La Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) crée l’événement sur le marché financier de l’UEMOA avec le démarrage, lundi 10 mai 2021, de la souscription à son emprunt obligataire « BIDC-EBID 6,50% 2021-2028 » de 50 milliards de FCFA, premier pas d’une vaste opération de mobilisation de fonds de 240 milliards de FCFA, soit 400 millions de dollars. L’opération est structurée par Impaxis Securities, arrangeur principal et chef de file, qui décroche ainsi une troisième émission de rang en l’espace d’un an. Pour présenter l’emprunt, ses caractéristiques, son profil de risque et ses perspectives sur le compartiment obligataire de la BRVM où il sera coté, nous avons réalisé un entretien croisé avec Mr. Sydney VANDERPUYE, Directeur, Finances BIDC et Mr. Ababacar DIAW, CEO de Impaxis. Exclusif.
Mr. Sydney VANDERPUYE, Directeur, Finances BIDC
La BIDC va lancer un emprunt obligataire sur le marché financier régional de l’UEMOA. D’abord quelle présentation faites-vous de l’institution ? Quelles sont ses missions ?
Contexte
La Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) est la banque régionale d’investissement et de développement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui regroupe quinze (15) Etats membres à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo.
La BIDC a émergé comme groupe bancaire (le Groupe BIDC) après la transformation de l’ancien Fonds de coopération, de compensation et de développement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Fonds CEDEAO) en 1999. Le Fonds de la CEDEAO a été créé en 1975 et a commencé ses opérations en 1979.
La BIDC dispose d’un capital autorisé de 1 milliard d’Unités de Comptes (UC). 70 % de ce montant sont réservés aux États membres tandis que 30 % sont ouverts à la souscription des membres non régionaux.
Mission
La mission de la BIDC est de contribuer à la création des conditions susceptibles de favoriser l’émergence d’une Afrique de l’Ouest économiquement forte, industrialisée et prospère, parfaitement intégrée tant sur le plan interne que dans le système économique mondial, afin de bénéficier des opportunités puis tirer profit des possibilités et perspectives offertes par la mondialisation.
Conformément à sa mission, la BIDC a investi, au cours des quatre dernières décennies, environ 2,8 milliards de dollars US dans des programmes de développement inter et intrarégionaux couvrant diverses initiatives en matière d’infrastructures et d’équipements de base, de développement rural et d’environnement, d’industrie, de secteurs sociaux et de services. Avec son siège basé à Lomé, en République Togolaise, la BIDC intervient dans les Etats membres à travers des prêts à long, moyen et court terme, des prises de participation, des lignes de crédit, des refinancements, des opérations d’ingénierie financière et des services.
Au-delà des montants à mobiliser, quels sont les objectifs stratégiques de cette opération ? Quelle est la destination des fonds mobilisés ?
Dans le cadre de sa mission de relance post-COVID-19 en Afrique de l’Ouest, la BIDC utilisera les fonds mobilisés pour accompagner les Etats membres de l’UEMOA dans leur relance économique et le financement de projets de développement dans les secteurs tels que les infrastructures, l’énergie, l’eau et la santé. Par ailleurs, cet effort de mobilisation des ressources vise à soutenir la dynamique d’industrialisation, avec un accent particulier sur les PME/PMI, conformément au Plan stratégique 2021-2025 de la Banque.
Pourquoi le choix du marché financier régional plutôt que le marché financier international qui vous permet un financement en devises plutôt qu’en monnaie locale ?
L’objectif premier de cette émission est de contribuer à l’approfondissement du marché financier régional. Par ailleurs, le FCFA est l’une des monnaies dans lesquelles la Banque traite. La mobilisation des ressources en FCFA permet à la Banque de financer facilement ses engagements de prêts en FCFA sans s’exposer aux risques de change.
Au-delà de cette sortie, quelles sont vos autres initiatives de mobilisation des ressources programmées sur la période 2021-2022 ?
La stratégie de la BIDC consiste à mobiliser des fonds garantis par les Agences de Crédit Export (ACE), des prêts bilatéraux, des financements concessionnels et à récupérer le capital auprès des actionnaires. Des succès significatifs ont été enregistrés en matière de recouvrement de capital (même au-delà des projections pour 2021 et 2022). La Banque a obtenu le financement auprès d’ACE pour la période de référence sur des projets spécifiques, et la clôture imminente de plusieurs prêts bilatéraux est en vue.
Cette opération sur le marché financier de l’UEMOA intervient alors que de profondes réorganisations seraient en cours au sein de la BIDC. Quelles sont les ruptures attendues ?
La BIDC travaille assidûment à l’amélioration de ses méthodes de travail, avec la mise en œuvre de réformes efficaces et efficientes. L’objectif principal est de s’engager davantage avec nos partenaires, de recouvrer les capitaux en souffrance, d’améliorer la qualité des actifs, les processus de travail et l’infrastructure informatique. Des succès significatifs ont été enregistrés sur toutes ces variables, avec une volonté d’aller plus loin. Comme nous l’avons mentionné, le recouvrement des capitaux a été impressionnant, les prêts en souffrance ont été récupérés et la banque a réalisé un bénéfice raisonnable en 2020, une année très difficile pour de nombreuses organisations et institutions régionales et non régionales. La Banque a également renforcé ses protocoles de gestion des risques, en vue d’éviter une augmentation des prêts non performants.
Quelles sont vos ambitions en termes de financement de projet dans la zone UEMOA ?
La BIDC entend poursuivre sa mission en étant un catalyseur essentiel de la croissance économique de la zone UEMOA, notamment en réponse à l’impact négatif de COVID-19 sur la croissance socio-économique des Etats membres. La Banque prévoit de s’impliquer au mieux dans tous les projets d’impact dans la zone UEMOA afin d’aider nos Etats membres à relancer leurs économies et à stimuler la croissance. En effet, la Banque sera présente sur le marché pour lever suffisamment de ressources afin de marquer plus fortement son empreinte au sein de la zone UEMOA.
Mr. Ababacar DIAW, CEO de Impaxis
En tant qu’arrangeur de l’emprunt obligataire de la BIDC, pouvez-vous revenir sur la structuration de l’opération et la composition du syndicat de placement?
IMPAXIS a été mandaté par la BIDC en tant qu’Arrangeur Principal et Chef de file du Consortium en charge du programme de levées de fonds de 240 milliards FCFA (équivalent 400 millions USD), suite à un appel d’offre régional concurrentiel.
Ce programme de levée de fonds de 240 milliards FCFA est le plus important par un émetteur non-souverain depuis la mise en place du marché financier régional en 1996.
Il intervient dans un contexte spécifique avec la pandémie actuelle de la Covid19. La BIDC, de par son positionnement unique au sein de la région CEDEAO, entend jouer un rôle majeur pour le financement de la relance économique et le développement des différentes économies.
Sur cette Opération, IMPAXIS est accompagné de Coris Bourse en tant que co-arrangeur et co-chef de file, et d’Ecobank Development Corporation (EDC) en tant que co-chef de file, les trois entités constituant le Consortium. Cette attelage, composé d’institutions africaines avec une profonde connaissance de la région et un accès unique à une base d’investisseurs régionaux et internationaux, a été un atout unique dans la structuration de l’Opération.
Aujourd’hui, la BIDC lance la première tranche de ce programme avec un montant de 50 milliards FCFA.
L’emprunt sera amorti sur une maturité de 7 ans à un taux d’intérêt de 6,50%/an net pour les investisseurs résidant en région UMOA. Les intérêts seront payables semestriellement à partir de la date de jouissance de l’Opération et le remboursement du capital sera semestriel, après deux années de différé.
La période de souscription sera ouverte du 10 mai au 24 mai 2021. L’Opération est commercialisée uniquement au niveau de la région UMOA et est ouverte à tous les investisseurs, personnes physiques et morales, indépendamment de leur lieu de résidence. L’allocation se fera sur la base de l’ordre d’arrivée des souscripteurs avec un montant capé à 50 milliards FCFA.
Les ressources levées viendront non seulement renforcer les fonds que la BIDC consent à mettre en place pour, entre autres, financer les plans de relance des économies de la zone UEMOA mais aussi catalyser la mobilisation de fonds supplémentaires à destination de la région.
Quel est le profil de risque reel lié à cet emprunt de la BIDC, émetteur qui n’est pas noté à notre connaissance ?
La BIDC présente un profil de risque quasi-souverain au sein de la zone CEDEAO. Cette assertion donne une information sur son profil de risque faible. Le taux de 6,5% net proposé constitue ainsi une opportunité attractive pour les investisseurs avertis et ce surtout en cette période.
Sur la question relative à la notation financière, la BIDC est bien notée. Certes, elle ne bénéficie pas encore de la couverture des agences de notation agréées au sein de la région UMOA mais elle est suivie par deux agences de notation internationales, à savoir Fitch et Moody’s. Ces agences ont assigné respectivement la note de B et B2 à la Banque.
Avec cette notation, la Banque affiche un niveau de risque quasi souverain et occupe la 4ème meilleure notation si on la compare aux notes des 8 Etats de la zone UMOA. En tant qu’institution financière supranationale, la Banque compte à ce jour comme actionnaires que les 15 Etats membres de la CEDEAO. Ce point renforce davantage la qualité de risque de l’Emetteur.
Enfin, la Banque bénéficie d’un capital confiance de la part des investisseurs dans la mesure où la BIDC est un habitué du marché financier régional. Cette émission représente la 6ème intervention de la Banque sans défaut ou retard de paiement sur le marché.
Le timing choisi, à savoir un moment de reprise plus lente que prévue, n’est-il pas un facteur supplémentaire de risque ?
L’Emetteur entend jouer un rôle majeur dans la relance de nos économies, en droite ligne avec son mandat de banque de développement de la région CEDEAO. Cet emprunt obligataire aura un impact sur la lutte contre la pauvreté, le déficit infrastructurel et la croissance de nos économies.
Certes la situation actuelle de la Covid-19 a un impact mondial et sur tous les marchés financiers. Cependant en cette période d’incertitudes les investisseurs font un vol vers la qualité qui met un accent particulier sur la qualité de risque de l’Emetteur et en ce point, l’obligation “BIDC-EBID 6,50% 2021 – 2028” représente une valeur refuge de par ses caractéristiques.
Vous aviez accompagné l’année dernière la Sonatel, seul émetteur non souverain, à intervenir sur le marché obligataire de la BRVM en 2020. Quel parallèle dresserez-vous entre cette opération et celle de la BIDC?
Il y a eu l’émission également du Port de Dakar pour 60 milliards en Octobre 2020.
La levée de fonds de 100 milliards FCFA de Sonatel, dont IMPAXIS a été seul Arrangeur et Chef de file, a prouvé que le marché financier régional était capable d’absorber des montants de plus en plus importants.
Avec son programme d’émission, la BIDC envisage de mobiliser sur les 12-15 mois à venir un montant global de 240 milliards FCFA ce qui en ferait le programme le plus important par un émetteur non souverain sur le marché financier régional.
Selon nous, le marché financier peut et doit constituer un complément de premier choix à côté des banques, régionales et internationales, pour l’accompagnement de nos économies et surtout pour le secteur privé. La capitalisation boursière de notre marché, représentant c. 6% du PIB UMOA contre 11% au Nigéria et 55% au Maroc, met en exergue le potentiel encore non exploité.
De par la structure du marché, des réformes à mener et de l’accès quasi illimité à des flux de capitaux, il y a ici un levier à saisir pour le financement du développement de nos économies et en particulier du secteur privé.
Impaxis signe avec la BIDC une deuxième opération de rang en l’espace c’une année. Quel est votre avantage comparatif sur le marché ?
IMPAXIS en tant que banque d’affaires s’efforce de structurer des solutions surmesures qui répondent parfaitement aux attentes et besoins de ses clients. IMPAXIS se veut un acteur majeur et innovant de la finance. De par nos partenaires et nos équipes, nous avons une capacité d’intervention aussi bien sur le marché financier que sur le financement hors marché, en monnaie locale aussi qu’en devises. Le leitmotiv premier est l’identification du besoin du client et de là, structurer la solution la plus adaptée, répondant à ses besoins et en ligne avec les meilleures pratiques à l’échelle mondiale.
Nous aimons à penser que notre offre, sur la base d’une analyse approfondie du Client et du contexte, a su répondre aux problématiques et contraintes de la BIDC.
En sus de l’arrangement, cette approche combinée à notre accès privilégié à une base d’investisseurs régionaux et internationaux nous a également permis d’être leader dans le placement au moins sur les trois des quatre derniers emprunts obligataires privés que le marché financier régional a enregistré.
Quelles sont vos perspectives pour le marché financier régional en 2021 ?
Nous pensons que l’année 2021 et 2022 devraient être des années majeures pour le marché financier. Le besoin de mobilisation de ressources pour le financement des plans de relance est important. Le marché par sa structure est le lieu privilégié pour les opérations d’envergure. L’évolution de la règlementation bancaire également devrait conduire le secteur privé à optimiser le mix entre financement bancaire et financement via le marché financier.
Concernant le marché actions également les cours sont au plus bas avec beaucoup de valeurs solides et sous-évalués de manière significative. La dynamique des taux, au niveau mondial, conduit également à une envolée/reprise des marchés actions qui ne devrait pas épargner les marchés Emergents et Frontiers.