Par Daniel DJAGOUE
L’Afrique est en r e c o n s t r u c t i o n . Après les années 80 et 90 marquées par l’application brutale des mesures d’ajustement structurels et, pour les francophones, le basculement dans le multipartisme suite à l’appel de la Baule, beaucoup d’Etats sont aujourd’hui face à la quadrature du cercle: morcellement du champ politique, budget de fonctionnement de l’Etat en croissance exponentielle, service de la dette en augmentation rapide et taux de chômage élevé. Les alternances de l’année 2000 ont positionné le Bénin et le Sénégal, deux modèles démocratiques qui ont régulièrement changé le sommet de l’Etat par les urnes, en poste avancé de laboratoire politique pour l’Afrique.
Mais ces deux pays précurseurs de l’alternance démocratique en Afrique de l’Ouest n’ont jamais – et c’est leur paradoxe- réussi des prouesses économiques fortes. En accédant au pouvoir en 2016, l’homme d’affaires Patrice Talon a abordé la question en PDG, là où le vieux Abdoulaye Wade, aguerri au combat démocratique, est entré au palais de la république en légalisant des centaines de partis politiques. Aujourd’hui, le successeur du Pape du Sopi a estimé indispensable un parrainage citoyen (65 000 signatures) nécessaire pour postuler à la présidence. A trois heures de vol de Dakar, Patrice Talon impose des barrières financières et fiscales pour restructurer un champ politique exponentiel.
Les deux laboratoires démocratiques ouest- africains, partis tous deux des mêmes constats (inflation de partis politiques) sur des chemins différents (barrière politique chez l’un, financière chez l’autre) sont parvenus presque au même résultat: contestation de l’opposition face à des pouvoirs jouissant de la majorité requise et, donc, pouvant faire passer des lois. Le plus simple pour Patrice Talon du Bénin ou Macky Sall du Sénégal n’aurait-il pas été finalement de faire perdurer le consensus mou et même de rajouter de nouveaux partis à ceux déjà existants, histoire de se faire des alliés?
Dans ces calculs politiciens, c’est clair, la croissance économique peut aller se rhabiller, n’étant pas prioritaire. Il y a toujours un risque d’image à engager des réformes politiques. La rationalisation du champ politique béninois, conduite au pas de charge, est somme toute cohérente avec la politique d’ensemble d’un président réformateur qui a eu à prendre des mesures fortes. En clair, cette batterie de réformes politiques, économiques et sociales consolide l’Etat et lui redonne le sceau et la capacité d’initier le développement. Reste à savoir, en méditant sur le cas de la Chine ou du Singapour, si la cohabitation entre l’Etat fort et l’homme fort ou encore, pour aller à l’encontre d’Obama, entre des hommes forts et des institutions fortes, est attentatoire à la démocratie (peut-être) et au développement (pas si sûr).