La décentralisation voulue par les gouvernants au détriment du fédéralisme réclamé par certains Camerounais a du mal à se déployer sur le terrain. Plus d’une décennie après son implémentation, le transfert des compétences de l’administration centrale vers les Collectivités territoriales décentralisées (CTD) se fait en vitesse de tortue traduisant la volonté de l’Etat central de maintenir la mainmise sur la gestion du pays.
Pour de nombreux Camerounais, notamment les partis politiques de l’opposition et la société civile, « la situation actuelle est voulue et entretenue par le régime » d’autant que sur le terrain, « les actes ne suivent pas les discours ».
Pourtant depuis l’adoption de la Constitution de 1996, le chef de l’Etat Paul Biya a fait de la décentralisation l’un des piliers de la politique de « modernisation du pays ». Le pouvoir invoque les difficultés financières pour expliquer « ce retard » qui ne favorise pas aux municipalités de jouir d’une large autonomie malgré les dispositions de la loi du 24 décembre 2019 portant Code général des collectivités territoriales décentralisées qui leur reconnaît des compétences étendues.
La première session ordinaire du Conseil national de la décentralisation (CND) au titre de l’exercice 2021 s’est tenue en fin de semaine dernière six mois après la mise en place des conseils régionaux l’a une fois de plus démontré.
Sur les 590 milliards de FCFA (1,1 milliard de dollars) attendus couvrant les provisions budgétaires en faveur des régions au titre de la loi de finances 2021, soit 18% des recettes transférables de l’Etat hors emprunts, seuls 237 milliards (428 millions de dollars) ont été mis à la disposition des régions et des communes. C’est dire que les CTD devront se contenter à peine de la moitié de l’enveloppe prévue par la loi.
Une dotation financière en dessous des attentes qui, d’après des observateurs, ne saurait permettre aux municipalités de jouer véritablement leur rôle de catalyseur de développement, notamment dans les secteurs de base à l’instar de l’éducation, la santé, l’eau, l’électricité, l’assainissement.
Pour le transfert des compétences aux régions, sur la vingtaine de départements ministériels concernés, à peine cinq sont « sur la bonne voie », ce qui a amené le Premier ministre Joseph Dion Ngute à demander aux ministres d’accélérer le rythme de travail et de transmettre « sous huitaine, les projets de textes y relatifs ».
Un refrain repris depuis une dizaine d’années par le pouvoir central qui tranche avec les réalités du terrain où c’est toujours le statu quo.