Les belles résolutions de l’Union Africaine buttent sur la dure réalité du terrain. Le président en exercice de l’Union, Cyril Ramaphosa, le déplorait cette semaine lors du Davos: la stratégie continentale présente un succès mitigé. L’UA a « sécurisé » 400 millions de doses supplémentaires auprès du Serum Institute of India (SII), ce qui porte à 670 millions le nombre de doses préachetées dans le cadre de son initiative baptisée Avatt (African Vaccine Acquisition Task Team).
Selon les estimations de John Nkengasong, le directeur du CDC, le centre africain pour les contrôles des maladies, 50 millions de doses destinées au continent devrait arriver dès le début du mois d’avril. Environ 1,5 milliard de doses seront nécessaires pour vacciner 60% des populations d’Afrique pour un coût allant de 5,8 à 8,2 milliards d’euros. Le financement est assuré par la banque Afreximbank et la Banque Mondiale. Mais ce panafricanisme vaccinal risque de faire les frais de sa lenteur, de plus en plus de pays pariant sur des programmes nationaux. Cas de l’Egypte, des Seychelles, du Maroc, de l’Algérie et de Maurice, qui ont lancé leurs campagnes nationales. Mi-janvier, le ministère de la santé du Sénégal a rendu public son plan vaccinal anti-Covid-19 prévoyant de vacciner, à partir de mars et en deux mois, 90 % des cibles prioritaires (le personnel de santé, les plus de soixante ans, les personnes ayant des comorbidités).
L’Afrique du Sud, chef de file de la stratégie continentale ne serait-ce que parce que son président préside l’UE, vient elle aussi d’opter pour une stratégie nationale, « coûteuse », selon les protestations du président Ramaphosa formulées au Forum de Davos. La deuxième économie africaine va en effet recevoir lundi 1er février un million de doses achetées directement au laboratoire AstraZeneca à un prix comptant jugé élevé. La nation arc-en-ciel aurait payé plus de 2,5 fois plus cher que l’Union Européenne. Devrait-on s’en étonner quand on sait que l’achat en masse favorise des économies d’échelle et que l’Union Européenne a anticipé en participant au financement du vaccin développé par Astrazeneca et l’Université d’Oxofrd ?
Cette prise de risque ajoutée à une stratégie continentale permet à l’Europe de bénéficier d’un meilleur coût d’accès là où le continent africain, contraint à acheter comptant, a, semble-t-il, trop misé sur le programme Covax lancé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) mais encore à l’état de promesses bien que soutenu par 180 pays. Ce dispositif de l’OMS doit permettre de vacciner 10 % de la population du continent africain dans le courant de l’année. « Nous avons obtenu deux milliards de doses auprès de cinq producteurs, avec la possibilité d’en obtenir plus d’un milliard de plus, et nous avons l’intention de commencer les livraisons en février », a révélé Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, chef de l’OMS.
En attendant la concrétisation du Covax, les grands pays font avancer la diplomatie du vaccin. Ainsi, le président chinois Xi Jinping s’est engagé à réserver 2 milliards de dollars pour le continent africain. Le président français, Emmanuel Macron, multiplie les déclarations de bonne intention. La Russie à travers le fonds russe d’investissements directs (RFPI) déclare avoir fait homologuer son vaccin Spoutnik 5 par la Guinée et l’Algérie.
En clair, l’Afrique cherche sa voie entre le panafricanisme, le nationalisme, la diplomatie et la charité internationale. Les grands bénéficiaires de la situation sont les laboratoires qui ont développé le vaccin. Cas du Serum Institute of India (SII), qui produit à grande cadence des millions de doses du vaccin contre le Covid-19, Covishield, développé par AstraZeneca et l’université d’Oxford pour l’Inde et une grande partie des pays en développement.