[Article offert. Abonnez-vous au Premium pour prendre de l’avance sur l’information stratégique.]La situation au Sahel devrait monopoliser les discussions du déjeuner organisé, le 9 avril, entre Emmanuel Macron et Faure Gnassingbé, à l’Elysée. Légitime sur cette question, le Togo a été chargé par ses pairs de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) du suivi de la feuille de route de la transition malienne arrêtée après la chute du président Ibrahim Boubacar Keita, en août 2020. A ce titre, Lomé est depuis plusieurs mois au centre d’un intense ballet diplomatique et de négociations dont l’objectif, outre de remettre le Mali sur les rails de la normalisation politique, vise à organiser des élections générales en 2022.
Fin mars, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, se trouvait dans la capitale togolaise pour s’entretenir de cette actualité avec son homologue. Au même moment, la présidente de l’Assemblée nationale togolaise, Dzigbodi Yawa Tségan, recevait le vice-président du Conseil national de la Transition (CNT) du Mali, Assarid Ag Imbarcaouane. Ce dernier lui a adressé une invitation pour assister à la cérémonie d’ouverture, prévue le 5 avril, de la première session ordinaire 2021 du CNT, qui fait office d’Assemblée nationale du Mali. Quelques jours auparavant, Faure Gnassingbé avait assisté à l’investiture du nouveau chef de l’Etat du Niger, Mohamed Bazoum, à Niamey. Pour Paris, le Togo représente donc un relais essentiel pour être informé sur l’évolution sous-régionale mais aussi nationale, à Bamako.
Le vrai point de discorde demeure la participation ou non du colonel Assimi Goïta, chef de la junte militaire ayant déposé « IBK », à la présidentielle de 2022. Alors que la communauté internationale, dont la France, y demeure hostile, le président de la transition, Bah N’Daw, souhaite un scrutin inclusif. «Personne ne prendra le processus en otage, mais, en retour, personne ne doit en être exclu», avait-il affirmé dans son message aux Maliens à l’occasion de la nouvelle année. Au-delà du contexte politique, Faure Gnassingbé devrait surtout aborder la question des négociations avec les djihadistes comme possible voie d’une accalmie au Mali. Un scénario de plus en plus évoqué sur le terrain à mesure que les deux parties – l’Etat malien et les groupe armés – ont entamé des rapprochements. En décembre dernier, sur l’antenne de France 24, le premier ministre malien Moctar Ouane a dit sa disponibilité à de tels pourparlers, rappelant que «le dialogue avec les terroristes est une volonté des Maliens».
La position française elle-même a évolué. Jusqu’à présent hostile à tout dialogue, Paris n’est plus rétif à des négociations avec certains groupes endogènes à l’exception notable de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). La partie togolaise et ses partenaires africains souhaitent justement aller plus en avant en tentant de rallier à la paix les principales composantes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Bien qu’elle ait prêté allégeance à Al-Qaïda, cette alliance d’organisations comprend des entités et des leaders qui, tels le prédicateur Amadou Koufa, ont un agenda national. Certaines composantes du GSIM sont déjà dans une dynamique de négociation. En mars dernier, un cessez-le-feu de type intercommunautaires a été signé avec les chasseurs dozos (groupes d’autodéfense) dans le cercle de Niolo, au centre du Mali. Cet accord local pourrait être le premier pas vers des pourparlers à plus grande échelle. Réussir à organiser des pourparlers avec Amadou Koufa représenterait le meilleur moyen d’isoler son «frère» Iyad ag Ghali, fondateur du GSIM et ennemi-juré de la France au Sahel, tout en affaiblissant la dynamique djihadiste. Faure Gnassingbé devrait précisément tenter de sensibiliser son homologue français sur ce dernier point et amener ce dernier à accepter ne serait-ce que l’idée d’un dialogue avec le fondateur de la katiba Macina.