Le chef de l’Etat gabonais veut modifier la Constitution faisant apparaître clairement une disposition sur la succession en cas de vacances à la tête du pays. Hormis la santé chancelante d’Ali Bongo Odimba suite à un foudroyant AVC qui fait raviver des commentaires, une nouvelle disposition constitutionnelle accordant l’impunité aux anciens présidents de la République laisse apparaitre ses intentions réelles ou supposées de vouloir quitter le pouvoir.
L’amendement constitutionnel opéré en Conseil des ministres le 18 décembre 2020 sous les auspices du président de la République laisse-t-il présager à brève échéance une succession à la tête du pays ? La soudaineté de cette modification alors que les préoccupations des Gabonais sont dans la lutte contre la pauvreté renforcée par la pandémie du Covid-19 est-il un fait du hasard ? A en croire des analystes, tout laisse que croire que quelque chose de « peu ordinaire » se prépare au Gabon, d’aucuns y voyant déjà « des manouvres de succession bien ourdies pour pérenniser le clan Bongo au pouvoir ».
En effet, le conseil des ministres souhaite que soit inscrit dans la Constitution, notamment en son article 78, que « le président de la République qui a cessé d’exercer ses fonctions ne peut être mis en cause, poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé pour les actes et les faits de violation du serment, de haute trahison et pour les faits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ».
Cette modification de la Loi fondamentale semble prendre tout son sens lorsqu’on prend en compte le mauvais état de santé du locataire du palais de Bord de mer, paralysé depuis deux ans suite à un accident vasculaire cérébral (AVC). Ce qui pour l’opposition gabonaise, mettrait le chef de l’Etat dans l’incapacité de diriger le pays et qui l’accuse de gouverner par procuration.
Toujours est-il qu’au lendemain de ces mesures prises en conseil des ministres une question revient en boucle au Gabon. Ali Bongo Ondimba (ABO) se préparerait-il à abdiquer ? Pourtant, ses faits et gestes ces derniers temps le montreraient en pleine récupération, tout au moins, par rapport à il y a quelques mois lorsqu’il avait perdu la quasi-totalité de l’usage de ses sens et de ses membres, et que physiquement, il était nettement plus diminué.
Par ailleurs, là où cette modification constitutionnelle semble créer « une confusion », c’est notamment en son article 13 qui prévoit désormais une troïka constituée des présidents des deux chambres du parlement et du ministre de la Défense pour assurer l’intérim en cas de vacances à la tête du pays, en lieu et place du président du sénat comme par le passé.
La nouvelle modification décidée en conseil des ministres dispose qu’« en cas d’empêchement temporaire du président de la République, indique le projet de loi, l’article 13a nouveau prévoit l’intérim de la fonction présidentielle par un collège composé des présidents des deux chambres du Parlement et du ministre de la Défense nationale ».
Questions. Pourquoi un triumvirat – maintenant – pour assurer l’intérim alors que tous les leviers du pouvoir sont concentrés dans les mains du parti présidentiel, le Parti démocratique gabonais (PGD) ? Est-ce une manière « déguisée » pour ABO de préparer une succession familiale comme l’opposition lui prête l’intention de nommer en l’occurrence, son fils Nourredine Bongo Valentin à la tête du ministère de la Défense et que le cas échéant, c’est lui qui hériterait le pouvoir en bonne intelligence avec les présidents du sénat et de l’assemblée nationale ? Pourquoi inscrire dans la Constitution cette disposition sur l’impunité des anciens chefs d’Etat ? Autant de questions et bien d’autres dont les Gabonais attendent des réponses.
En tout état de cause, si l’on tient compte du contentieux post électoral après la présidentielle de 2016 où l’opposition déclare avoir remporté le scrutin, des batailles intestines avec la purge de certains pontes du pouvoir et au regard de l’état de santé du chef de l’Etat, tout laisse croire que la succession d’Ali Bongo se joue déjà, bien loin de 2023, date de la prochaine élection présidentielle.