PAR LAURENT MUCCHIELLI.
La gestion de la crise reste commandée par la détection des contaminations. Cette quête anxieuse risque de s’éterniser du fait de nouveaux virus mutants. Or la peur, instaurée depuis le début, conduit à pérenniser des mesures restrictives lourdes aux conséquences sociales dramatiques. Il est urgent pour L’État d’abandonner cette logique folle et de revenir à la gestion traditionnelle d’une virose.
Épisode 38
Je publie ce jour un beau et fort texte de Paul TOUBOUL, professeur de médecine (cardiologie, rythmologie) à l’université de Lyon et ancien chef de service à l’hôpital de Lyon. A l’heure où, dans une sorte d’ivresse de toute-puissance, le gouvernement prolonge et augmente sans cesse les mesures de couvre-feux, laissant même planer la menace d’un troisième confinement, et tandis que l’immense majorité des journalistes semblent être devenus de simples relais plus ou moins serviles de la communication gouvernementale, il est important que nos concitoyens sachent que des lieux de résistance intellectuelle perdurent. Nous continuerons sur ce blog à publier les médecins et les chercheurs de toutes disciplines qui contestent certaines des « vérités officielles » distillées chaque jour dans le débat public, à accumuler les arguments et les preuves qu’une autre politique est possible, qui protège la petite minorité des personnes les plus fragiles sans mettre en péril la vie de la grande majorité des autres. Exercer cette action critique n’est pas un plaisir malsain car chacun aurait mieux à faire. C’est un devoir moral tant l’espèce de délire techno-hygiéniste qui guide nos gouvernants fait des ravages matériels et psychologiques dans la population, en même temps qu’il abime gravement la démocratie, comme la philosophe Barbara Stiegler vient aussi de le rappeler brillamment dans un court essai.
Par Paul TOUBOUL, professeur de cardiologie à l’Université Lyon 1, médecin des hôpitaux. Contact : touboul.paul (at) orange.fr
Pour commencer, des questions. Va-t-on installer définitivement dans nos pratiques le dénombrement quotidien de nos concitoyens atteints par tel ou tel virus ? Au même titre que le bulletin météo, chiffres et pourcentages des victimes s’afficheront-ils désormais sur nos téléphones, influant sur la coloration de nos journées ? La perspective d’un voisinage tendu avec le monde des virus se dessine-t-elle et avec elle celle d’une vie attentive aux moindres soubresauts de ce comparse réfractaire auxquels il conviendra de répondre sans tarder ? Un combat de longue haleine est-il entamé dans lequel se déploient, pour notre survie, toutes les ressources de l’intelligence humaine ? Entrons-nous dans une nouvelle ère, celle d’une humanité en croisade contre les nuisibles naturels qui la mettent en péril ? Est-ce le projet grandiose de l’avenir pour pérenniser notre existence sur terre ?
Notre humanité, dans sa relation à la nature qui l’environne, est peut-être à un tournant. Elle semble ne pas tolérer désormais ce qui autour d’elle échappe à son contrôle et, qui plus est, serait une menace. Mais, à bien y réfléchir, cette lutte est, au fond, ancestrale. L’homme a de tout temps cherché à vaincre les obstacles à son développement, voire à les éliminer. Il s’agissait toujours de cibles à échelle humaine, appréhendées par nos sens, et à la portée de moyens adaptés, parfois violents. L’avènement des vaccins puis des antibiotiques a offert la première opportunité de combattre nos ennemis du monde invisible que sont les agents infectieux. Vaincre ces êtres dangereux capables de nous exterminer a certainement marqué une date dans notre vie sur la planète terre. Et l’amélioration aujourd’hui de nos conditions d’existence doit beaucoup à cette avancée.
Depuis, la connaissance de l’univers vivant microscopique s’est considérablement développée. Une multitude d’espèces qui l’habitent a été identifiée. Des techniques de plus en plus fines ont pénétré leur intimité offrant même des possibilités de manipulations. L’explosion de ce savoir se solde aussi de remises en cause incessantes, de questionnements supplémentaires, de théories nouvelles et de pratiques de plus en plus intrusives. Le champ de l’inconnu n’est pas pour autant réduit et se renouvelle même à l’infini. Si l’homme a pu s’ériger en apprenti sorcier, il n’en reste pas moins fasciné par le mystère grandiose qu’est la vie à l’entour. Et dans le cheminement du chercheur, la passion de connaitre voisine avec l’humilité et la conscience de son ignorance.
Exit la médecine de proximité, place à l’armada d’État
Alors pourquoi ce préambule ? parce que la gestion de la crise sanitaire actuelle a mis en lumière les illusions d’attitudes scientifiques dévoyées qui sont elles-mêmes le pendant d’une hubris contemporaine. Qu’a-t-on vu en l’occurrence ? Ont été écartés avec dédain les comportements traditionnellement requis en matière d’épidémie. Que chaque cas déclaré en réfère à son médecin, que ce dernier le prenne en charge et prescrive un traitement jugé approprié dont il assure le suivi, voilà ce qui se passait de tout temps quant telle ou telle virose faisait son apparition. La maladie restait personnalisée, avait un visage, se composait d’histoires individuelles, gardait une dimension humaine. Or cette pratique a été balayée. Le praticien n’était plus à la hauteur d’un combat jugé titanesque. Exit la médecine de proximité. Place à l’armada d’État que sont les hôpitaux publics. Ainsi en a décidé l’État français.
La notion de pandémie donnait-elle sens à pareille mesure ? L’explosion des contaminations pouvait justifier au contraire le recours à l’ensemble du corps médical et la démultiplication de l’offre de soins. D’autant que la prise en charge initiale relevait à l’évidence de la compétence de généralistes. Pourtant il en a été décidé autrement. Et la manière a été brutale puisque certains médicaments recommandés initialement ont été contingentés et des praticiens sanctionnés par l’Ordre pour avoir contrevenu aux injonctions officielles. Un centralisme autoritaire en matière médical s’est donc instauré, l’État gérant unilatéralement l’épidémie, en comptabilisant l’étendue et décrétant les conduites. Une situation entièrement inédite et qui n’a fait que se renforcer avec le temps.