Par Samir Bouzidi *
Et si la covid-19 était en passe de réussir là où toutes les stratégies publiques ont échoué jusqu’alors : faire revenir au «pays» les hautes compétences de la diaspora ? Avec le durcissement des dispositifs sanitaires en UE et US, le télétravail depuis l’Afrique est un projet qui fait de plus en plus d’ émules au vu des posts toujours plus nombreux sur Linkedin et les réseaux sociaux. Parmi eux, les publications remarquées de Makhtar (Dakar), Fatima (Bamako), Mohamed (Rabat) ou encore Karim, Marouan, Ines (Tunis) qui ont tous en commun d’avoir franchi le pas et d’être ravis par le changement.
De plus en plus nombreux et heureux…
Pour motiver leur «aventure», ces « repats » d’un nouveau style, placent volontiers la recherche d’un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle au cœur de leurs motivations avec à la clé des contraintes matérielles et psychologiques du fait de la Covid (confinement…) jugées allégées au sein de la famille dans le pays d’origine. Une expérience unique pour certains permettant de joindre l’utile à l’agréable : se ressourcer en famille, visiter en profondeur le pays et aussi explorer des opportunités nouvelles et développer du réseau professionnel. C’est tout le sens des propos entendus le 14 janvier 2021 à l’occasion d’un webinar organisé par l’ATUGE (Association des tunisiens des grandes écoles) sur le thème «télétravail en Tunisie et diaspora »…la plupart des intervenants, de hauts cadres de la diaspora tunisienne en UE et US, se réjouissant de leur retour provisoire qu’ils seraient unanimement heureux de prolonger en dépit de contraintes certaines. Même son de cloche chez Mohamed (Rabat) ou Fatima (Bamako), tous deux nullement pressés de rejoindre leur petit appartement de 35m2 à Paris ou Londres, en plus des conditions sanitaires et de la rudesse de l’hiver…
Bien plus qu’une expérience de travail à distance, le télétravail pour la diaspora constitue en réalité une opportunité rare d’immersion sociale en mode sécurisé voire d’intégration professionnelle et, nul doute que ce lien enrichi avec le pays d’origine est de bon augure pour l’avenir en termes d’investissement, transferts de compétences… Et le potentiel est tangible ! Ainsi par exemple, lors du webinaire de la diaspora tunisienne cité plus haut, trois conférenciers sur cinq ont déclaré avoir déjà entrepris de créer une entreprise sur place ou cultivent le projet du retour définitif au pays à moyen terme, alors qu’ils sont depuis de nombreuses semaines en télétravail en Tunisie… D’autant plus que le télétravail anti-crise est parti pour s’installer durablement ; Les employeurs plébiscitant les économies dégagées sur les charges fixes (loyers…) tout en bonifiant le climat social de leur entreprise. Avec par ailleurs l’adoption grandissante des technologies (cloud computing, e- commerce, big data…) et la liste des métiers à distance qui s’allongent ( vente, services clients, marketing, développement de logiciels, rédaction de contenu…), cette vague n’a pas fini de séduire des publics nouveaux…et des Etats en mal d’investisseurs et de touristes nouveaux.
De futurs investisseurs et ambassadeurs…
En bon précurseur, Dubaï a ainsi déjà initié un visa de télétravail destiné à attirer les travailleurs étrangers. D’autres pays de l’Europe de l’est s’y préparent…Quant aux pays africains, ils doivent se saisir de cette tendance pour reconquérir les compétences de la diaspora qui ne revenaient jusqu’alors au pays que pour quelques semaines par an de vacances familiales. Ils ont en effet tous intérêts à faciliter le séjour de ces salariés, touristes, philanthropes d’aujourd’hui et futurs ambassadeurs et investisseurs…D’autant plus que les campagnes de vaccination avançant bon train dans les grands pays « employeurs » de la diaspora, bon nombre des travailleurs de la diaspora nouvellement immunisés n’auront plus autant d’appréhensions à revenir séjourner au pays. Avec cette belle perspective, nos gouvernants doivent s’atteler à lever les obstacles principalement techniques et administratifs au télétravail : l’accessibilité de l’internet haut débit, assurer la portabilité des droits fiscaux et sociaux de ces néo « repats » par des conventions bilatérales ou organiser des centres offshore de télétravail…et l’essentiel : veiller à convertir aux « charmes » économiques du pays ces compétences transitoires !
A propos de l’auteur
Samir Bouzidi est Ethnomarketer & expert international en mobilisation des diasporas africaines. Entrepreneur engagé – fondateur de la startup solidaire “Impact Diaspora”.