La résilience de l’économie ivoirienne peut-elle absorber les conséquences de la pandémie et relancer la croissance ? C’est par cette question ouverte, à la hauteur des enjeux de l’économie africaine et Mondiale qu’a démarré la cinquième édition de la conférence Bloomfield Investment Corporation. Le panel d’ouverture, modéré par le journaliste Alain Foka, fera l’objet, ce dimanche 6 juin 2021, d’une retransmission sur RFI et France 24.
Par delà le Sofitel Abidjan et le monde virtuel, toutes les classes de la finance de marché mais aussi de la finance dite assise (experts comptables, avocats, conseils juridiques, notaires ) étaient représentés. Les spécialistes du risque et de l’assurance Crédit, les stratèges de l’intelligence économique, les princes du financement structuré, les négociants café-cacao et grains, les donneurs d’ordres du marché à terme mais aussi les diplomates, reconnaissables à leurs costumes aux fines rayures, les analystes financiers, oreillettes bien scotchées, sans oublier ce que d’aucuns dans l’impudique profession des journalistes, nomment le mal nécessaire de la finance: les fonds vautours. Les communicants complétaient cette mosaïque qui a suivi avec attention le panel d’ouverture rehaussé par la présence de Adama COULIBALY, Ministre de l’Economie et des Finances, Coulibaly Yacouba PENAGNABA, Président de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics, Ahmadou BAKAYOKO, DG CIE/SODECI et, bien entendu, Stanislas ZEZE, PDG de Bloomfield Investment.
Dans son propos, le Ministre de l’Economie a insisté sur la résilience de la Côte Ivoire qui a un taux de croissance pressenti de 2% et non 1.8% comme l’indique le rapport Bloomfield présenté aux intervenants. La Côte d’Ivoire est donc dans une résilience positive et n’a donné, rappelle le ministre, “aucun signe de récession”. D’emblée, l’argentier appelle à
corriger certaines expressions faisant notamment référence au “troisième mandat” ou, par exemple, à une “situation d’insécurité dans le pays”.
Du reste, la période du COVID a été une occasion d’accélérer la transformation de l’économie. Une sorte de crash test réussie par le secteur agricole ivoirien constitué de plusieurs spéculations qui se complètent dans le cas ou une crise subviendrait.
Sur le sujet de la dette, la Côte Ivoire serait à 47% contre un indicateur plafond de 70% et la soutenabilité de la dette est régulièrement éprouvée. De plus, la Côte Ivoire n’emprunte pas cher, les engagements à court terme en CFA sont de l’ordre de 3% et de 5% en moyenne sur les obligations.
Pour sa part, Coulibaly Yacouba PENAGNABA, Président de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics,,a relevé la dynamique des champions locaux, enclenchée depuis 2007 avec l’accès des petites PME à la commande publique. En Côte d’Ivoire, les adjudicataires doivent donner au moins 20% des marchés qu’ils enlèvent aux PME. Par exemple l’allotement des marchés a été revue pour que les lots soient de taille modéré afin de permettre la soumission des PME. Les délais de passation de marché ont été eux revus à 104 jours et le président aurait aimé que le rapport l’indique.
Poursuivant son propos en réaction au rapport Bloomfield, Coulibaly Yacouba PENAGNABA estime que “la transparence ou le manque de transparence pressentis est une mauvaise perception puisque la cellule d’octroi des marchés publiques comprend des membres qui ne sont pas de l’ Etat mais de la société civile et du secteur privé, assurant ainsi la transparence des décisions”. Suffisant pour garantir la transparence?
Renchérissant sur ce point, le DG de la CIE a expliqué que les PME ont pendant la période du COVID livré des masques fait localement et que cela a permis de résorber le chômage. Par ailleurs, le nombre d’industries implantées en Côte d’Ivoire pendant la période du COVID est 50% plus que ce qu’il n’était dans l’année précédente. Pour soutenir cette tendance, l’énergie a été mise en perspective dans l’accès de plus de 6000 localités contre 2000 et un nombre d’abonnés qui a triplé à 3 millions. D’après le DG de la CIE, la dynamique de la résilience se voit dans les chiffres.
En ce qui le concerne, Stanislas ZEZE, PDG de Bloomfield, auteur du rapport, attire l’attention sur le fait que la dette soit la ressource principale et non la complémentaire. “Quand l’on s’endette en devise étrangère, on est fatalement dans une situation de risque”, explique le PDG de l’Agence de notation estimant que Les ressources propres doivent être mieux mobilisées et accentuées car, argue-t-il, “les chocs peuvent ressurgir ou les confinements peuvent être étalés sur des durées plus longues”.
En clair, la transformation effective de l’économie est nécessaire pour offrir plus de résilience poursuit Stanislas Zézé, constatant que l’économie ivoirienne est “détenue par des acteurs étrangers, qui n’ont pas vocation à réinvestir dans le pays”. In fine, il faut donc former les PME pas seulement assurer leur accès au « local content » , il faut que les PME soient formées pour être en capacité de compétir.
Le deuxième panel était consacré à la gestion de la dette. Intervenant sur le sujet, le ministre du Budget, Moussa Sanogo, a d’emblée indiqué que la crise de la dette ne concerne pas la Côte d’Ivoire et qu’on ne pouvait pas considéré que le pays est trop endetté: la dette est d’environ 48% du PIB et en valeur absolue est de FCFA 16 000 Milliards (24 milliards d’euros). Les taux d’emprunt se situent entre 3% et 5% selon les instruments financiers en monnaie locale FCFA donc, opine le ministre, l’on ne peut pas estimer que c’est trop cher. Sur la pression fiscale, la norme est de 20% dans l’UEMOA mais la Côte d’Ivoire se situe à 12% donc loin du seuil. Le fait que la pression se ressente sur quelques acteurs est une responsabilité commune. Par exemple, déplore ministre, les petits boutiquiers du quartier sont connus et fréquentés par tout le monde mais sont inexistants dans la base fiscale. Mais ils ont une forme d’autorisation d’installation d’une autorité, peut-être la mairie, l’idée est donc de mutualiser avec la technologie les différents registre des administrations afin de croiser les données pour que tout le monde contribue. Il est pertinent de vouloir que tout le monde participe à l’assiette fiscale. Cependant le paysan qui a des revenus annuel de FCFA 400 000 est difficile à prendre en compte.
Plutôt que de grever le revenu paysan par une imposition fiscale, le gouvernement ivoirien essaie donc, à travers les taxes à l’exportation, de prélever quelque chose chez ces acteurs.
Selon le DG du Trésor, la Côte Ivoire est loin d’être surendettée. Et d’oser la comparaison, devenue classique dans les foras africains, avec le Japon et son ratio dette/PIB qui frôle 200% pendant que la France, culmine à un taux de 104%. Les Etats-Unis sont dans la même tendance poursuit le ministre estimant que “le prix de la dette dépend du climat que nous installons dans nos pays”.
La durée des prêts internationaux a tendance à s’ajuster par rapport à la date de nos élections, poursuit le DG du Trésor qui estime que l’on doit en faire sorte pour apaiser le climat social.
Concernant l’élargissement de l’assiette, on doit penser également aux ressources non fiscales. “En France par exemple, les contraventions policières seules rapportent EURO 1.6 Milliards d’Euros à l’Etat. Est-ce que, s’interroge le ministre, l’on est prêt à imposer cela en Côte d’Ivoire , ne serait ce qu’avec le respect de la priorité à droite ? Le rire de la salle montre bien que notre responsabilité n’est pas encore engagée sur ces thématiques.
Prenant le débat dans un autre angle, Paul-Harry Aithnard, directeur général d’Ecobank Côte d’Ivoire estime que «les banquiers ne font malheureusement pas assez» dans le financement de l’économie. «Par exemple, il faut aller plus loin que ce qui est actuellement fait en termes de dettes». Prenant la balle au rebond, le banquier Charles KIE estime que le bilan des banques priorise les engagements de trésorerie public aux crédits au secteur privé. En revanche, temporise le DG Ecobank, “nous avons un problème de fonds propres pour nos PME. La dette seule ne peut malheureusement pas développer nos pays». Le DG d’Ecobank estime par ailleurs que 28 banques pour un seul pays comme la Côte d’Ivoire c’est trop.
Abordant cette question du nombre de banques, le Ministre du Budget estime que réduire le nombre des banques n’est pas aussi facile dans un environnement communautaire.
Le DG du Tresor, M ASSAHORE a précisé quant à lui que le capital des banques a été relevé à 10 Milliards de FCFA pour imiter le Nigeria où le capital est passé à FCFA 100 Milliards entraînement des regroupements. «Pourquoi il n’y a pas eu regroupement en Afrique francophone? » Restant dans sa dynamique, le DG du Trésor précise que «notre responsabilité collective est une fois encore engagée».
Dans ce débat passionnant, Félix Edoh Kossi Amenounvé, Directeur Général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) estime malheureusement qu’on emprunte toujours cher au niveau des Etats et que les pays voisins ont une inflation qui peut justifier les taux qu’on leur facture. «Nous devons faire en sorte de rendre nos zones plus attractive, en faisant en sorte de répondre à l’appétit d’investisseurs qui veulent prendre des positions sur nos dettes même en FCFA. Il est important par exemple de faire en sorte que la régulation soit rapide et réponde aux produits comme les socials bonds, les green bonds etc… qui sont des outils permettant à des investisseurs sociaux de venir dans notre zone».
Finalement, conclue M. Amenounvé, il faut penser à des dépositaires, des global custodian pour conserver et faire la compensation sur le format des obligations que detiendraient ses investisseurs sur le format Euroclear.
La conférence s’est poursuivie avec les autres panels concernant l’amélioration du système de santé et et les conséquences du COVID sur nos populations. Globalement il est noté que nos capacités doivent etre renforcés, il est préocuppant de noter par exemple que la police saisisse 500 tonnes de faux médicaments et que nos incinérateurs n’ont que 80 tonnes en capacité.
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Adama Wade