Dans le procès sans la présence ni de témoins ni de victimes qui s’est tenu du 11 au 18 janvier à Genève, Beny Steinmetz, 64 ans, a été condamné à cinq ans de prison de ferme pour corruption d’agents publics en Guinée dans le dossier Simandou du nom de ce gisement minier toujours inexploité. Au terme de 7 ans d’enquête, le Tribunal correctionnel de Genève a estimé que les concessions minières obtenues par le magnat franco-israélien ont été obtenues par la corruption. La présidente du tribunal correctionnel de Genève, Alexandra Banna, parle de «mobiles éminemment égoïstes» de l’homme d’affaires. Le parquet avait requis 5 ans de prison et la confiscation de 50 millions de francs. «Je prends acte de cette décision que je trouve injuste et dont je fais immédiatement appel», a déclaré Beny Steinmetz à l’AFP, qui reste «totalement combatif et confiant».
Et d’ajouter: «Cette décision ne reflète absolument pas ce que les 6 jours d’audience ont révélé: il n’y a ni pacte ni acte de corruption». «Je dénonce dix ans de manipulation et de mensonges, une enquête menée uniquement à charge et dans la violation des droits de la défense», a-t-il ajouté.
Le procès est l’aboutissement d’une longue enquête internationale lancée en 2013 en Suisse et portant sur des permis miniers octroyés en Guinée au Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), dans lequel le diamantaire a le titre de conseiller. Ce dernier avait obtenu en 2008, peu avant la mort de l’ancien président guinéen Lansana Conté, le droit d’exploiter les blocs 1 et 2 de l’un des plus importants gisements de fer au monde à Simandou, où il a investi 170 millions de dollars (environ 150 millions de francs). Il en a depuis revendu 51% au groupe brésilien Vale, pour 2,5 milliards (environ 2,2 milliards de francs). Selon le parquet genevois, Beny Steinmetz aurait promis dès 2005, puis versé ou fait verser, de 2006 à 2012, des pots-de-vin, dont certains auraient transité par des comptes suisses, à la quatrième épouse de l’ancien président Conté, Mamadie Touré, en échange de ces droits miniers dans ce pays pauvre d’Afrique. Personnage clé de cette affaire, Mamadie Touré a reconnu avoir reçu des versements et est depuis protégée par la justice américaine. Convoquée comme témoin à Genève, elle ne s’est pas présentée au procès, tout comme une dizaine d’autres témoins de la défense.
Beny Steinmetz était accusé par le parquet d’avoir mis en place un montage financier via des sociétés-écrans afin de verser environ 10 millions de dollars (environ 8,8 millions de francs) de pots-de-vin à Mamadie Touré, afin que BSGR supplante le groupe anglo-australien Rio Tinto dans les blocs 1 et 2. La présidente du tribunal a relevé que «l’argent versé à Mamadie Touré provient bien de BSGR» et que «le président Conté n’avait aucun intérêt à retirer les droits à Rio Tinto… si ce n’est pour en retirer un intérêt personnel ou favoriser un tiers, en l’occurrence sa quatrième épouse». Beny Steinmetz, qui résidait à Genève lorsque les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés, a assuré pendant le procès n’avoir «jamais» demandé à quiconque de verser des fonds à Mamadie Touré, et l’a accusée de raconter des «mensonges».
Rappelons que Beny Steinmetz et la nouvelle présidence guinéenne d’Alpha Condé sont parvenus début 2019 à un accord convenant que BSGR renonce aux droits sur Simandou en échange d’un abandon des poursuites pour corruption en Guinée. À Genève, Beny Steinmetz était jugé aux côtés de deux partenaires d’affaires, dont le Français Frédéric Cilins, qui en 2014 a été condamné à deux ans de prison aux États-Unis pour obstruction à la justice dans ce dossier. Selon des enregistrements du FBI cités par le procureur genevois, il a promis plusieurs millions de dollars à Mamadie Touré en échange de la destruction de certains documents compromettants. Il a été condamné jeudi à 3 ans et demi de prison ferme, et à verser 5 millions de francs suisses.
(Avec AFP)