Par Christine Holzbauer
Très attendu sur le maintien de la force Barkhane débarquée le 1er aout 2014 au nord Mali en remplacement de l’opération Serval, Emanuel Macron a affirmé sa volonté d’appuyer les efforts de reconstruction de certains états de la région.
Les 5100 hommes de troupes de la force Barkhane actuellement déployés au Sahel ne partiront pas, du moins pas avant l’été. Le président français a pris grand soin d’en détailler les raisons lors d’une conférence de presse à l’issue du sommet de N’Djamena des 15 et 16 février. Au premier rang desquelles le « sursaut militaire » et les succès remportés sur le terrain contre contre Daech et Al Quaida au Mahgreb (AQMI), les deux organisations terroristes sévissant dans la région, depuis le sommet de Pau, il y a un an.
Conférence de presse d’Emmanuel Macron, à Paris, le 16 février, à l’issu du sommet du G5 Sahel de N’Djamena
Celui-ci avait permis de réaffirmer la volonté des cinq états membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Mauritanie, Mali, Niger et Tchad) de voir la France rester dans la région. Ce qui s’était traduit par l’envoi de 600 soldats français additionnels détachés de Côte d’Ivoire, a-t-il rappelé. Tout en développant une approche globale (politique, sécuritaire et de développement) reposant sur « quatre piliers », dont le volet militaire était porté, jusqu’ici, essentiellement par les troupes françaises.
Consolidation des acquis de Pau
« Le sommet de N’Djamena est une consolidation de ce qui avait été décidé à Pau », a martelé le président français. Jamais, la coalition pour le Sahel n’a en effet réuni autant de bonnes volontés. Créée le 27 mars 2020, la taskforce européenne Takuba agrège désormais, autour de la France, « nombre de nouveaux états européens, y compris du sud comme la Serbie et la Grèce, mais aussi des pays du Golfe et des états africains côtiers.». Elle devrait compter « 2 000 hommes d’ici à l’été », a-t-il encore précisé. Et la dynamique ne s’arrête pas là, selon lui, puisque l’engagement de la nouvelle administration américaine « semble acquis », ainsi que le soutien du Maroc et de l’Algérie. Jugeant par ailleurs crucial un « retour de la présence des Etats sahéliens dans le quadrilatère entre Tera (Niger), Dori (Burkina Faso), Douentza/Gao/Menaka (Mali)», Emmanuel Macron s’est dit prêt à « accompagner cet alignement favorable. » Dans l’immédiat, le dispositif militaire français sera maintenu au moins jusqu’à l’été, a-t-il révélé, ajoutant que la tenue d’un « nouveau sommet du G5 Sahel, jalonné de points hebdomadaires et d’une rencontre au sommet de la coalition Sahel au printemps 2021 devrait permettre de faire évoluer la question de la présence française.»
Renfort de 1 2000 soldats tchadiens
L’annonce lundi soit par le président Idriss Déby Itno, qui a pris la présidence tournante du G5 Sahel, de l’envoi d’un bataillon de 1 200 militaires tchadiens dans la région dite des « trois frontières » (Mali, Niger, Burkina Faso), a donc ravi la Présidence française. Promise depuis un an mais « empêchée » par les attaques récurrentes de Boko Haram dans la région du Lac Tchad, l’arrivée de ces renforts en soutien aux armées nationales va permettre de décupler les forces sur un théâtre d’opération ciblé lors du sommet de Pau mais réputé comme l’un des plus à risque. A cette fin, la France a non seulement réussi à sécuriser les financements estimés à « 40 millions d’euros par an pour assurer la rémunération et l’entretien de ces armées sahéliennes » grâce à une contribution de l’Union européenne et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). Mais le sommet de N’Djamena a également « acté l’effort ciblé sur la haute hiérarchie du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) », une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaïda, a précisé le président français.
Recours au chapitre 7
Un changement de cible qu’Ahmedou Ould Abdallah, président du Centre des stratégies pour la sécurité du Sahel Sahara (Centre 4s) à Nouakchott, appelle de ses vœux. Arrêtons de « solliciter les services d’individus perçus comme piliers d’une cinquième colonne liée aux trafics et au terrorisme. (…) Certains sont même suspectés de double jeu lors des assassinats du consul général d’Algérie à Gao (Boualem Saies) et des journalistes français Ghislaine Dupont et Claude Vernon », a-t-il averti dans une récente tribune. Pour Emmanuel Macron, si le tout sécuritaire semble avoir fait son temps au Sahel, la pérennisation des financements reste la clé. Favorable à la demande des présidents Idriss Deby et Macky Sall du Sénégal de « faire passer la force conjointe du G5 Sahel sous le chapitre 7 de l’ONU », afin d’en sécuriser les fonds réservés jusqu’à présent à la seule Minusma, il rappelle que la mission de cette dernière est « d’assurer la sécurité des populations, pas de lutter contre le terrorisme. » Aussi, renvoie-t-il les dirigeants sahéliens face à leurs responsabilités. « La coalition Sahel a identifié 900 projets de développement et réuni 16 milliards de dollars qui doivent maintenant être réalisés. C’est du ressort des Etats », a-t-il conclu.