La campagne de vaccination contre le covid-19 a commencé en Europe le 27 décembre et ne devrait pas toucher l’Afrique avant le mois de mars selon les meilleurs pronostics. Mais d’ores et déjà, le doute s’installe sur le vieux continent alors que le vaccin Pfizer-Biontech, seul autorisé, en attendant celui de Moderna ou encore de Sanofi (en retard d’au moins 6 mois), continue d’être acheminé dans ce qui constitue un défi logistique à ne pas sous estimer. Une fois le défi logistique relevé, il faudra s’attaquer au doute, alimenté par les réseaux sociaux et la théorie du complot caractéristique de cette ère post-vérité que Ralph Keyes prédisait dans son ouvrage fondateur, « The Post-Truth Era » paru en 2004.
C’est paradoxalement au pays de Descartes, père du cartésianisme, que les anti-vaccins sont les plus nombreux. En effet, selon un récent sondage IFOP, 59% de la population n’entend pas se faire vacciner. Chez Don Quichotte, nul ne croit plus aux Moulins à Vent. Quelques 28% d’espagnols n’entendent pas se faire vacciner (contre 41% il y a quelques semaines). Chez le perfide Albion, selon un sondage réalisé sur un échantillon de 4 000 personnes, quelque 54% ont déclaré qu’ils «prendraient certainement» un vaccin Covid-19. Ce nombre a chuté de 6,4% sous le coup de boutoir des antivax. Bref, dans tous les pays européens, la vague des antivax ou « hésitants vaccinaux » monte, poussant les gouvernements à réagir, parfois par la manière forte, au risque d’être accusés d’atteinte aux libertés et à la démocratie.
Ainsi, en Espagne, un registre des personnes refusant de se faire vacciner contre le Covid-19 sera tenu et partagé entre les autres pays de l’Union Européenne mais ne sera pas rendu public, s’empresse de préciser, lundi 28 décembre, le ministère de la Santé, dans une interview à la chaîne de télévision La Sexta. Le ministère précise par ailleurs que ledit vaccin n’est pas obligatoire. En Israël, les procureurs de l’Etat ont averti que la diffusion de fausses informations sur le vaccin pourrait constituer une infraction pénale. Facebook a supprimé des dizaines de messages contenant des mensonges sur la vaccination.
Face à la vague montante des antivax, certains n’y vont pas de main morte: « Quiconque veut refuser catégoriquement la vaccination, il devrait, s’il vous plaît également toujours porter un document avec l’inscription: » Je ne veux pas être vacciné! « », déclare le généticien allemand Wolfram Henn, samedi, dans les colonnes du très populaire Bild. Pour le scientifique, les anti-vax doivent s’engager en ces termes: « Je veux laisser la protection contre la maladie aux autres! Je veux, si je tombe malade, laisser mon lit de soins intensifs et mon respirateur à d’autres. »
Loin de la vague contestataire qui vient de l’Europe, l’Afrique attend patiemment ses premières doses de vaccin en relisant Samir Amin et sa théorie sur le centre et la périphérie. Zone la moins touchée par le coronavirus, la terre de Lucie est-elle aussi partagée par le doute comme le laisserait suggérer certains groupes dans les réseaux sociaux ? Pour l’heure, les rares études réalisées laissent suggérer une adhésion au vaccin plus forte qu’en Europe. Ainsi, 2 marocains sur 3 (68,6%) auraient utilisé « certainement » un vaccin contre le Covid-19, s’il venait à voir le jour, rapporte une enquête du Haut commissariat au plan sur le comportement des Marocains face à la pandémie. La proportion reste plus forte en milieu rural (78,4%), qu’en zone urbaine (64,2%).
Pour rappel, en 2019, l’Organisation mondiale de la Santé a classé l’hésitation vaccinale parmi l’une des 10 principales menaces pour la santé dans le monde.