Par Louis Camara, Directeur Général de Kamsar Petroleum et Hummingbird Mining Corporation Et président de l’Association pour la Promotion du Contenu Local en Guinée (APCLG)
Avec l’essor du secteur minier en République de Guinée durant la dernière décennie, nous avons sans aucun doute tous entendu parler, à plusieurs reprises, du concept de contenu local, le fameux «local content». Fruit d’une volonté politique visant à renforcer les compétences locales et à pleinement les intégrer dans les chaines de valeur productives, le contenu local se veut être une solution permettant, entre autres, aux populations locales de bénéficier d’une manière juste et équitable de l’exploitation des richesses de la terre de leurs ancêtres.
La politique de contenu local en Guinée s’appuie sur trois volets liés à la création d’opportunités économiques: les emplois, les fournisseurs et le renforcement des capacités. L’administration guinéenne s’engage à mettre en place un cadre légal et fiscal stable pour permettre aux entreprises d’être compétitives sur les marchés de contrats d’affaires, dont les retombées doivent renforcer la croissance économique.
Sur le plan de la gestion des ressources humaines, les partenaires des projets miniers s’engagent à offrir des possibilités d’emploi et de formation aux Guinéens et à permettre aux entreprises enregistrées en Guinée de concourir et d’obtenir des contrats de sous-traitance dans le cadre du développement des projets. Cela se manifeste à travers les transferts de compétence, l’accès à la formation continue pour les emplois directs – du niveau apprentissage aux compétences managériales et la formation en gestion et sur le terrain pour les employés des PME et les communautés locales.
La politique du contenu local a été soutenue par différentes mesures et initiatives dont la lettre de promotion du contenu dans le secteur minier (2017), la création de la Bourse de Sous-traitance et de Partenariats (BSTP), ainsi que le décret numéro 263 fixant le cadre juridique et institutionnel du contenu local ou préférence nationale afin de favoriser, dans le cadre de l’exécution des projets publics ou porté par les investisseurs du secteur privé (2019). Cette dernière initiative est venue élargir le champ du contenu local, ne le limitant ainsi plus dans les esprits qu’au secteur des mines.
On constate donc qu’au-delà du cliché voulant que ce soit une forme de protectionnisme qui consiste à privilégier aveuglement les ressources et entreprises locales, la promotion du contenu local est d’abord et avant tout une action qui vise à lutter contre les maux qui freinent le développement d’un secteur privé national fort et créateur de richesses partagées. On compte notamment parmi ces maux le manque de formation adéquate des ressources humaines, l’informalité et le manque de productivité des entreprises qui mènent à leur manque de compétitivité face aux entreprises étrangères. Dans un contexte de globalisation où la libre entreprise et le libre échange ne cessent de croitre, il est tout simplement impossible de voir des champions guinéens du monde des affaires émerger sans entreprises disposant de ressources humaines compétentes et productives, ainsi que de soutiens financiers venant du système bancaire formel (ce qui implique une structuration formelle). Il est également impossible de voir émerger un secteur privé créateur de richesses partagées sans que les entreprises ne sachent évoluer comme il se doit dans le cadre juridique et fiscal national.
Dans son rapport de 2019 intitulé « Dynamiques du développement en Afrique », la Commission économique de l’Union africaine, en collaboration avec l’OCDE, relève l’insuffisance de création d’emplois de qualité sur le continent et suggère un meilleur accompagnement politique au profit de la productivité des entreprises. Selon l’OCDE : « Le ratio Afrique/Asie de la productivité de la main-d’œuvre est passé de 67 % en 2000 à 50 % actuellement » L’OCDE indique que les entreprises africaines courent le risque de perdre des marchés au profit de nouveaux concurrents internationaux.
Le questionnement sur la mission première d’une entreprise commerciale se pose rapidement dans la discussion portant sur contenu local. La mission principale d’une entreprise commerciale n’est-elle pas d’abord et avant tout de générer du profit, et ce, en s’assurant tout simplement de respecter le cadre juridique, réglementaire et fiscal ? La réponse parait évidente au premier abord. Il est toutefois important de mentionner que dans un contexte de mondialisation où plusieurs pays africains ont accumulé, pour différentes raisons, un important retard de développement ayant un impact sur la compétitivité de leurs entreprises, le choix de la promotion du contenu local est indéniablement un choix idéologique : celui de la promotion d’une forme de justice sociale et économique. Et au regard de ce caractère idéologique qui par extension est politique, le rôle de l’administration publique dans la mise en œuvre effective et efficace de toute politique de contenu local devient primordial. L’État se doit de garantir l’application strict et sans faille de la politique du contenu local. Le président de la République de Guinée, Son Excellence le professeur Alpha Condé, n’a d’ailleurs pas hésité à réitérer l’importance de l’application de la politique de contenu local lors de nombreuses allocutions publiques ces dernières années.
Nous devons en Guinée faire, aujourd’hui plus que jamais, du contenu Local une priorité pour une raison importante : rééquilibrer les rapports de force dans le monde des affaires et libérer le potentiel des ressources humaines et des entreprises guinéennes.