Si à la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM) et à la Bourse des Valeurs de Casablanca (BVC), la réflexion est ouverte sur la mise en place des produits dérivés, à Wall Street l’on vient de se rendre compte depuis janvier 2021 que ces produits optionnels qui ont fait la fortune des hedge fund peuvent aussi porter les aspirations (vraies ou fausses) des robins des bois et d’autres révolutionnaires 2,0. Il s’agit de petits traders amateurs, professionnels, plus ou moins activistes, qui veulent prendre le maximum d’argent auprès des « géants de Wall Street pour le redistribuer aux « pauvres ».
L’affrontement entre ces petits porteurs, au nombre de 2 millions, regroupés dans une plateforme de forum et de partage d’idées, et les géants est intervenu sur des valeurs particulières comme celle du distributeur de jeux vidéo GameStop, qui a vu son cours bondir de 3 300% en an dont une accélération spectaculaire de 1700% depuis début janvier 2021 alors que la santé de l’entreprise est défaillante. Les hedge fund avaient pour la plupart acheté pour des milliards de dollars des titres qu’ils ne possèdent pas en pariant sur leurs baisses.
Au bout du pari, les fonds revendent, encaissent leurs marges et restituent les titres à leurs propriétaires. La machine bien huilée a rencontré sur son chemin ces millions de petits porteurs physiques, détenteurs de positions à effet de levier, mais haussières. Depuis différentes plateformes et particulièrement Wallstreetbets, ces acteurs nouveaux, bénéficiaires pour certains des fonds versés par l’Etat fédéral américain dans le cadre de la Covid-19, ont donc fait le pari inverse, en misant sur la hausse, forçant les investisseurs qui ont pris des positions de vente à découvert à accumuler des pertes estimées à 70 milliards de dollars en moins de quatre semaines selon les données de recherche de la société Ortex.
Pour l’heure, les petits porteurs mènent au point, engrangeant des millions de dollars de gains et obligeant des fonds mais aussi des entreprises comme Tesla (positionnée à la vente sur 47 milliards de dollars) et au moins 5 000 entreprises américaines, à solder leurs positions pour couvrir leurs pertes potentielles.
Parmi les grands perdants de cet affrontement qualifié de version 2,0 de « Occupy Wall Street », figure le hedge fund Melvin Capital qui a subi une injection de près de 3 milliards de dollars de la part de ses actionnaires (Citadel, Point 72) pour consolider ses fonds propres. Le scénario, incroyable, démontre une nouvelle fois que l’analyse fondamentale, la marge EBIDTA et même le signal de dividende, ne sont plus de la fête mais regardent depuis les tribunes un match où les règles du jeu sont plutôt à suivre dans l’inusable « Psychologie des foules » de Gustave Le Bon plutôt que dans les courbes des analystes fondamentalistes.
De là à croire que ces traders en herbe sont rebellion contre Wall Street, il y a plusieurs positions à ne pas franchir. Les nouveaux « indignés » veulent juste changer les règles du jeu à leur profit sonnant et trébuchant sous le regard plus que circonspect de la SEC, le gendarme du marché américain, qui compte fouiner dans les plateformes à la recherche d’éventuelles infractions à la loi. Ce scénario américain est à prendre en considération dans les Bourses africaines qui réfléchissent en ce moment sur le lancement d’un marché à terme, qui va de pair avec les mécanismes de compensation associés ainsi qu’une surveillance à la hauteur des enjeux.