Au delà de ses pantalonnades, Donald Trump n’a pas pu toucher à la constitution américaine. Ni déroger à un calendrier de succession fixé par les institutions. Encore moins mettre sous coupe un pouvoir judiciaire qu’il avait fait virer à tribord toute en nommant deux juges sensés lui être, croyait-il, favorables. Au final, cet épisode de contestation électorale le montre bien, aux USA c’est la constitution quasi-inviolable qui gouverne et la séparation des pouvoirs qui garantie la solidité du modèle.
Le président élu, conjoncturel par essence, peut être un progressiste invétéré comme Barack Obama ou un populiste doublé d’un milliardaire en délicatesse avec le fisc comme l’est Donald Trump, un va-t-en guerre comme Georges Bush Junior. Mais au terme de son mandat de quatre ans renouvelable une seule fois, il doit faire face à la sanction du peuple américain, souverain.
Aussi, le refus de Donald Trump de reconnaître sa défaite, la multiplication de ses recours contre des fraudes imaginaires (puisque sans preuves) et l’immense possibilité de contestation sur le plan fédéral et au niveau des Etats sonne plutôt comme la démonstration de la vitalité du système américain qui garantit la contestation et la confrontation des preuves et le recomptage des voix pour que le vote exprimé prévale.
Dans ce cadre quasi immuable fixé depuis James Madison (quatrième président des États-Unis, en fonction de 1809 à 1817), ,il arrive entre plusieurs décades qu’un Donald Trump, investi du pouvoir temporaire de la majorité, tente de changer les règles du jeu. Sans conséquences. Les rédacteurs de la constitution américaine ayant apparemment prévu ces possibles excès en faisant du texte fondamental la référence suprême pour l’exécutif, le congrès et la cour suprême.
Ramener un seul instant les bouffées de chaleur de cette grande démocratie, y compris l’invasion burlesque du capitole, aux cas des démocraties balbutiantes en Afrique, où souvent c’est la constitution qui change et non le président, revient à notre sens, à confondre l’Amérique de Donald Trump de 2020 à la Côte d’Ivoire du Général Robert Geï au lendemain des élections de 2000. Qu’il soit populiste, Donald Trump l’est sûrement. Il a construit -ou fait croire ainsi- le mur avec le Mexique mais il n’a pas pu toucher à un seul texte de la constitution américaine. Et quand d’un coup de tweet rageur, il annonça ce décret bannissant les citoyens d’ un certain nombre de pays musulmans, c’est l’équivalent d’un petit juge de province, qui, depuis son modeste bureau, s’y opposa en invoquant la constitution. Résultat, Donald Trump fut arrière toute, démontrant qu’il vaut mieux avoir un mauvais président et un système démocratique équilibré qu’un bon président et un système démocratique maniable à souhait. Des institutions solides et non des hommes forts comme le disait un Barack Obama en foulant la terre de l’Afrique.
Toutefois cette victoire de la démocratie américaine sur le populiste Donald Trump semble porter en elle-même et par deux faits majeurs les germes d’une certaine décadence. Il y a d’abord la décision prise par certains journalistes des grands médias de couper le micro du président américain, certes dans un moment de grand dérapage. Cet exploit journalistique obligera la société américaine à s’interroger sur ce nouveau pouvoir des médias. Ou faudra-t-il placer le curseur afin que la salutaire décision de ne pas relayer des déclarations sans preuve ne se transforme tout simplement, comme au temps de la Pravda, en censure ou autocensure ?
L’autre question importante est la décision prise par le réseau social Twitter de bloquer le 45 ème président des Etats-Unis au lendemain de l’invasion du capitole pour, intention louable, prévenir toute incitation à la violence. Là aussi, comme à chaque fois lorsque la morale a tendance à prendre le pas sur le droit, l’on est en droit de se demander où s’arrêtera le pouvoir d’un tel réseau social ? Sera-t-il toujours bienveillant ou devons nous nous résoudre à accepter que le comité de lecture (ou de censure) de Twitter nous détermine les bons et les mauvais tweets, le bien et le mal, à l’instar de ce qui est sensé faire un pays autoritaire comme la Chine ?
En clair, le CEO de Twitter, Jack Dorsey, serait désormais aussi puissant que le congrès américain, ayant la décision délicate, lui et ses collaborateurs, de dire ce qui est bon ou mauvais pour la société. Tant qu’il ne s’agira comme dans ce cas ci que de sauver la démocratie, l’on applaudira des deux mains. Mais qu’en sera-t-il si Twitter décidait de supprimer un compte d’activistes favorables à Vladmir Poutine ou Xi Jinping ? Le pouvoir suprême de bannir ou non doit-il toujours être confié aux administrateurs des réseaux sociaux au risque de voir la démocratie confisquée par des maîtres censeurs qui agissent pour « nous protéger » dans une société orwellienne ou derrière la chasse aux fake news s’intensifie à l’approche de chaque crise majeure comme lors de l’épisode des gilets jaunes en France?
Bref, quand la morale prend le pas sur le droit, les censeurs ne sont jamais loin.