Reconduit au poste de ministre de la justice dans le nouveau gouvernement du premier ministre Collinet Makosso publié par décret le 15 mai dernier, Aimé Bininga compte mener un vaste chantier des réformes du système judiciaire et des organes de l’État à travers la numérisation de la justice, la réforme des procédures pénales et civiles, le sens et l’efficacité des peines et l’organisation territoriale des juridictions.
De l’indépendance de la justice à la réforme du parquet aux conditions de détention des prisonniers, en passant par la justice des mineurs et l’amélioration des conditions de travail des magistrats, les chantiers qui attendent le ministre de la justice Aimé Bininga sont nombreux et la tâche s’avère ardue pour celui qui promettait « une justice plus proche des citoyens ». Diplômé de troisième cycle en droits fondamentaux des universités de Nantes et détenteur d’un doctorat en Droit de l’Université Sheick Anta Diop de Dakar, enseignant à l’université de Brazzaville, Aimé Bininga est un haut cadre de l’administration publique congolaise qui ala lourde mission de poursuivre les réformes et les innovations du secteur stratégique de la justice au sein l’exécutif congolais.
Balayant plusieurs décennies, les diagnostics mettent à jour une politique judiciaire pétrie de contraintes et de promesses, voire de paradoxes. La justice congolaise peine à emporter la confiance des populations. Les tribunaux continuent d’être saisis sur un mode quasi itératif, d’affaires aux relents politiques avérés ; contraintes doublées de déficits organisationnels identifiés et reconnus (accessibilité, communication, célérité…). Pourtant, la thèse subsumant la justice sous le simple statut de « bras séculier » prolongeant et accompagnant le redéploiement de l’autoritarisme semble quelque peu expéditif. L’arène judiciaire a compté ces dernières années au nombre des espaces institutionnels qui ont structuré le débat public. C’est dans ce contexte que le ministre de la justice entend engager un vaste chantier
En effet, dans sa feuille de route d’aménagement des réformes, il envisage de faciliter les procédures de saisine des instances judiciaires .Pour les affaires pénales, par exemple le ministre compte innover pour permettre le dépôt de plainte en ligne et la mise en place d’un « dossier numérique unique » : à compter de la plainte jusqu’au jugement, il sera ouvert à tous les acteurs (policier, avocat, magistrat, justiciable) avec des droits d’accès différents selon les étapes de la procédure . Au civil, il s’agira surtout de simplifier la saisine des juridictions. La réforme prévoit également de faciliter les demandes en ligne des citoyens pour l’obtention des casiers judiciaires et des certificats de nationalité. Des procédures simplifiées accessibles dont l’objet est également de lutter contre tous réseaux d’établissements frauduleux des documents .
Ainsi la numérisation des services judiciaires connectés aux services centralisés et décentralisés de l’administration se trouve être au cœur du grand chantier de la réforme du système judiciaire et de ses démembrements y compris l’épineuse question de l’amélioration des conditions de vie dans les prisons pour tenir compte des nécessités qui expriment, entre autres, l’exemplarité de la sanction pénale et la réinsertion sociale projetée de certains délinquants.
La restauration de l’autorité de l’Etat comme l’a indiqué le premier ministre dans sa première interview constitue selon le ministre Bininga une des pierres angulaires des chantiers des réformes . Cela passe par la restauration du règne de la loi y compris dans le milieu judiciaire par l’application des dispositions déjà en vigueur. Le Congo a déjà un cadre juridique qui est suffisamment structuré pour assurer une bonne distribution de la justice dans le pays. Les activités judiciaires sont pour la plupart encadrées par des procédures qui prescrivent des délais. Il s’agit par exemple de faire respecter ces délais car tout dérapage est une atteinte aux droits des justiciables en matières de garde à vue ou de détention préventive. Car la régularité des jugements est une condition nécessaire pour le bien être du fonctionnement de la justice .
L’application sans complaisance du régime disciplinaire applicable aux magistrats et autres auxiliaire de justices est autant de chantiers sur lesquels, le ministre de la justice s’ engage pour traduire dans les faits le projet du Président de la République.
Le ministre congolais de la justice, envisage selon les informations en notre possession engagée une réforme qui améliorera in finé la qualité des services de l’administration judiciaire, car l’assainissement de l’environnement de l’espace judiciaire constitue entre autres , l’une des conditions sine qu’a non pour l’amélioration du climat des affaires avec comme objectif principal le repositionnement du Congo dans le classement du Doing business. Ce qui permettrait d’attirer les investisseurs. Car pour le ministre Aimé Bininga, le climat des affaires dépend vivement de la relation entre la justice et le milieu des affaires. La justice devrait être un catalyseur de bonnes relations d’affaires en contribuant à l’application objective de la loi. Il ne s’agit pas selon lui de remettre en cause l’indépendance des juges. Mais de susciter plus de rigueur dans l’application de la loi. L’accélération du processus qui aboutira à valorisation de l’arbitrage est sans conteste une issue souhaitée comme le prescrivent les actes du traité de l’Ohada relatif au droit de l’harmonisation des affaires. Il va de soi que la réforme des différents codes entamée depuis des années contribuera, à la mise en cohérence du dispositif légal avec les exigences de la société et de la communauté régionale et internationale. Le processus est suffisamment avancé nous dit-on du côté du cabinet de l’homme des réformes du gouvernement congolais.
Autre chantier qui attend le ministre de la justice, la lutte contre la corruption et tout ce qui est circonscrit comme antivaleur, un chantier crucial scruté à la loupe par transparency international.
Repenser les rôles et le statut du judiciaire se rattacherait, si l’on en croit le paradigme transitologique, à la troisième séquence de démocratisation, celle de la consolidation dont on dit qu’elle a la vertu de stabiliser le fonctionnement d’une jeune démocratie au moyen de nouvelles articulations entre citoyenneté, institutions et redevabilité.