La situation sociopolitique au Tchad préoccupe les pays de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) dont les dirigeants pourraient se retrouver incessamment à Yaoundé, la capitale camerounaise, pour un sommet extraordinaire. Selon des sources diplomatiques, le bal des émissaires observé ces derniers temps semble accréditer cette thèse.
Moins de trois semaines après la mort brutale du président Idriss Déby Itno, les nouvelles autorités regroupées au sein du Conseil Militaire de Transition (CMT) confrontées aux attaques des mouvements rebelles et à la contestation des partis politiques de l’opposition et de la société civile multiplient des initiatives pour légitimer leur pouvoir transitoire qui devrait durer dix-huit mois. C’est ce qui explique le déploiement des émissaires du Conseil militaire de transition auprès des dirigeants de la CEMAC. Le 7 mai 2021, le chef de l’Etat camerounais Paul Biya, par ailleurs président en exercice de la CEMAC, a reçu une délégation dépêchée par le président du CMT, le général Mahamat Idriss Deby Itno conduite par le directeur adjoint du Cabinet civil de la présidence Abdelkerim Deby.
Selon l’émissaire tchadien, cette tournée dans la sous-région a pour objectif d’expliquer aux chefs d’Etat, le processus en cours au Tchad depuis le décès du Maréchal Idriss Deby Itno. C’est-à-dire, « le processus d’une transition apaisée, dans le calme, qui aboutirait à des élections libres, transparentes et démocratiques ». En d’autres termes, les nouvelles autorités tchadiennes entendent « solliciter les orientations des chefs d’Etat de la sous-région et obtenir leur accompagnement dans la réussite de ce processus » en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
L’opposition et la société civile qui forment la coalition citoyenne Wakit Tama annoncent ce 8 mai, des manifestations populaires à travers le pays en vue d’obtenir le départ du pouvoir de la junte militaire. D’après de fiables informations, ces manifestations interdites au départ ont été finalement autorisées par le CMT sur « conseil de certains dirigeants de la sous-région, convaincus que ce qui se passe actuellement au Tchad est un coup de force, mais que le contexte de l’arrivée des militaires au pouvoir nécessitait des circonstances atténuantes. Raison pour laquelle, l’on n’a pas enregistré ne serait-ce qu’une condamnation de principe ». Ce qui, dans le langage ampoulé de la diplomatie laisse croire en filigrane que « les chefs d’Etat de la CEMAC ont adoubé les nouvelles autorités tchadiennes », a confié une source proche du dossier.
Aux dernières nouvelles, les manifestions à l’origine « pacifiques » et « tolérées » par les militaires ont dégénéré, notamment à Ndjamena, la capitale où l’on signale plusieurs heurts et de nombreuses arrestations. D’après des témoignages concordants, l’armée aurait fait usage de gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser des manifestants qui avaient érigé des barricades dans les principales artères de la ville. Le bilan provisoire en matinée fait état d’une dizaine de blessés, et le pronostic vital de certains blessés serait engagé.