L’investiture du nouveau président de la République ouvre une nouvelle page pour le Niger. Un changement dans la continuité qui est loin d’être un long fleuve tranquille pour Mohamed Bazoum dont les concitoyens semblent ne lui accorder aucun état de grâce.
Ce 2 avril 2021 marque le début du magistère du 10è président de la République du Niger depuis son accession à la souveraineté internationale le 3 août 1960. Mohamed Bazoum qui prend les rênes du pays au terme d’un processus électoral transparent selon le pouvoir, vicié selon l’opposition, le sait mieux que quiconque: il devra disposer de plus d’une corde à son arc pour diriger ce pays dont l’histoire est ponctuée par plusieurs coups d’Etat. Dans ce contexte, la tentative de putsch du 31 mars 2021 est dans les esprits. Le cerveau supposé, un officier fusilier de l’armée de l’Air, est encore recherché.
Crédité de 55,67 % des voix face au candidat de l’opposition, Mahamane Ousmane (44,33 %) selon le verdict de la Cour constitutionnelle, Mohamed Bazoum devra faire face à une kyrielle de défis. Le premier sera de réconcilier un pays divisé. Une tâche pour le moins complexe, d’autant que ces divisions reposent davantage sur la base ethnique qu’idéologique. Des dignitaires Haoussas qui acceptent difficilement l’élection d’un Touareg tissent des ficèles dans l’ombre pour contester le nouveau président. Il reviendra à ce dernier de trouver le bon filon pour à la fois assoir l’unité du pays et s’imposer comme le président de tous les Nigériens.
Pour cela, le nouvel homme fort de Niamey devra faire des concessions pour trouver un juste milieu. En d’autres termes, il devra aller bien au-delà et rassurer toutes les communautés qu’il est le président de tous. Des tensions sociales qu’on signale dans certaines régions du pays pourraient déboucher sur des affrontements intercommunautaires, toutes choses que le pouvoir devra tout faire pour éviter au risque d’un embrasement. La réconciliation nationale devrait être une priorité pour le pouvoir, le pays étant sorti divisé au terme de cette élection présidentielle.
Le second défi, toujours politique, n’en est pas moins une équation difficile à résoudre. Dauphin désigné du président sortant Mohamadou Issoufou, il devra à la fois gérer les actifs et les passifs politiques de son prédécesseur. Au chapitre des «passifs», il est reproché au président Issoufou de n’avoir pas respecté «l’accord» passé avec son prédécesseur immédiat à la tête du pays, le général Salou Djibo, dont « l’accord tacite » prévoyait que c’est ce dernier qui reprendra le flambeau du pays. Raison pour laquelle, explique-t-on, toutes ces personnalités ont constitué un front commun contre l’ancien premier ministre Hama Hamadou, embastillé depuis quelques semaines pour avoir appelé «au renversement des Institutions».
Il n’en fallait pas plus pour que d’aucuns pointent du doigt l’ancien président comme le «vrai cerveau» de la récente «tentative du putsch», le capitaine Gourouza Sani Saley présenté par les autorités nigériennes comme le cerveau de cet acte n’étant en réalité qu’un exécutant des ordres de ses commanditaires. Ceci permet de faire un parallèle avec le troisième défi et maintenir la cohésion au sein de l’armée. Il ne fait l’ombre d’aucun doute dans la situation actuelle que l’armée sera le meilleur rempart pour défendre la démocratie.
L’autre défi qui attend Mohamed Bazoum est sans doute l’amélioration des conditions de vie des Nigériens dont plus de la moitié vit sous le seuil de la pauvreté. A travers son indice du développement, les Nations Unies placent le pays parmi les plus pauvres du monde. Un contexte socioéconomique peu favorable pour le pouvoir qui devra trouver des solutions idoines au vécu quotidien de la population qui s’attend à des actes concrets. Pour ce quatrième défi, les Nigériens attendent les résultats sans délai.
Face aux attaques des mouvements terroristes qui multiplient des attaques dans le pays, le cinquième défi pour le nouveau pouvoir est sécuritaire. Sans une réponse adéquate contre l’insécurité, aucun développement économique n’est envisageable, ce qui ferait croître la pauvreté et la misère. In fine, au regard des préoccupations qui touchent tous les secteurs de la société, le nouveau chef de l’Etat doit savoir qu’aucun état de grâce ne lui sera accordé.