A 76 ans et toutes ses dents, Yoweri Museveni est encore bien là, incarnant le chef africain. L’homme qui a fait sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats en 2005 et celui de la limitation de l’âge en 2017, se représente pour un sixième mandat aux présidentielles du 14 janvier 2021 dans un pays, l’Ouganda, qu’il présente, statistiques internationaux à l’appui, comme l’une des économies à plus forte croissance durant les dix dernières années.
L’ancien guérilleros du Front de libération du Mozambique (FRELIMO), qui, de retour dans son pays, a arraché le pouvoir par les armes, en 1986, à la tête du National Resistance Movement (NRM), a encore de l’appétit pour le pouvoir au vu de ses campagnes électriques où il joue la carte d’une certaine authenticité, de la sagesse africaine (il est surnommé le Mzee, le sage en Swahili), de l’ancrage territorial ( il est du groupe ethnique Banyankole Bahima) et du droit d’aînesse contre ceux parmi les jeunes qui prônent le changement. Son passé de combattant panafricaniste et d’ami de hautes figures révolutionnaires comme le soudanais John Garang valide un discours aussi théâtral q’autoritaire, rappelant la « démocratie bantoue » selon Mobutu.
Autoritaire et marxiste dans l’âme quoique converti au libéralisme et indéfectible allié de Washington dans la région des Grands Lacs, Yoweri Museveni, ancien étudiant en économie de l’université de Dar Es Salam de Tanzanie, adepte du panafricaniste Julius Nyerere, n’a jamais réellement retiré son treillis, réduisant au fil des ans, le champ politique à sa plus simple expression et, immanquablement, favorisant l’émergence de nouvelles forces issues de la société civile dans un Ouganda qu’il a eu un jour à comparer à sa bananeraie. «Comment pourrais-je quitter une bananeraie que j’ai plantée et qui commence à donner des fruits ?», déclarait-il début 2016, en prévision d’une présidentielle qu’il remporta royalement. Mais en affaiblissant les politiques, Musevenu a promu les leaders de la société civile.
Ainsi, c’est un chanteur, du nom de scène de Bobi Wine, 38 ans, qui fait figure du principal challenger de l’auteur de la thèse soutenue dans les années 70 (plus de 60% des ougandais n’étaient pas encore nés) sur la théorie de Frantz Fanon sur la violence et contre l’aliénation.
Célèbre en Afrique de l’Est, le chanteur d’Afrobeat et de Reggae a remporté un MTV Award Music et pris le risque sur le terrain en affrontant la police et l’armée dans des rassemblements souvent réprimés. De son vrai nom Robert Kyagulanyi, l’artiste devenu parlementaire en 2017 a été investi en novembre dernier candidat de la National Unity Platform (NUP) opposition party. Surfant sur la colère de la jeunesse urbaine et le taux de chômage explosif, Bobi Wine entend trainer Museveni devant la Cour Pénale Internationale (CPI).
Arrêté plusieurs fois, Bobi Wine continue de drainer des foules lors des meetings sous haute surveillance interrompus plusieurs fois. Le pouvoir qui l’accuse de violer les mesures de distanciation sociale anti- covid-19 (le pays a enregistré 35 000 cas) continue de maintenir la pression. Reste à savoir si le scrutin à lequel participe 11 candidats sera conforme à la volonté de la majorité des ougandais.