Par Samir Bouzidi
Doucement mais sûrement le Togo avance sur la question ô combien stratégique de la mobilisation de la diaspora. Sous l’impulsion de Robert Dussey, Ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration Régionale et des Togolais de l’Extérieur, « diasporiste » convaincu, le pays a mis en œuvre ces dernières années des avancées réelles : organisation des trophées de la diaspora, adoption d’une feuille de route de mobilisation de la diaspora, lancement d’un Haut conseil des Togolais de l’extérieur, octroi du droit de vote à la diaspora aux présidentielles de 2020…Ce volontarisme pro-diaspora constituant même un axe fort de la diplomatie togolaise panafricaine, toute auréolée de cette première prouesse en février dernier : l’adoption par l’UA du projet « Décennie des racines africaines et des diasporas » à l’initiative du Togo, visant à faire des diasporas africaines, des acteurs de premier plan du développement du continent (avec à la clé un prochain forum des diasporas africaines à Lomé)
En ce qui concerne la diaspora togolaise, le meilleur mais aussi le plus difficile reste à venir et il faudra certainement de la persévérance pour concilier une diaspora clivée par l’histoire et réputée exigeante. Il faut comprendre que le Togo, petit pays niché dans le golfe de Guinée est l’un des pays africains qui a le plus à gagner avec sa diaspora. D’abord parce qu’avec deux millions d’individus, c’est près d’un Togolais sur quatre qui vit à l’étranger (soit l’un des plus importants % en Afrique à l’exception des pays insulaires : Comores, Cap-Vert…). Surtout, il y a le poids des transferts (10% du PIB) qui laissent présager tout le potentiel d’une diaspora puissante dans la mesure où le pays amorçait une stratégie d’engagement gagnante.
Le Haut Conseil des Togolais de l’extérieur à la manœuvre…
C’est précisément pour mieux intégrer économiquement et humainement la diaspora que le Togo à l’instar du Maroc et du Mali a choisi d’institutionnaliser le dialogue avec celle-ci via un haut conseil de la diaspora au contraire du Sénégal ou de la Tunisie ayant opté pour la représentation parlementaire. De cette ambition politique, est né le HCTE (Haut conseil des Togolais de l’extérieur) en 2019, composé de 77 délégués élus qui sont répartis dans quatre zones : Afrique (45), Europe (19), Amériques (6) et Asie- Océanie (7).
Et signe que le HCTE entend déjà marquer son empreinte en se mettant au service de la diaspora et de l’intérêt national, il a été organisé samedi 10 avril, en partenariat avec la holding d’Etat Togo Invest et l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), un premier webinar au format XXL par sa durée (2h30) et le nombre d’invités (plus d’une vingtaine) autour du thème « Investir au Togo ».
A cette occasion, plus de deux heures durant, les participants (institutionnels togolais et étrangers, entrepreneurs de la diaspora, experts…) ont été encouragés à livrer leurs témoignages sincères et de façon constructive. Avec ce premier besoin unanimement pointé : mieux communiquer autour des opportunités d’investissement et des réalités de l’écosystème entrepreneurial togolais. Ce à quoi, il a été convenu de mieux structurer le partage d’informations avec la diaspora en créant de nouveaux supports digitaux dédiés couvrant les contenus essentiels (opportunités d’investissements et avantages pour la diaspora, modalités de création d’une entreprise, documents on-line…) tout en appelant par ailleurs de ses vœux à nommer rapidement un point focal diaspora auprès des différentes institutions stratégiques en lien avec diaspora (Togo Invest, ANPE, OTR..). Un dispositif alternatif qui viendra en complément du prochain guichet unique pour la diaspora dont le lancement imminent devrait être annoncé par le Ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration Régionale et des Togolais de l’Extérieur.
L’Afrique a beaucoup à apprendre du « laboratoire » togolais…
Avec plus de 1700 connectés issus d’une quarantaine de pays, cette grande première a mobilisé et surtout pour l’essentiel, elle a su rassembler ! C’est là le principal défi qui s’ouvre à l’HCTE et au Togo que reparler et réunifier une diaspora puissante mais indignée. Et dixit Kag Sanoussi, porte-parole de l’HCTE et président de l’Institut international de gestion des conflits (France), la voie pour y arriver est empreinte de pragmatisme et de sagesse : « Au-delà des divergences idéologiques et politiques…Nous pouvons nous retrouver sur l’essentiel. Et c’est tout l’enjeu qu’il faut réussir à maintenir dans l’intérêt général en essayant d’éviter que les débats politiques viennent télescoper cette sérénité que nous voulons créer. »… ou si vous préférez comme on l’entend dans les rues de Lomé « Arbre solitaire, le vent le fait tomber ! »
Samir Bouzidi est Ethnomarketer & expert international en mobilisation des diasporas africaines. Entrepreneur engagé – fondateur de la startup solidaire “Impact Diaspora”.