Par Alassane BA, Administrateur Indépendant ORAGROUP
Michel Abrogoua a tiré sa révérence. Je suis profondément attristé par cette nouvelle très brutale. Je dois accepter avec beaucoup d’amertume que Michel a été arraché très tôt à notre affection, au milieu de ses multiples projets à forts impacts humains. En de pareilles circonstances, en tant que croyant, je me remets à la volonté divine. Alors, les images de Michel qui me reviennent sont : sa belle silhouette, son élégance naturelle, ses idées et ses anecdotes. Je pense à sa famille, sa communauté et globalement ce qui a été sa vie professionnelle, tout au moins celle que j’ai partagé avec lui. Spontanément et au milieu d’une forte émotion, je décide d’écrire sur une partie de sa vie professionnelle; celle que je connais. Je ne prétends pas à l’exhaustivité mais je réponds uniquement à un devoir vis-à-vis d’un collègue avec qui j’ai partagé au cours de ces 5 dernières années, plusieurs sujets.
Il s’est battu avec force et intelligence, au cours de ces 30 dernières années, pour le développement du secteur privé, en Afrique de l’ouest à travers plusieurs institutions tel que la BAD d’abord et la SFI ensuite auxquelles il a servi loyalement. Il quitta respectivement ces institutions avec la satisfaction du travail bien accompli et un quitus de bons et loyaux services rendus à l’Afrique.
Très vite, au bord de la lagune Ebrié, la terre de ses ancêtres, il déploya son acumen et sa grinta pour le capital-investissement, en créant Phoenix Capital Management qui fut son laboratoire pour le Conseil en fusions et acquisitions et divers produits de fonds propres et quasi fonds propres.
Notre relation prit un tournant décisif quand il décida d’acquérir BATIM en 2016 qui est la plus grande société de promotion immobilière privée en Côte d’Ivoire. J’ai partagé avec lui sa passion naissante pour l’immobilier, comme classe d’actifs et les BTP par extension avec différents partenaires extérieurs notamment chinois et allemands. J’avais l’habitude de partager ses multiples profondes réflexions stratégiques orientées vers comment faire plus et mieux.
Il m’appela le 04 janvier 2021 pour me présenter de vive voix ses meilleurs vœux et a proposé une date de réunion dans ses nouveaux locaux. Cet appel était routinier mais très particulier ce jour-là car il me dit qu’à son âge il avait besoin de se confiner de manière quasi-permanente, malgré ses responsabilités managériales. Je lui répondis qu’il était jeune et qu’il n’avait rien à craindre. Loin de moi de savoir que cet appel allait être le dernier…
Sa chaude voix s’est tue à jamais et son style de communication très courtois qui rappelle son admirable parcours de Financier hors norme nous marquera. Il a été un des pionniers du capital-investissement qu’il pratiqua avec beaucoup de professionnalisme et d’humilité. Il apprivoisa la finance pour la mettre au service du développement. Des champions régionaux bien connus symbolisent ce que la rencontre entre le capital-investissement et l’esprit entrepreneurial peut produire. Il était le facteur X de cette fertilisation croisée dont les résultats marqueront de manière indélébile son style, unique en son genre.
Honneur et respect à l’homme qu’il fut. Sa vie a été pleine quantitativement et qualitativement. Son « legs » l’est autant et continuera de nous inspirer. J’en citerai deux fondamentaux.
Son esprit pionnier de mobiliser des fonds auprès des caisses de retraite en Afrique est la voie à suivre. Elle doit être amplifiée, tout en respectant rigoureusement les principes les plus stricts en matière d’investissement et de gestion des risques.
Le financement sain des champions régionaux dans les secteurs stratégiques (banque, agriculture, industries, tourisme, santé…) doit être érigé en pilier stratégique dans les nouvelles politiques de développement. Il pratiquait le patriotisme économique à l’échelle régionale.
Cher Michel tu nous laisses un grand chantier mais nous sommes rassurés par la profondeur des fondations bien solides que tu as aidées à bâtir.
Adieu au Maître de domptage de la finance en capital patient et intelligent pour le bien-être de tous.
Adieu au Panafricaniste qui a transcendé les clivages entre régions et langues en Afrique. Tu as mobilisé le capital sud-africain pour être investi dans la CEDEAO. Tu as toujours cru à la mobilité du capital pour sa meilleure allocation dans l’espace africain.
Adieu à l’audacieux qui n’a jamais voulu rester sur les sentiers battus. Tu symbolisait ce que disait Goethe « quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie ».
Adieu au brave fils Ebrié qui avait le souci de valoriser l’assiette foncière de sa communauté pour leur bien-être auquel tu étais très attaché. Des projets de rénovation urbaine et de modernisation ont occupé une place de choix dans ta vision.
Je présente mes sincères condoléances à Suzanne, ton épouse et à tes enfants. Yako comme on dit en Côte d’ivoire en de pareilles circonstances. La communauté capital investissement en Afrique perd un grand homme mais ton passage sur Terre restera gravé dans nos mémoires.