Une semaine après le décès du président Idriss Déby Itno, difficile de prédire l’avenir immédiat du Tchad. La disparition tragique et brutale de celui qui a incarné les institutions régaliennes au cours des trente dernières années semble ouvrir une boîte à pandore. Certes, le pays est dirigé par le Conseil Militaire de Transition (CMT) composé d’une quinzaine de soldats qui se donne dix-huit mois revenir à l’ordre constitutionnel.
Une échéance qui est loin de faire l’unanimité au Tchad, d’autant que les mécanismes constitutionnels en cas de vacances à la tête du pouvoir prévoient que c’est le président du sénat qui assure l’intérim du président de la République en attendant l’organisation de l’élection présidentielle dans un délai n’excédant pas trois mois. En d’autres termes, ce qui se passe depuis le 20 avril 2021 au Tchad est purement et simplement un coup d’Etat. Un putsch que semble curieusement acté la communauté internationale, foulant au pied, les traités et conventions en la matière.
Les contestations qui en découlent sur le plan interne, dont celles de la classe politique avec en tête l’opposition démocratique et des associations de défense des droits humains démontrent à suffisance que le pouvoir autoproclamé suite à ce passage en force des militaires divise les Tchadiens. Dans ce contexte, la quête de légitimé des « nouvelles autorités » constitue à elle seule, une étape périlleuse d’autant que le choix porté sur la personnalité pour conduire le CMT, le général de corps d’armée Mahamat Idriss Deby donne l’impression d’une succession monarchique.
L’autre incertitude, la plus complexe, c’est le manque du dialogue entre le CMT et les rebelles du Front pour le changement et la concorde au Tchad (FACT) dont la blessure mortelle sur Idriss Déby constitue à n’en point douter, une victoire d’étape. La sournoiserie des rebelles d’ouvrir un dialogue avec le CMT n’est en réalité qu’une ruse pour conforter leur position sur le terrain. Ils savent que le décès du maréchal Idriss Déby a porté un énorme coup sur le moral des troupes, et que forcément, des dissensions réelles ou supposées au sein du CTM est un avantage psychologique pour eux.
Toutefois, la fermeté du CMT d’en découdre avec les rebelles présage une offensive militaire étant donné que « ni médiation, ni négociation avec des hors-la-loi » est possible. Le refus catégorique à dialoguer avec les rebelles et l’appelle lancé aux autorités nigériennes à une coopération pour capturer le chef du FACT Mahdi Ali Mahamat le démontre à suffisance.
Dans ce contexte, n’y a-t-il pas lieu craindre que d’autres mouvements rebelles qui écument ce pays puissent se réorganiser et conquérir des espaces territoriaux ? La situation actuelle peut-elle favoriser l’unité des rebellions dont le seul objectif sera de renverser des dirigeants actuels ? Le sentiment d’une monarchisation du pouvoir pourrait-il élargir le capital de sympathie des rebelles auprès de la population qui, le cas échéant servirait de relais aux rebelles ? En d’autres termes s’achemine-t-on vers une situation ingouvernable comme ce fut le cas il y a une quarantaine d’années où des rebellions contrôlaient des pans entiers du territoire national ?
Difficile pour l’instant de savoir exactement ce qui en sera. Tout au plus, on sait que la fracture sociale va s’accentuer et que les difficultés quotidiennes des Tchadiens vont croître. Une situation qui arrive au moment où le pays traverse une conjoncture socioéconomique difficile, conséquence de la chute du pétrole sur le marché international et qui constitue les revenus du pays à plus de 80%.
Au regard des tensions actuelles, le vœu de nombreux tchadiens appelant « tout le monde, les rebelles y compris, tous les Tchadiens de se mettre autour d’une table et parler, négocier pour une solution durable » se réaliserait difficilement. Pour les belligérants, la solution semble inéluctablement militaire. Mais qui du CMT et du FACT serait en mesure de l’emporter ? Une certitude cependant, les Tchadiens vont passer des moments difficiles.