Jusque-là, les affaires de corruption en Afrique concernent toujours d’anciens présidents ou des ministres interpellés en général à leur descente d’avion à Londres, Paris ou New York. Aux saisies de biens mal acquis s’ajoutent les gels des comptes alimentés par l’argent de la corruption qui ne revient qu’exceptionnellement et à comptes goutte à la source. Dans ce marché juteux , les ONG tiennent le beau rôle en indexant les Etats africains. Dans le scénario, l’on a toujours minoré le rôle des multinationales, ces seigneurs altruistes qui financent la société civile laquelle lui renvoie l’ascenseur avec cette révérencieuse et peu contraignante exigence: “publiez ce que vous payez”. Pendant ce temps, quid des banques qui servent de support aux mouvements des fonds ? Quid des compagnies pétrolières qui, puisqu’il y a eu corruption, ont versé des pots-de-vin ? Ces zones d’ombre du théâtre de la corruption en Afrique viennent d’être brutalement tirées à la lumière par le Nigeria qui a attrait JP Morgan Chase devant les juridictions britanniques, pour avoir transféré 875 millions de dollars en trois tranches à un ancien ministre nigérian du pétrole. Loin de nier les faits, la banque estime avoir agi sous les ordres de son client, en l’occurrence, l’Etat du Nigeria alors dirigé par le président Goodluck Jonathan. Abuja réclame 1 milliard de dollars de dommages et intérêt à la banque américaine.
Quant aux compagnies pétrolières impliquées dans ce dossier qui concerne un bloc pétrolier de 9 milliards de barils de réserves, elles ont été relaxées en mars dernier par la justice italienne qui ne trouve rien à leur reprocher. Eh oui, Shell et ENI s’en sortent sans égratignure. Et l’on devrait d’ailleurs dans le cas d’espèce, décorer leurs services financiers et juridiques pour la finesse de leurs montages financiers et de leurs arrangements juridiques qui font qu’ils ont viré l’argent à un compte public du Nigeria avant que ledit compte ne transfère 80% du montant à un autre compte privé, appartenant au ministre Dan Etate. Ce dernier avait trouvé la géniale idée en tant que ministre du pétrole du Général Sani Abacha de s’attribuer ce champ pour 2 millions de dollars. A l’inverse des compagnies pétrolières qui s’entourent de toutes les précautions, lui, le fier chef coutumier de sa tribu, traine de toutes les preuves du crime. Un château et des biens de luxe en France saisis depuis 2009 suite à sa condamnation par la cour d’appel pour blanchiment d’argent, un jet privé saisi au Québec et des virements retracés. A notre sens, ce patriarche africain qui a pour modèle Jacques Chirac, n’est que la face visible de l’Iceberg. La vraie consistance d’une affaire de corruption interpelle d’abord les vrais donneurs d’ordre même si ceux-ci usent de subterfuges pour ne pas apparaître au premier plan.
Quant à JP Morgan, elle a accepté d’effectuer une opération qu’aurait décliné une banque égyptienne, en l’occurrence Bank Misr Liban. Est-ce à dire que les règles de compliance sont plus sévères sur les bords du Nil qu’aux portes de Wall Street ? A voir. En attendant un jugement sur lequel notre rédaction ne miserait pas un Eco de la CEDEAO, cette triste affaire est suffisamment claire pour signifier à ceux des dirigeants africains en activité que l’argent de la corruption caché en Occident finit toujours par être saisi. De la fortune réelle et fantasmée de Mobutu, qui s’élevait à 7 milliards de dollars en 1993, soit deux fois la dette extérieure du Zaïre, au magot de Sani Abasha dont seuls 300 millions de dollars ont été recouvrés, en passant par les supposés 40 à 70 milliards de dollars de Hosni Mubarak ou encore l’introuvable fortune des Ben Ali, tout finit par se dissiper entre avocats, juges et lobbystes. Les fonds ne profitent jamais à ceux qui les ont détournés. Une fois saisis, cet argent noir tombe quasiment dans le circuit. Que faut-il faire ?
Nous pensons que l’Afrique devrait du Cap au Caire, en intensifiant ses réformes pour la modernisation de l’administration, décréter trois ans d’Etat de grâce, assortis de possibilité de distinction par l’équivalent de la Légion d’honneur à tous ceux qui s’engagent à rapatrier les fonds, licites ou illicites, dormant dans les paradis fiscaux. De la même manière que la Commission Vérité et Réconciliation de l’Afrique du Sud, l’on devrait sans esprit de revanche, sans arrières pensées et sans agenda électoral, conduire des tractations envers ceux identifiés comme ayant goûté au fruit défendu de la corruption, pour les inviter à rapatrier leurs fonds pendant qu’il est encore temps. Car tôt ou tard, les indélicats risquent de finir comme Dan Etate, en basculant d’une vie de fortuné à celle d’un paria, sous le coup de mandats d’arrêt et du risque de finir une longue carrière dans l’une de ces prisons africaines que l’on ne souhaiterait même pas à son pire ennemi.
Un commentaire
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