Dix sénateurs républicains avaient voté à la mi-janvier en faveur d’une seconde procédure « d’impeachment » de Donald Trump pour « incitation à l’insurrection » sur le capitole le 6 janvier 2021 qui avait coûté la vie à cinq (5) personnes. L’acte d’accusation porté par les démocrates a débouché sur un procès qui a démarré le 9 février. Au bout de 5 jours d’un procès expéditif qui a été marqué par des débats partisans au Sénat, le verdict s’est soldé ce samedi 13 février 2021 par un second acquittement de l’ex-président américain. À l’issue d’un vote qui n’a pas permis d’atteindre la majorité des deux tiers (67) nécessaire pour sa destitution. À l’arrivée, seulement 57 sénateurs dont 7 républicains ont voté pour la destitution contre 43 républicains qui ont voté contre, dont l’influent Mitch McConnell, chef de la désormais minorité républicaine au Sénat.
Sa réaction intervenue à la suite de l’acquittement de Trump, après avoir pris ses distances depuis les événements du Capitole et appelé publiquement à se débarrasser de Trump, sonne le glas une nouvelle fois d’une fracture profonde au sein du parti républicain. Pris en tenaille entre la volonté de couper les ponts avec le personnage controversé de l’ex-président pour revenir aux fondamentaux du Grand Old party et de l’autre, le risque électoraliste que cela pourrait engendrer par la perte d’une base conservatrice acquise au milliardaire et qui pourrait faire basculer les choses aux élections de mi-mandat en 2022. Les républicains optent finalement pour la realpolitik en espérant surfer encore une nouvelle fois sur la vague Trumpiste. » Il n’y a aucun doute, aucun, que le président Trump est, dans les faits et moralement, responsable d’avoir provoqué les événements de cette journée », a réagi McConnell aux sortir du procès estimant que le Sénat n’a toutefois pas la compétence requise pour juger un ancien président. Avant d’ajouter : » il ne s’en est pas encore tiré. Pas encore. Nous avons un système de justice pénale dans ce pays. Nous avons des procès civils. Et les anciens présidents ne sont pas à l’abri d’une responsabilité de l’un ou de l’autre ».
Dans le camp démocrate, c’est évidemment une grosse déception car malgré tous les efforts engagés dans la bataille par Jamie Raskin qui a porté l’accusation au nom des démocrates avec des documents vidéo inédits pour convaincre les républicains dont les vies ont été aussi mises en danger, de renvoyer définitivement Donald Trump, l’écrasante majorité des républicains n’ont pas cédé. Non pas par sympathie pour lui mais par calcul politique. La plupart des sénateurs ont besoin de la base pour conserver leurs sièges aux prochaines élections sénatoriales. Cela dit, la bataille est loin d’être terminée pour les démocrates qui vont tout tenter pour empêcher Trump de revenir sur la scène politique. Ce dernier pour sa part s’est félicité de l’issue d’un procès qu’il qualifie de chasse aux sorcières et de règlement de compte politique. « Notre mouvement historique, patriotique et magnifique pour rendre à l’Amérique sa grandeur ne fait que commencer », se projetant déjà pour 2022 et 2024.
Pour cela, il faudra sans doute faire face à la ténacité de Nancy Pelosi, la présidente de la chambre des représentants au Sénat, qui n’a pas mâché ses mots s’insurgeant contre la » lâcheté » et le « manque de courage » de certains républicains, taclant au passage McConnel pour son » incohérence » jugeant « pathétique que le sénateur McConnell ait empêché le Sénat de reprendre ses travaux pour qu’il ne puisse pas recevoir l’article de destitution et qu’il ait utilisé cela comme excuse pour ne pas condamner Donald Trump » assène la démocrate. Pour Chuck Schumer, leader de la majorité démocrate au Sénat, » il s’agissait de choisir le pays plutôt que Donald Trump. Et 43 républicains ont choisi Trump. Cela devrait être un poids sur leur conscience aujourd’hui…et à l’avenir » regrette-t-il.
Les casseroles de l’ancien président
Consciente que l’immunité présidentielle ne protège plus Donald Trump, Nancy Pelosi et ses collègues de la majorité vont probablement ressortir du terroir les dossiers judiciaires de l’ex-Président. Notamment les accusations de fraudes fiscales avec une enquête en suspens chez le procureur général de New York, Cyrus Vance qui est chargé de déterminer si l’ex-Président s’est rendu coupable de fraudes fiscales. L’enquête est suspendue à la divulgation des archives comptables de sa société. S’il est reconnu coupable, il risque la prison.
Les nombreuses accusations d’agressions sexuelles qui ont agrémenté son mandat devraient reprendre de plus belle après son départ de la maison blanche. Au-delà de l’affaire Epstein où son nom est cité, ce sont des dizaines de femmes qui accusent Donald Trump de viol ou d’agressions sexuelles. La journaliste Elizabeth Carroll, éditorialiste du magazine ELLE, l’accuse notamment d’un viol qui aurait eu lieu dans les années 1990 à New York ou avec la retentissante affaire des relations extra-conjugales avec à la clef des virements bancaires secrets pour acheter le silence des victimes. La plus célèbre d’entre elles, l’ex-actrice Stormy Daniels qui a reçu 130 000 dollars par l’entremise de l’ancien avocat du milliardaire, Michael Cohen condamné pour fraudes fiscales entre autres. Ou encore Juliet Huddy, l’ex-présentatrice de la chaîne américaine FOX NEWS qui accuse Trump d’avoir tenté de l’embrasser entre 2005 et 2006, etc…
L’affaire des ingérences Russe à la faveur de la présidentielle américaine de 2016 est un autre dossier qui a pourri la présidence Trump. Le rapport publié par l’ancien procureur spécial Robert Mueller en avril 2019 qui a conclu à une absence de collusion entre l’équipe de campagne de Donald Trump et les Russes malgré les contacts avérés entre les deux camps est revenu à la charge en juillet 2019 face au comité judiciaire de la chambre des représentants pour préciser toutefois que le rapport en question n’exonerait pas le président. Allant dans le sens de l’avis des procureurs fédéraux à travers tout le pays. Le congrès désormais à majorité démocrate devrait remettre à jour, ce dossier hautement explosif.
Plus récent, le 10 février 2021, la procureure du comté de Fulton en Géorgie a annoncé l’ouverture d’une enquête préliminaire visant l’ancien président pour «tentatives d’influencer les opérations électorales de Géorgie » un swing state 2020 où Donald Trump n’a pas hésité à contacter par téléphone le secrétaire d’État républicain de Géorgie, Brad Raffensperger, pour lui mettre la pression avec des menaces à l’appui afin que ce dernier lui trouve près de 12 000 bulletins de vote en son nom, pour inverser les résultats des élections dans cet État remporté par Joe Biden.
L’enquête préliminaire en question « inclura les potentielles violations des lois électorales de Géorgie qui interdisent de demander aux agents locaux et de l’État de commettre des fraudes ou de faux témoignages » précise dans un communiqué la procureure du comté de Fulton.
C’est donc un retour vraisemblablement hypothétique pour l’ancien président américain car les démocrates qui n’ont pas hésité une seule seconde à le mettre en accusation pour haute trahison alors que son mandat arrivait à terme dans le seul but de l’enfoncer davantage et le mettre définitivement hors-jeu, ne vont pas se gêner une nouvelle fois de tirer les ficelles de ses ennuis judiciaires qui vont le submerger et l’empêcher d’être candidat en 2024. C’est un secret de polichinelle. Les républicains le savent aussi. Ils ont d’ailleurs sans doute pour certains d’entre eux, et non des moindres, tourné la page Trump sans avoir le courage de l’avouer comme Mitch McConnel qui n’exclut pas de soutenir les accusations judiciaires contre l’ancien président. Une stratégie qui pourrait aider à le mettre à distance du parti. Faisant cependant montre de stratagèmes pour ne pas vexer une base électorale trop précieuse et qui sera sans doute déterminante pour les prochaines échéances.
La grande interrogation, c’est comment le parti républicain dont la Trumpisation de la base au sommet est complètement actée parviendra à se défaire de l’emprise de l’ex-Président ? Va-t-on assister à une révolution interne avant ou après les grandes échéances de 2022 ou poursuivre dans le culte de la personnalité au dépens du parti qui en a déjà fait les frais lors des dernières sénatoriales en Géorgie, au risque de le plonger dans une grave crise de leadership ? Wait and see.