Ce changement de paradigme mondial permettrait de moderniser l’Afrique et offrirait à certains pays la possibilité de s’extraire de la spirale du piège chinois de la dette africaine pour ainsi préserver leur souveraineté. L’installation d’infrastructures et d’outils industriels d’entreprises souvent occidentales ainsi que la création d’un important tissu d’entreprises locales, génèreraient sur le sol africain, des dizaines de millions d’emplois plus rémunérateurs que ceux du secteur informel. Cette mutation qui s‘inscrirait néanmoins dans le respect de l’environnement, favoriserait de nouveaux échanges entre des Etats africains et leurs partenaires fréquemment français, européens, américains et parfois asiatiques. Elle augmenterait la croissance de chacun d’entre eux.
Quand l’idéologie empêche le développement de l’Afrique et maintient la pauvreté
Lors de sommets internationaux, au moment où l’extrême pauvreté et la famine font plus de ravages que jamais, des occidentaux et des africains bien nourris expliquent fréquemment à une population qui compte 250 millions d’habitants souffrant de malnutrition dans une Afrique quasiment dépourvue d’industrie qui émet peu de co2, que les priorités doivent être cependant la transformation numérique et une transition verte aux contours incertains. Pensée technocratique, cynisme, dogmatisme ou méconnaissance de l’économie africaine, chacun jugera. Mais la priorisation de propositions insuffisantes ou illusoires qui ne produiront pas d’effets significatifs rapides en matière économique, est de nature à retarder le développement du continent et à aggraver la pauvreté.
Un modèle qui pourrait répondre aux aspirations de la jeunesse africaine
Fin 2020, dans un article publié sur La Tribune Afrique intitulé «Afrique subsaharienne: le capitalisme pourrait réussir là où ou l’aide au développement échoue depuis 60 ans », nous nous interrogions à propos de l’efficacité d’une aide publique qui a dépassé 1000 Mrds de dollars mais n’a pas réussi à faire diminuer un emploi informel qui concerne encore 85 à 89 % de la population active subsaharienne. Des entreprises industrielles offriraient des emplois mieux rémunérés. L’augmentation raisonnable des salaires de production que nous prônons dans nos études relatives au projet «International Convention for a Global Minimum Wage», contribuerait aussi à une élévation du niveau de vie des populations et accélérait le développement de l’Afrique. Cela pourrait répondre au souhait de nombreux africains qui voudraient mieux vivre de leur travail et rompre avec une assistance certes bienveillante et souvent indispensable mais qui renvoie une image négative qu’ils veulent changer.
Plan structuré de régionalisation industrielle en Afrique subsaharienne
Ainsi que nous l’avons déjà écrit dans Le Figaro, « Réduire notre dépendance à la Chine, c’est possible! ». Mais seul un «plan de régionalisation de production Europe Afrique», réaliste et structurant mais tenant compte aussi des nouveaux paramètres géopolitiques et géoéconomiques, pourrait réussir. Une implication financière même modérée de chacun des pays qui souhaiteraient renforcer leur présence économique pour accroître leurs échanges avec l’Afrique dans le cadre du programme, s’avèrerait indispensable. Les entreprises originaires de ces États signataires étrangers pourraient bénéficier d’un accompagnement facilitant leur implantation (recrutement et formation, assistance juridique, fiscale et administrative, financements, études etc.) qui contribuerait à une attractivité pour l’Afrique subsaharienne. Nous saurons bâtir les schémas industriels globaux au sein desquels elles pourront se projeter et qui les convaincront de déménager une part de leur production. Il conviendra de rechercher une complémentarité sectorielle pour constituer des écosystèmes performants et cohérents. Cette proximité permettra ainsi de réduire au sein de chaines de valeur mondiales (CVM), le transport de matières ou pièces.
Un programme concret et aisément finançable
Le coût de construction des bases industrielles dont accès routiers, ferroviaires, aéroportuaires ou portuaires, fourniture énergie, réseaux télécommunications, travaux de voirie, gestion des déchets mais aussi dispositifs de sécurité, habitations, écoles, centre médicaux et commerces indispensables, seraient éligibles au financement par les grandes institutions internationales et pays donateurs dans le cadre du développement de l’Afrique. Le montant dépensé pour chaque site industriel qui sortirait de terre tous les 2 ou 3 ans, avoisinerait 3/5 Mrds euros. A l’opposé de politiques ou de propositions économiques, internationales ou locales, souvent creuses et sans lendemain mais qui sclérosent depuis 60 ans le développement de l’Afrique subsaharienne, le programme «Africa Atlantic Axis» pourrait au contraire être mis en œuvre à moyen terme si toutefois, les populations des pays africains les plus concernés le souhaitent. Les institutions financières internationales ne pourraient que s’associer à ce projet de progrès pour l’Afrique. En effet, ce processus d’intégration industrielle augmenterait les ressources budgétaires des États. Il permettrait une sécurisation de territoires, élèverait le pouvoir d’achat de populations et offrirait les énormes perspectives de développement d’un continent dont la construction économique nécessiterait l’énergie de toute sa jeunesse.
* Francis JOURNOT est consultant et entrepreneur. Il dirige le «Plan de régionalisation de production Europe Afrique» ou programme «Africa Atlantic Axis» et fait de la recherche en économie depuis 2013 dans le cadre du projet «International Convention for a Global Minimum Wage».