C’est le scandale qui fait la une des médias sénégalais. Le Monsieur « propre » de la politique sénégalaise est empêtré depuis le 2 février 2021 dans une affaire de mœurs aux similitudes assez troublantes avec l’affaire DSK-Nafissatou Diallo. Si les contextes diffèrent, le président du parti des patriotes (Pastef), candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2019 sous la bannière de la coalition « Sonko Président, » accusé de viol et de menace de mort à travers une arme par Adji Sarr, une masseuse de 20 ans, employée du salon de massage Sweet beauty Spa à Dakar, voit sa carrière politique dans la balance. La propriétaire de l’établissement qui a été entendue par les enquêteurs et qui a fait un témoignage avec des détails accablants pour l’homme politique dans les médias, est poursuivie pour «incitation à la débauche et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs». Elle a été placée en garde à vue en attendant la suite de l’audition d’Ousmane Sonko, principal accusé dans cette rocambolesque affaire.
Le président de PASTEF qui incarne l’aile dure de l’opposition sénégalaise joue sa survie politique. Le leader de l’opposition et, éventuellement, challenger potentiel de Macky Sall en 2024, qui ne s’est pas encore clairement positionné sur ses intentions, risque un discrédit politique si les accusations portées à son encontre sont avérées. Car cela ternirait non seulement son image dans une société sénégalaise profondément conservatrice qui plus est, mais réduirait surtout ses chances de rebondir lors de la prochaine présidentielle et pourrait avoir un impact significatif pour PASTEF dès les locales prévues en 2021. Dans le cas contraire, ce nouveau feuilleton pourrait jouer en sa faveur avec un effet catalyseur qui va à nouveau booster sa popularité en le positionnant comme une alternative, sinon la seule, dans un contexte de ramollissement de l’opposition, plus que jamais légitime face au président Macky Sall qui entretient toujours le flou sur ses intentions de briguer un troisième mandat et qui sera alors perçu comme un président cherchant à museler tout adversaire.
Convoqué par la section de recherches de la gendarmerie de Colobane (Dakar) ce lundi 8 février par les enquêteurs dans le dossier dit « sweet beauty », Ousmane Sonko a jugé utile de s’exprimer devant la presse sur les accusations portées à son encontre, déclinant par la même occasion ladite convocation en invoquant son immunité parlementaire. Dans une déclaration faite dans la soirée du dimanche 7 février, le leader de Pastef réfute toutes les accusations et dénonce sans détour une cabale orchestrée, selon lui, par le pouvoir de Macky Sall dans le but de l’éliminer de la course à la prochaine présidentielle sans toutefois apporter des preuves formelles soutenant ses accusations.
C’est un homme déterminé à se battre jusqu’au bout pour prouver son innocence et démasquer « le complot » du pouvoir qui s’est aux Sénégalais à travers les médias. Sans nier le fait d’avoir bel et bien fréquenté à plusieurs reprises le salon de massage où se serait passé, selon la plaignante, « le viol présumé », Ousmane Sonko a justifié la fréquentation de l’établissement par des soucis de santé. Si des voix s’élèvent au sein de l’opinion publique, de ses militants et sympathisants ainsi que dans l’opposition pour soutenir et dénoncer une machination orchestrée par Macky Sall et son ministre de l’intérieur comme l’a laissé entendre le leader de Pastef, le leader politique le sait, seule une enquête suffisamment indépendante pourra élucider cette affaire aux relents hautement politiques.
Le fait d’invoquer son immunité parlementaire pour décliner la convocation de la brigade de recherche de Colobane serait-il une stratégie qui permet à Ousmane Sonko de gagner du temps supplémentaire pour mieux préparer sa défense? Dans une société africaine plus sensible au moral qu’au légal, cela pourrait donner le sentiment qu’il est entrain de se soustraire à la justice et de fuir ses responsabilités même si, du point de vue légal, l’immunité lui est conférée par la loi. D’aucuns pensent que Sonko doit être suffisamment courageux et pragmatique pour comprendre que cette affaire est du pain bénit pour le pouvoir et que d’une manière ou d’une autre, il cherchera à en tirer profit sur le plan politique. La question, c’est plutôt de prouver qu’il n’a rien à se reprocher et que les accusations portées à son encontre sont fausses.
Complot ou pas, Ousmane Sonko a-t-il succombé au « charme » ou « stratagème » de Adji Sarr en la menaçant avec deux armes ? C’est la réponse à cette question que l’opposant et son pool d’avocats doivent s’atteler à répondre pour élucider l’opinion. Plus tôt la lumière sera faite sur cette affaire, mieux cela sera pour son image et son statut de sérieux challenger face au parti au pouvoir.