Sous le manteau officiel de lutter contre le terrorisme, des puissances économiques et militaires se livrent une bataille stratégique pour le contrôle le reste du monde. En difficulté dans ce qui était naguère considéré comme son bastion imprenable, la France cherche à se réinventer pour maintenir son influence.
Ndjamena, la capitale tchadienne accueille les 15 et 16 février 2021, la 7ème conférence des chefs d’Etat du G5 Sahel. Cinq chefs d’Etat de ce regroupement politico-militaire, en l’occurrence, le Burkina-Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad y participent. Seule fausse note, l’absence pour des « raisons sanitaires » liées à la pandémie du Covid-19 du président français Emmanuel Macron, dont le pays est le « partenaire stratégique » dans cette croisade contre le terrorisme, pour avoir déployé depuis plus de six ans dans la région, la force Barkhane.
Bien qu’à travers la visioconférence tous les participants devraient échanger et se donner des orientations claires en vue de renforcer la lutte contre le terrorisme, il ne fait point de mystère que l’absence du président français audit sommet pourrait constituer un handicap pour la suite des opérations, alors que les voix s’élèvent mettant de plus en plus en cause l’efficacité de la force Barkhane. La France, consciente de son impopularité grandissante, sait que sa présence dans certains pays africains est vue d’un mauvais œil. Dans ce contexte de rejet, la parade sécuritaire en plein terrorisme lui permettrait de maintenir sa main mise.
Au cours de cette session, si l’ordre du jour prévoit qu’après les travaux à huis clos suivra une session plénière à laquelle prendra part la coalition pour le Sahel qui rassemble les partenaires internationaux, il n’en demeure pas moins vrai que ces assises prioritairement destinées à apporter des réponses parcellaires à une problématique continentale et mondiale seront fortement dominées par les orientations françaises. Par ailleurs, au regard des réalités du terrorisme dont les ramifications vont au-delà de ce cadre régional, des interrogations fusent sur l’efficacité d’un tel regroupement, à moins qu’il s’agisse comme nombre d’analystes le pensent, d’un regroupement géostratégique où la France sous prétexte de lutter contre le terrorisme, cherche vaille que vaille à avoir le contrôle sur une partie du continent, en l’occurrence, sur ses ex-colonies.
La lutte contre le terrorisme nécessite une synergie d’actions
Le terrorisme a beau être une guerre asymétrique ne saurait empêcher que l’efficacité de la force Barkhane soit questionnée au regard de la multiplication d’attaques terroristes dans le Sahel, parfois à la « barbe et au nez » de cette force française. Il ne faut pas perdre de vue que dans cette affaire de gros sous que constitue la lutte contre le terrorisme, la France qui a perdu le terrain dans la plupart des pays du continent ne saurait laisser que le dernier bastion que constitue son « pré carré » naturel échappe à son contrôle.
Bien que présente en Afrique du nord, la France semble plus que jamais distancée par les Américains dans la croisade contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Toutefois, la jonction avec AQMI en Afrique de l’Ouest donne une opportunité à la France de revenir au premier plan même si l’Hexagone semble définitivement perdre la main dans la lutte contre Boko Haram, un sous-groupe d’AQMI en Afrique de l’Ouest qui connait un regain d’activités dans la région du lac Tchad.
Sept ans après le sommet de Paris où « la guerre totale » fut déclarée contre Boko Haram sous les auspices du président français François Hollande avec la participation des chefs d’Etat du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad dont les armées constituent la Force multinationale mixte (FMM), la France qui était en avant-scène s’est retrouvée en arrière-plan taclée par les Américains. Sauf que les Etats-Unis ont déserté le terrain pendant la présidence de Donald Trump, ce qui a permis à la secte terroriste pourtant affaiblie de se reconstituer et de redevenir menaçante.
Selon de fiables informations, à l’instar du G5 Sahel, le dossier Boko Haram serait sur les tablettes de Paris, décidée à se donner de la couleur en s’appuyant notamment sur son pré-carré que constitue l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ce redéploiement diplomatico-sécuritaire permettrait à l’ex-métropole de contrer des velléités menaçantes américaines, chinoises et russes. Une guerre de leadership qui peut s’avérer contre-productive alors que la guerre contre le terrorisme nécessite une synergie et une coalition de forces si tant que des actions isolées sont d’une efficacité incertaine.