pour les entrepreneurs et la croissance des institutions financières. 5 – La transformation des financements innovants et d’un secteur financier pleinement opérationnel en croissance économique, en réduction des inégalités et en recul de la pauvreté est un processus à long terme qui suppose nécessairement des mécanismes de rétroaction.
Pour favoriser la reprise économique et des progrès raisonnables sur les ODD, les économies africaines devraient explorer pleinement les financements innovants pour le secteur privé et améliorer l’écosystème pour le développement du secteur privé. Les efforts devraient inclure l’augmentation des investissements pour les porter à 35 à 40 % du PIB, le renforcement de la compétitivité et le soutien à l’intégration régionale. Une stratégie clé est la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), dont l’accord a été signé par 54 pays africains –
Au final, l’Afrique peut approfondir et élargir les marchés financiers en soutenant les systèmes et plateformes de paiement numérique qui sous-tendent les paiements et les transferts électroniques à travers deux initiatives d’intégration continentales importantes : la Stratégie de transformation numérique et la ZLECA.