Par Thomas YAPO
L’abeille, tout comme le ver de terre, est un petit être vivant dont le rôle est crucial sur notre planète. En effet, l’activité de pollinisation de l’abeille est essentielle à la reproduction des plantes à fleurs. Alors que les abeilles sont menacées d’extinction en Europe à cause des pesticides, cette petite butineuse pourrait bien représenter le salut de l’Afrique. En effet, grâce à la moindre utilisation des produits phytosanitaires en Afrique cet insecte a été préservé et le potentiel d’exploitation commerciale des produits de l’apiculture est énorme. Bien que le miel soit présent de manière ancestrale sur le continent, les Africains commencent à se rendre compte qu’ils ont négligé l’apiculture et ses revenus conséquents.
Qu’est-ce que l’apiculture ?
L’apiculture est une activité qui consiste à élever des abeilles pour exploiter les produits de la ruche. Il s’agit principalement du miel mais il y a également la cire, la gelée royale, le pollen et la propolis, voire le venin d’abeille.
Les abeilles subissent une mortalité inquiétante à cause des produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture en Europe ou aux États-Unis. L’abeille africaine, plus résistante et plus productive, n’a pas subi les mêmes perturbations grâce à la moindre utilisation de pesticides en Afrique.
En Afrique, le miel a été traditionnellement récolté par le feu avec comme conséquences la potentielle destruction de la colonie et une mauvaise qualité du produit. Cette technique n’est pas durable et l’Afrique aurait beaucoup à gagner d’une modernisation de son apiculture : la technologie traditionnelle permet de produire 5 à 8 kg par ruche, alors qu’un rucher moderne peut donner jusqu’à 20 kg de miel de qualité. L’apiculture, activité secondaire chez les fermiers africains, est souvent laissée de côté voire inexploitée dans la plupart des pays car elle est considérée comme étant un petit secteur d’investissement.
En quoi l’apiculture peut-elle bénéficier à l’Afrique ?
L’Afrique est caractérisée par une population jeune, pauvre et travaillant en majorité dans le secteur primaire. La moyenne d’âge sur le continent est de 19 ans. Selon les prévisions de la Banque Mondiale, le taux de population vivant en dessous du seuil de l’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour) atteindra 90% en 2030 en Afrique.
L’Afrique, grâce à son climat favorable et à sa moindre utilisation de pesticides, est une terre prometteuse pour l’apiculture. L’apiculture peut être un facteur de développement et d’éradication de la pauvreté des agriculteurs africains. En effet, en créant des emplois et en apportant un revenu complémentaire significatif dans un secteur primaire qui emploie la majorité de la population active, l’apiculture présente de nombreux atouts. De plus, cette activité rentable participe à l’autonomisation des femmes, produit des valeurs nutritives de bonne qualité et apporte de la valeur ajoutée contrairement aux denrées agricoles d’exportation historiques (cacao, coton, …). L’Éthiopie est le premier producteur de miel sur le continent africain (53’782 tonnes en 2019 selon la FAO) et figure avec quatre autres pays africains parmi les vingt premiers producteurs mondiaux. Ce chiffre est à comparer aux 447’000 tonnes de la Chine qui est le premier producteur mondial. Il est estimé que les meilleurs pays producteurs du continent pourraient gagner 100 millions de dollars par an s’ils se professionnalisaient. Aujourd’hui la majorité du miel produit sur le continent est consommée sur le continent (autoconsommation, troc, …) et seulement 2,74% sont exportés.
Avec une production estimée seulement à 1’800’000 tonnes (source : FAO, 2019) soit 11% de la production mondiale, l’Afrique dispose d’un fort potentiel de production de miel. De plus, avec une demande supérieure à l’offre sur le continent, il n’y aurait pas de problème de débouchés. Que ce soit en activité principale ou secondaire, les avantages de l’apiculture sont notables. Activité marginale sur le continent africain à côté d’une agriculture de subsistance, l’apiculture apporte des revenus additionnels avec des équipements relativement simples pour les agriculteurs africains. Pour cela, l’apiculture traditionnelle doit se transformer en industrie apicole moderne avec de la formation des acteurs et l’application de pratiques durables pour se conformer aux standards internationaux propices à l’exportation. Les gouvernements et les organisations travaillant sur le terrain seraient bien inspirés de former la population et de distribuer plus des ruches car il ne faut pas oublier qu’en Afrique 80% des plantes et un tiers de la nourriture produite bénéficient de la pollinisation des abeilles.
Thomas YAPO est un consultant franco-ivoirien fort d’une expérience de plus de 20 années dans le conseil en stratégie, l’analyse économique et la protection de l’environnement en Europe comme en Afrique sub-saharienne. Il est particulièrement spécialisé sur les sujets de résilience et de recherche de financements. Sa polyvalence est très recherchée sur des problématiques financières complexes.