Hubert Védrine, ancien ministre français des affaires étrangères et Pascal Boniface, enseignant, directeur/fondateur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), qui collaborent par ailleurs sur diverses publications, viennent d’écrire, chacun suivant un angle différent, un guidede géopolitique.
Dans son «dictionnaire amoureux de la géopolitique», Hubert Védrine cite, en introduction, quelques auteurs de sa jeunesse, qui lui ont donné le gout de l’ailleurs. Je peux témoigner que la lecture de ces mêmes auteurs a grandement participé à la formation en relations internationales du jeune étudiant que j’étais. Haroun Tazieff et sa passion des volcans ; Paul Emile Victor, l’homme des grandes expéditions polaires ; l’audacieuse Alexandra David-Neel explorant l’Afghanistan ; les épopées racontées (imaginées ?) par Malraux sur la Chine, le Cambodge, la guerre d’Espagne ; les magnifiques récits de Frison-Roche sur les Touarègues. Bonne introduction aux sociétés, aux nations, aux peuples.
Le «dictionnaire» de monsieur Védrine comporte 249 «entrées». Nous n’en citerons ici que quelques-unes, bien sûr.
«Acteurs des relations internationales», l’auteur relève que, désormais, «tout le monde veut être ‘’acteur’’ ». La vie internationale a beaucoup changé, avec de nouveaux «acteurs» (les organisations internationales, les ONG, les lobbies, les grands groupes privés, les sociétés civiles, etc.).C’est «aux Etats, dans ce maelstrom, de savoir ce qu’ils veulent dans la durée, de retrouver le sens de la stratégie».Certes. N’oublions pas cependant que la marge de manœuvre de certains Etats, en l’occurrence africains, est souvent limitée face aux injonctions du FMI, aux excès de quelques ONG,bien souvent références incontournables des occidentaux.
« Afrique(s) ». Hubert Védrine constate la différence de traitement que l’opinion réserve à la ‘’Chinafrique’’, par rapport à la ‘’françafrique’’. L’auteur oublie-t-il ce que recouvre cette dernière expression ? (Voir le livre très intéressant de Frédéric Turpin, «Jacques Foccart» aux éditions du CNRS).
« Arabe (Monde). Contrairement à ce qu’une nouvelle doxa veut faire croire, M. Védrine rappelle que, «linguistiquement, si ce n’est ethniquement, parlant, il existe un monde arabe peuplé de près de 400 millions d’habitants…… ». Avec ses leaders dont le plus connu reste bien sur Nasser. Avec ses grandes idéologies, le nassérisme, le ba’thisme, qui ont finalement échoué pour plusieurs raisons, notamment « les rivalités nationales, la mauvaise gouvernance, la politique de l’Arabie, la remontée de l’islamisme…… ».
« BHL ». Le fameux Bernard Henri Lévy. L’homme, avec d’autres, du « devoir d’ingérence », concept néo colonial par excellence ; de l’invasion désastreuse de Sarkozy en Lybie ; de l’expédition de Hollande en Irak au nom des kurdes. L’homme qui demande à l’Europe, « seule s’il le faut », de combattre les pays (Chine, Turquie, Russie, Iran, Arabie) « qui voudraient empêcher l’occident de poursuivre sa mission civilisatrice ». Conclusion, en forme d’ironie dévastatrice de l’auteur, « vaste programme qui tente beaucoup d’occidentaux ! Mais le temps des croisades et de la colonisation est révolu ».
« Rwanda ». « La controverse la plus virulente sur la politique étrangère française », écrit, celui qui a été un des acteurs de cette politique. « Les livres, articles et déclarations, d’auteurs belges, canadiens, camerounais, français ou congolais, qui démontrent l’inanité des accusations contre la France ou les jugements plus récents des médias anglo-saxons ne sont à peu près jamais repris par les médias français ». Rappelons cependant que le rapport Duclerc, remis au président français en mars 2021, est venu pointer une certaine responsabilité de la France dans la crise rwandaise.
On pourrait continuer la liste de ces «entrées», qui sont toutes stimulantes. L’auteur cite aussi bien l’immense Fernand Braudel, l’historien des temps longs, que les accords de Bretton Woods, ou un «multilatéralisme a été mis en place de façon unilatérale».
Ce dictionnaire nous rappelle que la géopolitique, de plus en plus indispensable à la compréhension du monde, est exigeante et elle ne se satisfait pas de considérations superficielles. «Ma conviction est qu’on ne peut pas décrypter notre monde, se préparer à celui qui vient, enrayer ses menaces, renforcer ses potentiels, si on n’embrasse pas en permanence ces deux niveaux : les forces globalisantes et uniformatrices et les forces qui y résistent, les perspectives nouvelles, les menaces anciennes et récentes ».
De son coté, Pascal Boniface publie la 11° version de «50 idées reçues sur l’état du monde» (Armand Colin). C’est dire le succès de ce dictionnaire.
L’auteur rappelle que la croyance selon laquelle les idées reçues n’encombrent que l’esprit du grand public est une……idée reçue. « Elles circulent également chez les professionnels de la géopolitique, qu’ils soient responsables politiques, diplomates, officiers, experts, enseignants, chercheurs ou journalistes ». En voici quelques-unes.
« C’est vrai, je l’ai lu dans un livre ». M. Boniface souligne, à juste titre, que « les sujets d’apparence neutre (économie, biologie, par exemple), peuvent abriter des thèses parfaitement engagées ». Il est donc important de toujours essayer de comprendre « à travers quelles ‘’lunettes’’ l’auteur observe la réalité ».
« Les experts aident à comprendre les évènements ». Le statut d’expert est-il une garantie de sérieux et d’objectivité ? « Certainement pas », répond l’auteur, qui précise que « l’expertise ne présuppose pas la neutralité ».
«Il existe une communauté internationale». Celle-ci tenterait « de gérer au mieux les affaires mondiales au nom de l’intérêt collectif ». Cette expression est « largement dévoyée » constate Pascal Boniface qui précise que, « même en se limitant aux seuls états, il parait évident que parmi les membres de cette supposée communauté, tous n’ont pas les mêmes intérêts ». Et d’ajouter que « la communauté occidentale a tendance à se penser en communauté internationale ».
« L’Afrique est le continent perdant de la mondialisation ».Pour de multiples (bonnes) raisons, « l’Afrique redevient un enjeu central ». Elle doit cependant relever les défis d’une gouvernance plus inclusive.
« Le conflit israélo-palestinien est une guerre de religion ». L’auteur, dont les positions courageuses sur ce sujet lui ont valu bien des déboires (on se souvient de l’agression dont il a été victime à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv et les attaques qu’il subit de la part d’une certaine élite dans son pays), constate très justement que « le conflit est avant tout territorial et politique ». (Voir également le livre passionnant de Sylvain Cypel, ancien correspondant du journal le monde en Israël, « l’Etat d’Israël contre les juifs » aux éditions la découverte).
De nombreux autres thèmes sont abordés par Pascal Boniface, avec des commentaires qui sont à l’opposé des………idées reçues : « Qui dirige le monde ? » ; « Ce sont les firmes multinationales qui dirigent le monde » ; « la chine a un régime totalitaire » ; « la Chine va dominer le monde » ; « le choc des civilisations est inévitable » ; « le conflit sunnite-chiite structure le monde arabe » ; « l’Afrique n’est pas mure pour la démocratie », etc.
L’auteur nous rappelle que « nous sommes confrontés à un monde complexe ». Aussi, « renoncer à le comprendre peut-être tentant ». La lecture de son ouvrage, didactique, nous permet d’éviter ce renoncement.
Un commentaire
On pourra faire la réunion de France Afrique si les chefs d états Africain ne changent pas leurs façons, on ne pourra rien faire.
je remercie président Macron qui aide les présidents Africains dans leur égoïstes.
Merci beaucoup et sans rancune