L’échange téléphonique entre les présidents Paul Biya et Muhammadu Buhari suite au décès de leur homologue Idriss Déby Itno appelle un changement de stratégies dans le dispositif sécuritaire déployé contre la secte terroriste Boko Haram.
« La disparition du Maréchal du Tchad est une immense perte pour votre pays, l’Afrique centrale et notre continent qu’il aura servi sans relâche, et durant de longues années ». Cet extrait du message du chef de l’Etat camerounais Paul Biya suite au décès de son « éminent frère » tchadien Idriss Déby Itno laisse transparaître en filigrane, l’immense vide crée dans le dispositif régional et continental de la lutte contre le terrorisme.
Ces dernières années, Idriss Déby et l’armée tchadienne se sont positionnés comme le verrou contre l’expansion du terrorisme dans la région du Lac Tchad, où le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad sont la cible des attaques de Boko Haram. L’armée tchadienne qui assure le commandement de la Force multinationale mixte (FMM) constituées des armées des pays cités en sus, est particulièrement aux avant-postes pour barrer la voie aux terroristes. La disparition du Maréchal du Tchad nécessite au moins une révision stratégique dans le dispositif déployé contre Boko Haram dans un contexte où les autres leaders de la région Paul Biya et Muhammadu Buhari ont rarement arboré le treillis de commandant en chef de l’armée.
L’harmonisation des calendriers et la crise sanitaire liée à la pandémie du Coronavirus ont beau être invoqué pour le « report » du sommet des chefs d’Etat contre Boko Haram que la situation actuelle impose une redistribution des cartes dans le dispositif sécuritaire. Ledit sommet sous la supervision de l’ONU qui aurait pu avoir lieu en mars dernier ou en avril courant n’a pu se tenir également à cause de « l’indisponibilité » de certains partenaires internationaux, en l’occurrence, les Etats-Unis, la France, la Russie, la Grande-Bretagne qui devraient y prendre part. Que faire maintenant que la figure de proue de la lutte contre le terrorisme dans la région du Lac Tchad est décédé ?
Selon nos informations, la diplomatie française qui entend maintenir sa main mise dans le pré-carré milite pour que se tienne en marge des obsèques du président Idriss Déby, ce vendredi à Ndjamena « une réunion de haut niveau » sous la houlette du président français Emmanuel Macron attendu dans la capitale tchadienne. Un projet qui pourrait ne pas atteindre des objectifs escomptés car sauf changement de dernière minute, ni Paul Biya, ni Muhammadu Buhari « pour des raisons de santé » ne sont pressentis pour effectuer le déplacement ce 23 avril 2021.
Toutefois, rapportent de fiables informations, les présidents camerounais et nigérian ont multiplié des contacts téléphoniques depuis le décès de leur homologue tchadien qui avait justement menacé l’année dernière que l’armée tchadienne n’irait plus combattre « hors des frontières nationales », exprimant son dépit face à l’attitude quelque peu « timorée » de ses homologues.
Dans ce contexte, le « réchauffement » entre Paul Biya et Muhammadu Buhari est compréhensible voire inéluctable, si tant que les deux dirigeants sont obligés « d’aller au front » pour limiter des incursions, des prises d’otages, des attaques suicides qui se sont multipliés ces derniers mois, notamment au Niger et au Nigeria. Les craintes de voir la recrudescence des attaques de Boko Haram au Cameroun et au Tchad sont réelles, d’autant que l’ouverture d’un front armé avec des incursions des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), d’où Idriss Déby a été mortellement blessé va nécessairement avoir une incidence sur le fonctionnement de l’armée tchadienne déployée sur plusieurs fronts contre le terrorisme.
A en croire des analystes, des concertations en cours aux frontières impliquant les hauts gradés des armées camerounaises et nigérianes sont la traduction dans les faits de la prise en main plus que par le passé, du dossier Boko Haram par Paul Biya et Mohammadu Buhari conscients sans doute que les données ont changé.